14

288 44 98
                                    

« C'est avec lui que t'étais tout ce temps, alors ?

Albus redresse la tête de son grimoire et oublie la ligne qu'il envisageait de souligner à propos de la baguette la plus puissante de toutes. 

Se rendant compte qu'il est tordu en deux sur son lit, il se redresse avant de s'autoriser enfin à regarder Elphias. Celui-ci vient sortir de plus de quinze minutes de silence et quelque jours de froideur entre eux. Il se tient debout, dans le dortoir vide, devant le lit d'Albus alors qu'il regarde ce dernier dans les yeux. Il n'est pas en colère, seulement confus. 

- Oui. 

- Et pourquoi tu ne me l'as pas juste dit ?

J'avais peur que tu saches et que tu me regarde comme iels nous regardaient quand on est arrivés ici et qu'on étaient des parias. Tu es le seul - avec Gellert - à ne m'avoir jamais regardé comme ça. 

- Je ne voulais pas que tu te fasses des idées sur moi. 

- Des idées ? Quelles idées ? 

- Tu sais très bien quelles idées ! soupire Albus en faisant mine de porter de nouveau de l'intérêt à son livre. 

- Non, contredit son ami, je ne sais pas !

- Que je suis le genre de garçon qui va retrouver d'autres garçons, la nuit. »

Comme Elphias ne comprends pas, il éclaircit, ravi que tout les autres membres du dortoir soient depuis toujours de gros fêtards rentrant à des heures aberrantes et que personne d'autre ne puissent entendre cette conversation. 

On voit le déclic se produire dans les yeux du jeune homme.

- Hein ?! Mais pourquoi est-ce que je penserai une chose pareille ? »

Le temps que met l'autre à réfléchir laisse un silence lourd qui pique l'attention d'Elphias. 

« Attends... est-ce que c'est le cas ? »

« Albus... ?

- Je dois aller rendre ce livre. »

❇︎

À l'heure indiquée - c'est-à-dire en début d'après-midi- un groupe d'étudiant∙es de toutes années et maisons confondues patiente devant le panneau qui annonce la défense d'entrer dans la forêt interdite. Une Serdaigle qui doit être en cinquième année boude à coté d'un autre Serdaigle avec qui on l'a sans doute surprise. Deux fillettes d'environ douze ans font un jeu de main en chantonnant à mi-voix. Lloyd et Gillis se sont installé∙es le plus loin possible l'un∙e de l'autre, même si on devine à leurs yeux au beurre noir qu'ils ont été collés ensemble. Gellert, la paume de sa main écarté face à lui, murmure une formule sans sortir sa baguette. Au moment où Albus le rejoint, une flamme s'y matérialise enfin, attirant brièvement l'attention de tout le monde qui se dissipe vite. Albus n'ose pas parler tant le frottement des feuilles d'arbres semble fort dans le silence.

Il aimerait pourtant rapporter la discussion qu'il a eu avec Elphias à Gellert. Il ne sait pas s'il oserait, mais il aimerait partager ça avec lui. En fait il aimerait tout partager avec lui... mais ça il ne pourrait pas le dire qu'ils soient seuls ou entourés d'un million de personne. 

Carpet finit par débarquer, un énorme manteau sur le dos. Il demande aux élèves de le suivre alors qu'il franchit la limite imposée par le panneau. Le groupe suit et, très vite, iels s'enfoncent dans la forêt. 

Les chemins étant rarement visités, ils sont peu praticables et on doit parfois de tordre pour franchir deux arbres ou écarter des branches si l'on a une destination précise en vue. Gellert se fait la réflexion que la forêt à l'air plus chaotique en pleins jour, car, contrairement à ce qu'on pourrait penser, la lumière du jour ne lui apporte pas d'atmosphère chaleureuse. Le ciel blanc sert seulement de décor lointain à des monstres à l'écorce tordue. Mais cela ne repousse pas le jeune homme, en fait, l'idée que ce bois ai comme une identité propre le fait l'aimer encore plus. 

smalltown boysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant