Chapitre 27

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Leïje vérifia l'heure à l'aide du croissant de lune apparaissant entre les toits serrés du quartier moyennement fréquentable où il se trouvait. Dabielle n'aurait plus dû tarder. À moins qu'elle n'ait changé d'avis et refuse à présent de tenir ce rôle qu'il lui avait confié.
Du bâtiment situé juste à côté de celui où était adossé le voleur, s'échappaient des rires et bien d'autres sons. Leïje devait se retenir pour ne pas entrer dans La Colombe d'argent.
L'établissement était parfaitement semblable à la dernière fois qu'il s'y était rendu. La façade était éclairée par des lanternes de verres teinté de différentes couleur fixées aux fenêtres, elles-même projetant des taches de lumière dans la rue.
Leïje soupira.
À mesure que les minutes défilaient, il craignait de plus en plus de ne pas voir Dabielle arriver. Comment pourrait-il obtenir les informations lui faisant défaut sans la jeune voleuse ?
Avec un sourire, Leïje remarqua qu'il s'était posé exactement la même question il y avait un an lorsqu'il avait décidé de suivre Leïmy, Negg et Dévlin à la quête des pierres. Il était trop impulsif et, malheureusement pour lui, sa langue était toujours plus rapide que ses réflexions.
Il fut tiré de ses pensées par des bruits de pas. Le voleur se dissimula derrière une pile de tonneaux vidés au cours de la soirée. Il espérait qu'il s'agissait de Dabielle mais il déchanta bien vite en identifiant une silhouette masculine.
L'homme semblait nerveux et jetait des regards en tous sens malgré l'obscurité ambiante. En faisant ces observations, Leïje ne put s'empêcher d'être secoué d'un rire aussi silencieux que moqueur. Visiblement, l'homme n'avait pas averti son épouse de l'endroit où il se rendait mais l'hilarité de Leïje fut de très courte durée et il revint à ses préoccupations qu'il sentait peser sur ses épaules.
Quelques minutes s'écoulèrent encore. Leïje commençait vraiment à croire que Dabielle ne le rejoindrait pas et il songeait à entrer lui-même dans la maison close. Peut-être qu'en lui offrant plusieurs verres, il parviendrait à délier la langue de Chimm.
Il n'eut pas à hésiter longtemps. Un sifflement strident attira son attention. Leïje plaça sa langue entre ses dents et y répondit avant de se poster dans une zone lumineuse de manière à être visible. Il était soulagé que Dabielle vienne.
Les sourcils froncés, il constata que la jeune fille était vêtue comme à l'accoutumée soit d'en ensemble rouge foncé sous un long veston brun et ses cheveux étaient toujours coiffés en un chignon rudimentaire.
Avant qu'elle n'ouvre la bouche pour expliquer son retard, Leïje la tança :

« Pourquoi es-tu habillée comme ça ? Comment espères-tu te fondre dans lamasse ?
- Tu ne t'attendais tout de même pas à ce que je m'infiltre par une fenêtre à moitié nue ? (elle brandit un sac en toile grise sous le nez du voleur). J'ai prévu de quoi me changer une fois à l'intérieur.
- Très bien. Je serais près des boisson, au cas où »

Dabielle acquiesça puis elle passa son sac sur son dos en s'assurant qu'elle ne risquait pas de le perdre. Elle contourna ensuite le bâtiment pour stopper devant la face opposée à l'entrée qui se trouvait être plus discret. Là, elle glissa ses doigts fins dans les étroits interstices séparant les briques les unes des autres et elle se hissa rapidement vers la fenêtre la plus proche.
L'œil qu'elle glissa brièvement dans ce qui s'avéra être une chambre la poussa à atteindre la fenêtre suivante.
La jeune voleuse n'eut aucune peine à ouvrir le battant qu'elle referma prudemment derrière elle. Une moue déconfite tordit ses lèvres lorsqu'elle s'aperçut que la pièce ne contenait aucun objet de valeur. Se re-concentrant sur la mission qu'elle avait à accomplir, elle posa son sac sur le fauteuil meublant la petite chambre puis alluma les chandelles placées sur une commode.
Elle ne s'attarda pas sur son environnement et retira ses vêtements qu'elle laissa tomber à terre avant de revêtir ceux qu'elle transportait dans son sac soit une jupe grise fendue jusqu'aux cuisses des deux côtés taillée dans un tissus qui devenait translucide sous la lumière et un corset dévoilant sa poitrine jusqu'à la limite de la nudité du même rouge que ses vêtements ordinaires.
Elle détacha ses cheveux qui vinrent encadrer son visage de larges boucles châtains. Elle peaufina sa tenue d'une paire de lourde boucles d'oreille et d'un médaillon attirant le regard sur sa poitrine.
Pour terminer, elle sortit le maquillage qu'elle avait pensé à emporter et elle s'approcha du miroir qui était l'unique décoration de la pièce. Sur ses lèvres, elle appliqua du rouge d'un vif vulgaire et poudra son visage plus que de raison, rosit ses joues et fit crouler ses yeux sous le fard.
Intriguée, la jeune fille détailla le reflet que lui renvoyait la glace. Un sourire mi-amère mi-narquois étira ses lèvres trop maquillées alors qu'elle pensait à sa mère. Cette dernière n'avait pas eu totalement tord en lui répétant qu'elle terminerait comme prostituée.
Elle s'arracha à cette sombre remarque pour ranger ses vêtements dans son sac qu'elle dissimula ensuite sous le lit en priant pour que la chambre ne soit pas occupée à son retour.
À présent, il ne lui restait plus qu'à espérer qu'elle soit au goût de Chimm.
Elle sortit dans le couloir et se dirigea vers l'escalier menant à l'étage inférieur en tentant de faire abstraction des bruits qui filtraient de sous les portes se situant de part et d'autre du corridor. Elle gagna le rez-de-chaussée où régnait un désordre difficilement descriptible. De jeunes femmes, plus proches de la nudité que de l'habillement, dansaient sur les tables sous les acclamations de clients avinés alors que d'autres se collaient à des hommes en quête de chaleur humaine. L'alcool et la luxure coulaient à flot.
Dabielle eut toutes les peines à rester concentrée. Un morceau d'étoffe bleu nuit l'aida à revenir sur terre. Leïje était installé au comptoir, un verre de liqueur à la main et il semblait fortement absorbé par le spectacle se déroulant sous ses yeux à savoir : une jeune femme à la peau bronzée qui ne portait plus grand chose sur le corps. Dabielle préféra faire comme si cela ne l'affectait pas, même elle percevait très bien la jalousie poindre.
Elle se força à écarter ces pensées et, au lieu de se préoccuper de Leïje, elle porta son attention sur son voisin de chaise avec qui il échangeait des commentaires dont elle préférait ne pas connaître la teneur. La jeune voleuse reconnut Chimm mais il était fort peu probable que lui identifie Dabielle.
Cette dernière hésita un instant. Elle ignorait comment elle pourrait bien aborder le chef de la guilde des contrebandiers.
Une fille de joie passa juste à côté d'elle sans lui prêter le moindre intérêt. Au moins, la pagaille ambiante permettait à Dabielle de passer inaperçu.
La voleuse observa la prostituée puis, imitant sa démarche qui consistait à onduler du bassin d'une façon outrageante, elle rejoignit Leïje et Chimm mais sans se préoccuper du premier. Continuant à reproduire les manières de la fille de joie, elle croisa les mains sur l'épaule de Chimm, mettant son décolleté plongeant en avant. Avec un sourire aguicheur, elle susurra de la voix la plus sucrée dont elle était capable :

Chroniques d'une Mercenaire - Tome 4 : Par-delà la Mer [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant