Stop ! C'est mon tour !

99 5 19
                                    

*** James ***

*** Lettre aux pommes ***

J'avais téléphoné de nombreuses fois à mes parents. Ils s'inquiétaient toujours pour moi. Cela ne me surprendrait même pas que je retrouve des pulls de laine envoyés par la poste en recommandé depuis les États-Unis. Oui, mes parents avaient ce genre de moyens. Non, je n'étais pas à plaindre mais cette histoire que j'avais eue avec ce gars avait bien failli me détruire exactement pour ces raisons précises. J'étais parti faire le tour du monde en devenant plus un artiste qu'autre chose puis je m'étais fixé sur le tatouage. Peindre sur une toile vivante une oeuvre éphémère parce qu'elle était impossible à séparer de la vie de celui ou celle qui recevrait ce cadeau à même sa peau, j'en avais apprécié chaque subtilité. Peu importait que je sois le seul à le comprendre.

C'est à Paris que j'avais finalement commencé à dérailler parce qu'on ne peut cacher indéfiniment ses traumas. Ce connard m'en a fait voir, tu sais. Il a fallu que mes parents interviennent pour protéger l'épave que j'étais devenue. La justice avait fait cesser ce harcèlement, mon départ à l'étranger aussi sans doute. J'étais tombé sur un vieux bonhomme alors que j'avais failli faire un carnage en plein dans un café où je m'étais rendu pour dessiner. J'avais été servi par un serveur grand et roux qui souriait toujours. Le thé était bon mais pas inoubliable surtout lorsqu'on a connu les meilleures feuilles du Japon. L'endroit possédait quelque chose à la fois d'oppressant et de libérateur. La tasse et la théière avaient failli se retrouver encastrées dans un mur tellement j'étais frustré de ne pas réussir à dessiner. Je n'y arrivais plus. Ce drôle de petit vieux s'était juste assis à ma table en me souriant. Je lui avais ordonné de foutre le camp. Et en anglais parce que j'avais appris que les Français n'étaient pas très doués en langue. Il avait répondu parfaitement en anglais que je pouvais bien, moi, aller me faire foutre. Ce qui m'avait désarçonné c'était qu'il avait ajouté qu'au premier chef, cela me ferait beaucoup de bien. J'étais tombé dans son regard. Je n'avais plus réussi à m'en sortir. Un quart d'heure après, je lui racontais ma vie en sentant les larmes qui commençaient à perler. Il ne s'était pas moqué, n'avait pas jugé. Il restait silencieux avec juste un sourire bienveillant. Lorsque je me tue enfin, il avait alors pris le relais.

-Comment comptais-tu exprimer ton art alors que tu ne veux rien laisser sortir de toi, et encore moins cette souffrance qui te torture. Tu as été trahi, jeune James. Tu as été abusé de la pire des manières. J'irai même jusqu'à dire qu'on a violé tes sentiments. C'est normal d'être en colère, c'est normal aussi de vouloir détruire tout le matériel de mon restaurant.

J'étais resté interdit. Ce bar restaurant était à ce monsieur âgé ? Je ne pouvais qu'y croire parce qu'il claqua sa canne sur le sol appelant un certain Max.

- Max, pourrais-tu servir mon thé et mes viennoiseries à cette table.

- À vos ordres, Papy, mais n'abusez pas de la gentillesse de nos clients, reprit un Max enjoué.

- Tu m'as l'air heureux.

- Bien sûr ! Le boss a enfin accepté d'embaucher l'aide qu'il me devait pour rendre cet endroit encore meilleur.

- Ah oui ?

- Bien sûr ! Regardez, voici notre nouveau serveur ! Il s'appelle Samuel. Je l'ai ramassé. Il ne va pas bien du tout !

- Toi, Max, tu ramasses des chiots perdus maintenant !

- Hey ! Je suis une bonne personne ! Pas comme vous manifestement.

Papy avait pris le téléphone des mains de Max. Il m'avait montré la photo affichée. Il y avait un jeune homme les yeux perdus dans le vague. Il se dégageait un infinie tristesse. Il semblait porter le poids d'un monde trop lourd pour lui. Max avait du talent pour la photographie. Et moi, je ne pouvais pas détourner mon regard de ces yeux incroyables. Je voulais m'y perdre, je voulais que cette âme me berce.

Pour vivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant