Leïje patientait, encore. Il s'était réveillé aux aurores après une nuit agitée. Il avait ébouriffé ses cheveux déjà en bataille et s'était étiré en espérant dissiper les courbatures provoquées par la tension pesant sur ses épaules.
Se sachant incapable d'attendre ou de penser à autre chose qu'à la conspiration, il s'était immédiatement mit en route pour Orquia en évitant soigneusement Dabielle. Sa mésaventure de la veille l'avait rendue encore plus étouffante.
À présent, le voleur était assis sur un banc installé dans une rue cossue, la capuche de son manteau rabattue sur son visage. Il savait pertinemment que cela le rendait extrêmement suspect et louche mais, pour le moment, il s'en moquait.
Il reporta son regard dissimulé par l'ombre sur la demeure située de l'autre côté de la rue. Il attendait que le cousin de Maige s'en aille pour pouvoir s'entretenir avec cette dernière.
Il se souvenait très bien qu'il avait dit à la jeune femme de se tenir loin de cette histoire mais il revenait sur sa décision. Il s'était aperçu qu'il ne parviendrait pas à tout régler en solitaire et, puisqu'Oriol ne pouvait totalement l'appuyer, la seule vers qui il pouvait se tourner était la nécromancienne, cependant, il s'en voulait de l'impliquer à nouveau dans cette tortueuse affaire mais il ne pouvait que se résigner alors il attendait sur son banc.
La fatigue pesait sur son crâne et il sentait ses nerfs sur le point de se rompre. Même durant sa triste enfance ou lorsque la fin de leur monde était à leurs portes, il n'avait pas ressenti pareille fébrilité teintée d'exaspération. Peut-être était-ce dû au fait qu'il sentait qu'il était l'un des éléments centraux de cette histoire alors qu'il y avait un an, il se percevait davantage secondaire.
Ces réflexions, mêlées de lassitude aussi bien physique que psychologique, le firent glisser doucement mais inévitablement dans l'énervement.
Ne supportant soudainement plus l'immobilité dans laquelle il se trouvait depuis plusieurs minutes déjà, il se leva d'un bond souple malgré la raideur dans ses muscles. Il se mit à marcher de long en large en grognant à voix basse avec colère.
Pourquoi devait-il se démener pour déjouer ce complot ? C'était vrai, quoi ! C'était le problème de la Garde et du Conseil, pas le sien ! Il ne s'était jamais soucié des affaires politiques autres que celles agitant sa guilde de temps en temps. Il n'avait rien d'un altruiste, il était un voleur. D'ailleurs, tout ce temps passé à rechercher des informations sur la conspiration, il ne l'utilisait pas pour réunir le butin le plus important et le contrôle lui échapperait une seconde fois.
Il n'avait jamais été un défenseur de Welkonn alors pourquoi semblait-il prétendre le contraire ? La réponse s'imposa sans qu'il n'ait besoin d'y réfléchir. Car il n'était pas Leïmy. Même si il savait que la mercenaire n'était pas aussi terrible que la dépeignait sa sombrement célèbre réputation, elle peinait à se préoccuper d'autre chose que d'elle-même. Elle manquait sérieusement d'altruisme. Leïje, lui, même si il était incapable d'amour, connaissait l'empathie et la compassion. Il ne pouvait laisser un plan tel que celui de ce complot se réaliser sans rien tenter.
Il soupira en ébouriffant encore ses cheveux. Il savait ce qu'il lui restait à faire.
Avec résignation mais également une volonté farouche surgie durant ses réflexions, il s'assit à nouveau sur le banc, toute rage retombée.
Il étendit les jambes sur les planches, s'allongeant à moitié, les bras croisées sur la poitrine, prêt à regarder passer le temps mais il n'eut pas à patienter bien longtemps.
On l'interpela de l'autre côté de la rue :« Eh ! Au lieu de tourner en rond, rentrez ! »
Leïje tourna la tête en direction de cette voix qui se révéla appartenir à Myrthe.
La vieille domestique se tenait sur le palier de la demeure de ses employeurs et fixait le voleur. Ce dernier répondit à l'invitation et entra en retirant sa capuche. Myrthe le conduisit à la cuisine où elle préparait déjà le déjeuner malgré l'heure matinale.
N'ayant pas besoin d'explication pour comprendre que Maige souhaitait s'entretenir avec lui mais qu'elle préférait attendre que son cousin quitte les lieux, Leïje prit nonchalamment place sur une chaise et posa les pieds sur la table devant lui.
Toujours sans la moindre gêne, il s'empara d'une généreuse tranche de brioche dans laquelle il mordit avec appétit. Il n'avait pas mangé en se réveillant, l'estomac noué par cette éternelle tension, et il s'apercevait à présent qu'il était affamé sans compter que les occasions de savourer ce genre de denrées raffinées étaient rares. Insensible au regard réprobateur de Myrthe, il engloutit trois tranches de brioche puis, rassasié, il se cala dans le fond de sa chaise.
Il évita de réfléchir, ayant constaté les piètres résultats qu'il avait tiré jusqu'à présent.
Il s'écoula un quart d'heure durant lequel le voleur s'ennuya fermement puis la porte s'ouvrit sur Maige.
La première chose que pensa Leïje en la voyant fut qu'il n'avait pas été le seul à passer une mauvaise nuit. La jeune femme avait les traits tirés, de larges cernes et les cheveux en bataille.
Avant de dire quoi que ce soit, Leïje l'aida à s'asseoir puis il s'installa à nouveau sur sa chaise.
Il commença en s'excusant :
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Chroniques d'une Mercenaire - Tome 4 : Par-delà la Mer [Terminé]
FantasyUn an après l'union des magies à Welkonn, Leïmy et Negg ont fuit la guilde des mercenaires, à présent dirigée par Gammon, au profit de celle des voleurs, aux côtés de Leïje, leur seul soutien en son sein. De son côté, Dévlin, qui a retrouvé sa place...