On voit dans le ciel, des oiseaux sauvages éblouis par la nuit. Perdus dans l'orage. Et là, sous la fenêtre de bois usé, résonne le rire de la petite fille en robe blanche.
Il a moins mal. Il sait que c'est moins, car lorsque c'est trop, il n'arrive même plus à respirer.
Ferme les yeux. Serre tes doigts sur les miens. Ferme les yeux. Ne les ouvre pas encore.
C'est ce qu'il a entendu longtemps, encore et encore, alors qu'il s'enfonçait à n'en plus finir dans la nuit noire, criblée de pluie et de givre, et qu'il mourrait à petit feu entre ses draps brûlants.
Ferme les yeux.
Quand les a-t-il ouvert à nouveau ?
L'océan s'assombrit, et dans le fracas des vagues, c'est la pluie qui résonne déjà.
Comment sait-il l'océan, les vagues et la pluie, lui qui ne connaissait que le silence et l'obscurité ? Comment sait-il le rire, alors qu'il n'a fait que crier, à l'intérieur de lui, tout ce temps ? Même pas pleurer, non, juste crier sans rien dire.
Dehors, les éclats de voix s'accentuent avec le grondement de l'orage. Elle devrait rentrer, c'est ce qu'on fait normalement. D'ordinaire, les gens n'aiment ni le vent, ni le gris, ni la pluie. Ils se plaignent interminablement du froid et de l'eau qui tombe du ciel, alors qu'ils ne supportent pas non plus la chaleur du soleil, quand elle dure trop longtemps. Le garçon n'a jamais compris cela. Il n'a jamais compris grand-chose aux gens, mais il sait que quand deux êtres humains veulent pacifiquement interagir entre eux, ils parlent soit du soleil, soit de la pluie. Et il ne comprend pas l'intérêt de cela. Mais la fille ne parle pas de tout ça. Elle n'a pas l'air de faire semblant. Elle, elle aime quand le vent agite ses cheveux et quand les gouttes de pluie criblent la peau de son visage. Quand l'orage approche, elle se met au bord de la falaise, face au vent, et écarte grand les bras, comme si elle voulait que des ailes lui poussent pour pouvoir s'élever dans le ciel. Il n'y a que l'homme et sa voix très douce pour la faire rentrer à la maison, même lorsqu'elle est trempée et tremblante de froid. Quand il y a l'orage, rien d'autre ne peut la décider à décamper de la falaise, si ce n'est ce grand monsieur, avec ses gestes lents, son pas silencieux et ses yeux tristes.
Le garçon n'a jamais vu un tel regard, chez personne.
Peut-être n'a-t-il pas bien observé, mais dans tous les yeux qu'il a croisés jusqu'alors, il y avait quelque chose d'amer et d'agressif, qui lui faisait mal. Le regard de cet homme-là, tout comme celui de la fille, il ne lui fait pas mal. Il est comme celui du monsieur aux cheveux gris qui est venu le chercher un jour, alors que maman se balançait interminablement au bout d'une corde, et qui est venu parfois le trouver au fond des placards où il se cachait. Pas pour lui faire mal, mais pour lui apprendre. Lui apprendre les lettres.
Le garçon aimait bien les lettres. Il avait la sensation qu'elles, au moins, elles ne pouvaient pas mentir, qu'elles ne pouvaient pas lui faire de mal. C'est d'ailleurs la première chose qu'il a faite en quittant son lit. Trouver des lettres à déchiffrer, des mots à raccorder, des phrases à comprendre.
La fille lui en a apporté beaucoup. Des milliers et des milliers de lettres, consignées sur des feuilles serrées entre elles. Il y en a de toutes les couleurs, et parfois même avec des images qui montrent ce qu'elles disent. Elle aussi sait les lire, et quand c'est sa voix qui les déchiffre, c'est comme si les mots prenaient vie.
Le garçon n'a plus peur désormais. La peur est partie avec la douleur. Il sait que l'homme ne lui fera pas mal et que la fille ne lui mentira pas. Cela se lit dans leurs yeux, dans les gestes qu'ils ont l'un envers l'autre. Quand la fille reste sur la falaise pour regarder l'orage, l'homme la gronde sans crier, puis la prend dans ses bras sans la blesser. Quand il a de la fièvre, il éponge son front. Quand il refuse de manger, il lui donne à boire, et lui dit seulement que la prochaine fois, il y arrivera un peu mieux. C'est bien avec eux. C'est doux. Ça ne fait plus peur. Même s'il fait toujours des cauchemars, toutes les nuits. Même s'il continue de crier parfois, même lui ne sait pas pourquoi. C'est tellement plus doux. Qu'il pourrait rester toute la vie ici, dans la maison au bord de la falaise, à écouter l'orage, le cri des oiseaux, et les rires de la fille en robe blanche depuis sa fenêtre.
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Bungou Stray Dogs - La Déchéance d'un homme
FanficLorsque Kogoro Akechi, un fou enfermé depuis cinq mois dans un asile, disparaît sans laisser de traces, les autorités décident de se tourner vers l'Agence des Détectives armés. Il semble cependant que l'affaire, en apparence anodine, réveille peu à...