Chapitre 11

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Leïmy eut peine à trouver le sommeil. Même si c'était la crainte de perdre Negg qui la maintenait éveillée, elle refusait de l'avouer et n'avait d'ailleurs pas rejoint le rouquin dans la cabine. Elle était installée dans les cordages, à plusieurs mètres du pont. Le vent jouait avec sa chevelure, créant une traînée plus sombre sur le ciel étoilé.
D'un œil distrait et désintéressé, elle surveillait l'horizon. Cette observation inattentive lui permit tout de même de repérer un récif sur leur trajectoire. Elle fronça les sourcils. Le marin à la vigie aurait dû le signaler à celui tenant le gouvernail.
Leïmy n'avait aucune envie de rendre service mais encore moins de se noyer après seulement un jour de voyage. Elle se laissa glisser le long d'une corde jusqu'aux planches. Elle monta sur le gaillard arrière.
Le marin chargé de monter la garde somnolait sur le gouvernail. Leïmy le saisit par le col de sa chemise et le jeta au sol. Le choc contre le sol réveilla l'homme dans un sursaut. Il releva un regard surpris sur Leïmy.
Cette dernière le tança :

« Vous êtes censé avoir un travail ? Parce que ce n'est pas flagrant ! Nous nous dirigeons droit vers un récif et sans l'aide des sirènes, félicitations ! Changez notre trajectoire avant que nous coulions ! Moi, je vais faire remarquer son incompétence à votre collègue !

Le marin, d'abord hébété par ce réveil et ces reproche, se reprit rapidement. Il saisit le gouvernail et entreprit de faire tourner le navire. Leïmy s'assura qu'il faisait les choses correctement puis gravit les cordages jusqu'à la vigie.
Le matelot y étant posté dormait encore plus profondément que celui du gouvernail.
Leïmy lui décocha deux violentes gifles qui auraient pu tirer du sommeil n'importe qui pourtant, le marin n'ouvrit pas les yeux. Il grogna alors que ses yeux roulaient sous ses paupières. Leïmy avisa le seau d'eau posé dans un coin servant certainement à l'hydratation de celui surveillant l'horizon. Elle s'en saisit et en renversa le contenu sur le visage du marin en hurlant à ses oreilles. L'homme se redressa, totalement paniqué.
Avant qu'il ne puisse poser la moindre question, Leïmy le releva en le saisissant par son vêtement et le plaqua contre le bastingage.
Elle lui indiqua le récif qu'ils avaient évité de peu en rugissant :

- Tu as vu ça ? C'est ton travail d'avertir les autres lorsque l'on rencontre ce genre de choses alors pourquoi est-ce moi qui ai dû le faire ? Hein, pourquoi ?

L'homme tenta d'articuler une phrase mais la crainte que lui inspirait Leïmy lui asséchait la gorge et il peinait à prononcer quelque chose de cohérent et d'audible.
Leïmy le jeta au sol en sifflant :

- Je ne comprends rien ! Je vais te l'expliquer, moi, pourquoi. Parce que tu dormais ! Alors tu vas me faire le plaisir d'effectuer ta tâche correctement ! Si jamais je dois à nouveau te détailler en quoi consiste ton travail, je te fais tomber du haut de cette vigie ! Est-ce clair ? »

Le marin opina frénétiquement, les yeux agrandis de peur. Leïmy lui lança un regard menaçant puis elle redescendit, laissant l'homme effrayé et très, très attentif à l'horizon.
À quelques centimètres du sol, la mercenaire lâcha la corde à laquelle elle était suspendue et se réceptionna souplement sur les planches.
Elle vérifia que l'homme tenant le gouvernail était toujours bien éveillé tout en grommelant à voix basse.
C'était tout de même impensable !
Les deux marins de garde négligeaient leur tâche. Peut-être n'étaient-ils pas capables de remplir cette charge mais, dans ce cas, il aurait fallu éviter de leur confier la vie de toutes les personnes à bord. Batquisse pourrait être un peu plus soigneux lorsqu'il distribuait les différents travaux à effectuer.
Ayant encore des reproches à faire, Leïmy descendit sur le faux-pont, là où dormait l'équipage. Une odeur de sueur et de corps mal lavés flottait dans l'espace, faisant froncer le nez à Leïmy. Quelques ronflements rythmaient le sommeil des marins. Des hamacs étaient suspendus à plusieurs centimètres au-dessus du sol.
La mercenaire fit quelques pas silencieux, laissant son regard s'habituer à l'obscurité jusqu'à ce qu'elle parvienne à distinguer les visages puis elle déambula entre les hamacs en examinant les dormeurs.
Dévlin fut le plus simple et le premier qu'elle identifia. Il dormait à l'écart et se servait de sa cape comme couverture. Leïmy passa à côté du nécromancien sans se préoccuper de lui.
Lorsqu'elle trouva Batquisse, installé dans le fond, elle saisit les bords du hamac de son demi-frère et le retourna. Le capitaine du navire s'écrasa au sol avec un bruit matte qui réveilla les hommes les plus proches.

Chroniques d'une Mercenaire - Tome 4 : Par-delà la Mer [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant