Chapitre 11 - Douleurs et fausse identité

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Le garçon est là, dans la chambre aux murs blancs, entre les draps lisses. Son visage n'exprime rien. Il n'a jamais rien exprimé. Il est juste froid, placide, aussi lisse que les draps qui recouvrent son corps trop maigre et qui n'ont pas bougé d'un millimètre.

Comment tu te sens ? » demande Mori.

Mais le garçon ne répond pas. Son œil grand ouvert n'exprime rien de particulier, sa respiration non plus. Il vit, mais c'est comme si à l'intérieur, il était déjà mort.

Tu as mal quelque part ?

Toujours rien. Les bip réguliers du moniteur cardiaque répondent pour lui. Mori n'est pas offusqué. Le silence de son jeune protégé ne l'a jamais dérangé.

J'ai eu des nouvelles de Yamazaki-san », poursuit-il en croisant les mains sur ses genoux. « Elle va bien. »

« Pourquoi ?... »

Mori ne peut s'empêcher d'ouvrir grands les yeux. Après des jours de silence, Dazai lui a enfin dit un mot. Ce n'est pas qu'il commençait à s'impatienter ou à s'inquiéter, mais l'ennui le guettait dangereusement.

Pourquoi quoi ?

Une respiration très faible, presque imperceptible, soulève le torse du garçon. Son séjour entre les mains du Banquier lui a laissé plusieurs côtes cassées, une épaule démise, un genou fracturé, sans compter les sévères brûlures dans son dos et la commotion cérébrale qui l'a mis deux jours dans le coaltar. La fiabilité et la résistance exceptionnelle du garçon sont des atouts majeurs qui permettent à Mori de le mettre en première ligne lors des missions d'infiltration comme celle impliquant le banquier. Le problème, c'est qu'il ne sait jamais jusqu'où Dazai ira.

Pourquoi m'avoir sauvé ? » répète faiblement le petit corps sous les draps.

Parce que tu es mon subordonné », répond Mori. « Parce que... »

Pas toi.

Le boss est d'abord surpris, avant de sentir un sourire se dessiner sur ses lèvres.

Tu parles de Yamazaki.

Le garçon ne répond pas.

Je ne sais pas », admet-il en se remémorant la vision surréaliste qu'il a eue cette nuit là. Celle de ces deux silhouettes allongées dans la boue et du corps filiforme d'une jeune fille serrant Dazai entre ses bras.

Tomie Yamazaki. Quel étrange cas. Un ange tombé du ciel venu sauvé son petit démon. Il en rit encore.

Dazai s'est tu. Sa respiration siffle légèrement et une goutte a roulé sur son front. Mori décide de vérifier sa température et constate qu'il fait une nouvelle poussée de fièvre. Ça ne l'arrange pas, il y a tellement à faire...

Remets-toi vite », dit-il en appelant un infirmier pour qu'il augmente les doses de médoc. « Ce serait dommage de rester à l'état de légume. » Il se retourne. « Surtout avec un potentiel comme le tien. »

Mais Dazai garde le silence. Un peu trop ces derniers temps. Lui qui pensait que Chuuya l'avait égayé un peu...

C'est comme un ballon de baudruche », dit alors une petite voix dans son dos.

Mori fait volte-face, et découvre que Dazai s'est redressé, le dos courbé par la douleur, les yeux dans le vague, comme s'il était en proie à une hallucination.

« ... quand on le tient par une ficelle », poursuit lentement le garçon, en articulant chacun de ses mots. « Le ballon veut partir, mais l'égoïste ne comprend pas. » Son regard s'agrandit tandis que ses épaules s'affaissent. Mori voit ses mains se serrer sur les draps, très fort. « Il s'y accroche et le retient, parce qu'il a peur d'être seul mais ne veut pas l'admettre. Il lui inflige la lourdeur du monde pour supporter la sienne. »

Bungou Stray Dogs - La Déchéance d'un hommeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant