Chapitre 7 - Le manoir abandonné

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Comme il est infini le blanc laiteux qui l'entoure et qui a remplacé celui de la neige dehors.

Il fait plus chaud maintenant. Sauf dans son corps.

Ce corps brisé qu'il a maudit dès le premier jour.

Si seulement la mort pouvait le prendre à son tour...

Chaque mouvement est si lourd.

Chaque parole si lointaine.

Cette distance à lui-même, ce gouffre sans fond, là où il n'y a que la peine

Infinie...

Alors le garçon les supplie de la lui injecter de nouveau, la mort liquide, le miel qui le fera planer encore, s'élever loin de lui, loin du monde, et tutoyer les nuages.

Laissez-moi partir...

Laissez-moi partir...

Comme cette matière transparente qui coule dans ses veines et dans cette poche de plastique suspendue à son chevet, il reste en apnée, il s'élève.

Là seulement où ses cauchemars laisseront place au rêve.

On lui avait dit que la morphine était un venin douceâtre et traître, qu'il était trop jeune, qu'il en crèverait peut-être, mais Dazai s'en fout.

Dès sa première fois, il a su qu'il n'y aurait que ça pour l'apaiser, pour faire taire ce vide qui hurle en lui. Alors s'il pouvait en crever aussi...

C'est ce qu'il espère depuis si longtemps...

***

La lumière du crépuscule se reflétait dans le bois d'acajou comme dans un miroir et teintait le grand bureau de fauve. Derrière les immenses baies vitrées s'endormait la Yokohama diurne, celle du soleil et des honnêtes gens, cette part de la ville qui ne leur appartenait pas tout à fait.

– Vous m'avez fait venir... » marmonna Chuuya en traversant la pièce, à la lumière du soleil couchant.

Élise n'était pas là et, sans ses fantaisies pour égayer son personnage, Mori semblait encore plus lugubre que d'ordinaire.

– Tu peux t'asseoir », dit le boss en croisant les mains devant lui pour y appuyer son menton. « J'ai une mission à te confier. »

– Laquelle ?

– Est-ce que le nom de Kogoro Akechi te dit quelque chose ?

Tout en prenant place face au bureau, Chuuya se gratta la tête et laissa son regard balayer distraitement la pièce tandis qu'il creusait sa mémoire.

– Akechi... oui je l'ai. Le fouineur du ministère.

– Il se trouve qu'il a disparu », déclara Mori en fichant ses pupilles mauves dans les siennes. « Cela fait apparemment plusieurs semaines qu'il était interné en asile psychiatrique. Il s'en serait volatilisé, en conséquence de quoi, le ministère a demandé l'aide de l'Agence des détectives armés. »

– Et en quoi cela nous concerne ? » rétorqua le jeune mafieux en soutenant le regard de son supérieur avec une superbe qui frôlait l'arrogance.

Tout en calant mieux son dos contre son imposant fauteuil, Mori décroisa les mains pour tapoter les accoudoirs du bout des doigts.

– Je ne pense pas que nos affaires soient en danger », dit-il, « mais je préfère m'assurer que rien ne menace le fragile équilibre qui maintient cette ville. »

Bungou Stray Dogs - La Déchéance d'un hommeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant