L'humidité suinte des murs et du sol comme si elle faisait partie intégrante de la pierre. Cette pierre froide qui lui brûle le fessier à force d'y rester recroquevillée. Et cette odeur de pisse...
Elle ignore depuis combien de temps elle est là, depuis combien de temps elle attend. La seule pensée qu'elle arrive encore à formuler, c'est qu'elle a froid. Si froid qu'elle en oublierait la faim. La blessure à son épaule lui lance de temps en temps, et le sang a séché sur son uniforme. Elle observe ses pieds noirs de crasse. À défaut d'un seau pour se soulager, elle a dû se contenter d'un coin de la pièce. Comme un animal. Dans l'obscurité visqueuse où baigne sa cellule, on entend parfois l'écho d'un coup, un cri lointain, et elle a peur que bientôt, ce soit son tour.
Parfois, Tomie parvient à oublier le froid quelques secondes et à se souvenir du moment où ça a merdé. Ce moment où, comme d'habitude, elle n'a voulu en faire qu'à sa tête et suivre une piste trop dangereuse pour s'y risquer seule. Ce moment où elle a compris qu'à moins d'un miracle, personne ne la retrouverait. Bizarrement, on l'a seulement enfermée là. Sans un mot, sans une question. Après avoir senti un choc contre son crâne, elle s'est réveillée dans les ténèbres, au fond d'une cellule aussi vide que puante. La perspective d'échapper à la torture la soulage d'abord avant qu'elle ne comprenne qu'on l'aura certainement à l'usure. À moins qu'elle ne serve d'otage... ou que, et c'est là l'issue la plus probable, on l'ait simplement oubliée là. Elle va certainement mourir loin du monde et du soleil. Dans l'humidité noire et glaciale.
Alors, lorsque la porte de sa prison émet un grincement lourd et métallique, elle pense qu'elle rêve encore. Elle se dit qu'elle rêve ou qu'elle délire, jusqu'à ce qu'un corps s'affaisse lourdement face à elle. Des pas s'éloignent alors et la porte se ferme à nouveau.
Elle a perdu sa seule occasion de s'enfuir... Tant pis, elle n'en a de toute façon plus la force.
Sans un mot, Tomie laisse son regard s'aventurer sur le corps qui git tout près d'elle. À quelques pas. Même le dégoût ne fait plus partie de ses réflexes. Elle est trop fatiguée, elle a trop froid, elle a trop faim...
Le corps ne bouge pas. Il est allongé sur le dos, les jambes légèrement écartées, les bras le long du corps. Comme sa tête est tournée, elle ne voit pas son visage, mais elle devine qu'il est jeune. Très jeune. Plus encore qu'elle. Il semble si maigre dans son pantalon noir. Le sang sur sa chemise n'a pas eu le temps de sécher et fait une myriade de petites tâches autour de sa cravate.
Tomie penche la tête en remarquant les bandages qui couvrent le cou, les bras et les chevilles du garçon. Où les a-t-elle vus déjà ? Et ces cheveux bruns, légèrement bouclés ?
Non. Ça ne peut pas être lui.
Si elle se trouve là, c'est peut-être même de sa faute et à l'heure qu'il est, encore une fois, il doit bien se foutre de la gueule du ministère.
Alors, comme elle a peur de commettre une nouvelle erreur, elle laisse le corps là où il est, replie ses jambes contre elle et enfouit sa tête contre ses genoux.
Ça ne changera rien, de toute façon.
***
La douleur ou la peur, elle ignora ce qui la tira du sommeil, mais lorsque Tomie ouvrit les yeux, sa jambe la brûlait de nouveau. En constatant que l'aube était encore loin, la jeune femme saisit son sac et se redressa sur son lit de camp. Avec la dose qu'elle s'était injectée quelques heures plus tôt, elle devrait se contenter des cachets... fichues douleurs.
Un ronflement guttural la sortit soudain de ses pensées, et elle découvrit, à la faible lueur du feu de cheminée, la silhouette de Kunikida qui faisait une grande ombre sur les boiseries de la pièce. Il s'était affaissé sur une chaise et dormait, la tête penchée et la bouche légèrement entrouverte.
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Bungou Stray Dogs - La Déchéance d'un homme
FanfictionLorsque Kogoro Akechi, un fou enfermé depuis cinq mois dans un asile, disparaît sans laisser de traces, les autorités décident de se tourner vers l'Agence des Détectives armés. Il semble cependant que l'affaire, en apparence anodine, réveille peu à...