Chapitre 30

20 8 0
                                    

Comme la veille, ils se mirent en route tôt.
Leïmy se sentait reposée, ce qui était fort rare après l'une de ses insupportables crises.
Malgré ses sourires plus que fréquents et ses paroles enjouées adressées à tous, Léano continuait à éviter consciencieusement le regard acier de Leïmy ce qui, bien sûr, n'échappait pas à cette dernière.
Elle préférait nettement le comportement de Negg. Il affichait clairement son inquiétude pour sa compagne malgré ses efforts pour paraître neutre. Leïmy ne pouvait lui en vouloir.
Elle-même pressentait que chaque crise la rapprochait inévitablement de la mort. C'était comme une intuition viscérale et il ne pouvait rien faire pour y remédier, seulement espérer que le prochain malaise ne serait pas proche du dernier en date. Leïmy comprenait donc parfaitement ce que ressentait Negg. Après tout, c'était elle qui allait en mourir mais pourquoi en parler ? Cela n'aurait rien changé.
Ils furent prêts en moins d'un quart d'heure.
Les arants avançaient d'un bon pas mais Leïmy n'aurait pas vu la différence si ils avaient avancé lentement. Le paysage était d'une telle monotonie.
Le sable succédait au sable, les dunes succédaient aux dunes, le désert succédait au désert. Pas la moindre trace d'une ville. D'ailleurs, dans cet océan sableux, elle l'aurait immédiatement repérée or, elle ne voyait rien d'autre que cet amas immense d'un doré lui rappelant désagréablement la couleur que prenaient ses iris lorsqu'elle usait de ses pouvoirs. Pas une seule construction.
Avec un soupir, Leïmy se laissa tomber contre l'épaule de Negg. Le rouquin leva un sourcil, surpris. Normalement, la jeune fille ne se permettait que rarement ce genre de gestes affectueux en public mais elle les multipliait ces derniers temps. Il ne s'en plaignait pas mais craignait que cela ne dissimule quelque chose à moins qu'elle n'apprenne simplement à se moquer de l'impression qu'elle donnait.
L'ennui et l'uniformité de l'environnement les firent somnoler durant des heures. Léano avait sourit en voyant les Welkonniens sommeiller paisiblement. Lui était depuis longtemps habitué à ces longues marches et il s'amusait beaucoup de cette réaction. Pour ces "invités" tout se ressemblait dans une non-différence totale mais, pour lui, c'était dissemblable et même facilement identifiable.
Il reconnut donc sans peine l'imposante dune se dressant en face de la caravane. Il freina ses arants en tirant sur leur rênes suffisamment brusquement pour arracher les trois Welkonniens à leur somnolence. Dévlin se rattrapa à l'épaule de Leïmy pour ne pas s'écraser au sol.

« Que se passe t-il ? Grogna Leïmy, mécontente d'avoir été réveillée aussi violemment.
- Nous arrivons et la vue en vaut le coup. J'ai pensé qu'il serait dommage que vous la ratiez.

Leïmy et Negg regardèrent autour d'eux sans rien remarquer d'autre que le désert, interminable. Leïmy saisit Léano par la manche de son long manteau sans se soucier de Dévlin assis entre eux.

- La vue sur la ville ? Il n'y que le sable !
- Un peu de patience... Tenta Léano d'une voix étranglée.
- Elle n'en a pas vraiment.

Avertit Dévlin. Leïmy lâcha Léano pour s'intéresser au nécromancien à qui elle ne comptait pas permettre de s'en sortir impunément après cette remarque mais, avant qu'elle ne se fasse justice, Léano précisa:

- Nous la verrons une fois cette dune gravie.
- Alors qu'attendons-nous ?

Negg s'abstint de répondre à Leïmy que c'était elle et il se contenta de sourire, rieur.
Leïmy se réinstalla sur le banc et Léano ordonna aux arants de se remettre en marche. La pente de la dune s'avéra moins raide qu'elle ne la laissait penser au premier regard. Elle ne fut donc pas une difficulté à monter.
Là, Léano stoppa à nouveau et les Welkonniens, y compris Leïmy et Negg, demeurèrent hébétés. Le chef des Itinérants n'avait pas menti. Le panorama s'offrant à eux depuis ce point d'observation était sublime, incroyable et peut-être aussi un peu incongru au milieu du désert.
Arancha s'étendait à leurs pieds et la première chose qu'ils constatèrent fut que cette cité faisait au moins le double de la taille d'Orquia.
À l'instar de la capitale welkonnienne, de hautes tours s'élevaient vers le ciel mais ici, elles étaient bien plus nombreuses et grandes, elles étaient ornées de motifs et de constructions en verre coloré à leur sommet. Elles côtoyaient de non moins nombreuses coupoles d'or ou de cristal créant une pléiade de reflets hypnotiques. Les tours n'étaient pas les seules à défier les nuages.
Des centaines d'arbres, d'espèces bien souvent inconnues, apparaissaient ça et là en compagnie d'autres plantes, témoignant d'une surprenante fertilité dans un désert. Pour terminer, deux larges cours d'eau qui semblaient parallèles scintillaient sous le soleil. Tout cela, les vitraux colorés, les coupoles en métal et les structures en verre, leur donnaient l'impression de contempler un joyaux posé dans un écrin de sable.

Chroniques d'une Mercenaire - Tome 4 : Par-delà la Mer [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant