Chapitre 15 - En suspend...

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De cette nuit-là, il n'avait gardé qu'un souvenir bigarré de noir et de pluie craquelé par la lueur rougeoyante des flammes.

Dazai ressentait peu d'émotions. Donc lorsqu'il avait découvert l'aversion, la vraie, au contact de Tomie Yamazaki, il n'y trouva de résolution que la destruction. De manière générale, chaque individu, quel qu'il soit, ne lui inspirait que l'indifférence ou le dégoût. Mais Tomie était différente. Ce n'était ni son apparence ni sa personnalité, mais quelque chose de plus profond, ancré en elle, et qu'il n'arrivait pas à identifier, si ce n'est par son parfum.

L'odeur de la pluie.

Chaque fois qu'il la sentait, il avait envie de hurler, et c'est pour cela que Dazai choisit le feu pour la faire disparaître. Ronger la chaire jusqu'à son essence et ne rien en laisser, c'était la seule façon de la faire totalement disparaître et de dissiper ce qu'elle avait insinué en lui, en particulier depuis qu'ils s'étaient retrouvés seuls, dans cette cellule puante et que, pour la première fois, il avait senti son odeur qui, depuis, ne l'avait plus quitté. C'était devenu comme un parasite. Comme une pellicule de sueur qui le collait en permanence, peu importe combien de fois il se lavait, combien de fois il changeait ses bandages et ses vêtements. C'était toujours là, et Dazai avait compris que pour détruire l'odeur, il fallait en consumer la source jusqu'aux cendres.

Il ne vit ni ses larmes, ni ses hurlements. Seulement les flammes qui dévoraient sa peau et qui découvrait ses muscles jusqu'à l'os. Il avait commencé par la jambe avant de comprendre qu'il n'aurait pas la patience de la supprimer par petits morceaux, comme il avait eu l'intention de le faire au départ. L'envie, le besoin de la voir entièrement disparaître et pour toujours, le plus vite possible, était trop forte. Elle était déjà couverte de mazout, pitoyable dans son uniforme froissé, et sous les mèches brunes qui lui tombaient sur le front, son regard le cherchait avec un désespoir dont il n'arrivait pas à se réjouir. Il voulait en finir. Juste en finir.

Mais au moment où Dazai alluma son briquet pour envoyer à jamais Tomie Yamazaki en enfer, quelque chose l'arrêta. Une douleur foudroyante le saisit au flanc et lui fit lâcher son briquet qui s'éteignit en touchant le sol. Il appuya sa paume sur la blessure où coulait déjà quelque chose de chaud, et comprit en voyant le revolver de la fille levé vers lui. Un léger sourire étira ses lèvres, et il s'apprêtait à ramasser le briquet lorsque son attention fut captée par un vacarme venu du dehors et qui fit irruption dans le hangar comme un feu d'artifice.

« Dazai ! » retentit soudain une voix derrière lui, avant qu'une main ferme ne le saisisse pour l'entraîner derrière un container, à l'abri des tirs. Il reconnut les yeux bruns d'Oda Sakunosuke.

Odasaku... » s'entendit-il murmurer.

Mori vient d'appeler », rétorqua le mafieux tout en essuyant la sueur sur son front. « Hong-Kong nous a trahi. Les infos ont fuité. C'est le bordel ! »

Dans le hangar, les tirs continuaient à pleuvoir entre la Mafia et les agents de police.

La fille... » souffla Dazai.

Hein ?

La fille ! » répéta-t-il en se demandant pourquoi sa vision se troublait soudain et pourquoi ses jambes avaient tout à coup du mal à le soutenir. Oda l'obligea à s'asseoir. C'est du moins ce qui lui semblait. Mais la fille...

Vérifie... qu'elle ait bien... qu'elle ait bien brûlé », bredouilla-t-il, la langue de plus en plus pâteuse et la tête de plus en plus lourde. « Qu'il n'en reste rien. Plus rien. La fille. La fille ! »

Bungou Stray Dogs - La Déchéance d'un hommeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant