Cette première nuit intime avait été si reposante et douce que j'y avais pris goût rapidement. Patiemment, au fil des nuits, Jimmy apprivoisait ma pudeur. Il soudoyait mes hontes. Et finalement, j'avais fini par apprécier le dessin de ses tatouages se répandant sur son corps comme une oeuvre d'art vivante. Mes yeux se régalaient le plus souvent possible. Jimmy avait fini par se balader au travers de l'appartement sans aucune gêne dans la tenue la plus minimale. Il en jouait encore ce matin-là lorsque je m'étais rendu compte de ce qui aurait dû me frapper avant. Où étaient ses clients ? Son salon stérile était fermé et apparemment l'était resté depuis bien longtemps. J'avais préparé le thé et quelques petits pancakes en cette matinée tranquille lorsque je me décidais à poser la question.
- Dis-moi Jimmy ?
- Ma petite pomme demande quelque chose ! Il va y avoir une contrepartie à ce miracle divin. Alors ? Qu'est-ce qui te tracasse ?
-Bha ... en fait ... enfin voilà... je me posais la question ... Comment dire ...
- Et bien, le chemin est long ! On est juste tous les deux ! Tu peux tout dire, tu le sais, non ?
- Oui, mais bon ... En fait, je me demandais ... C'est à propos de la salle blanche.
Jimmy fronça les sourcils et soupira doucement tout en se laissant tomber sur un des tabourets de l'îlot central de la cuisine. Il resta en place quelques instants puis me regarda hésitant. Sans rien dire, il se leva pour retourner dans la chambre. J'avais cru avoir dépassé les limites lorsqu'il revint avec deux carnets à dessin. Il les posa délicatement tout en reprenant place assise. Il prit une longue inspiration puis se lança en m'invitant à en examiner le contenu.
J'avais regardé le premier, rempli de couleurs, d'arabesques, de mots, de figures géométriques. Des styles divers et variés s'empilaient les uns sur les autres même si certains portaient en haut un petit point vert. Ces modèles-là me semblaient souvent la somme des croquis qui précédaient. C'étaient des études et je me mis à me perdre doucement dans cet art me rendant compte à quel point j'en avais eu envie sans le savoir. J'étais émerveillé par le talent de mon Jimmy. Je continuais à avancer dans le premier cahier lorsque je crus noter des différences. Les motifs ou les thèmes semblaient n'être qu'une spirale atone de projets inaboutis ou déjà vus et revus. Ces motifs présentaient une allure dégradée. Je m'arrêtais regardant Jimmy qui lui me fixait m'invitant à continuer. Je ne tournais pas les pages très longtemps parce que la suite du cahier était vide.
- C'est à ce moment-là que j'ai perdu l'envie et que je me suis demandé ce que je foutais dans ce métier, m'expliqua Jimmy. J'avais beau avoir mon petit succès, je n'avais plus envie. C'est quand j'ai commencé à arracher les pages du cahier en râlant tout haut dans le café qu'un homme âgé est venu ramasser les pages avec mes dessins ratés. On a beaucoup parlé et puis petit à petit, il m'a apprivoisé. À part mes parents, je n'avais jamais laissé quelqu'un m'approcher à ce point. Il fallait bien une exception.
- Encore un coup de Papy, me résignais-je.
- Oui, et un jour, il m'a dit que je devais venir à la soirée du mois au café. Que j'y trouverai ce qui me guérirait.
- Oh ? Tu n'as pas dû être déçu quand tu as croisé Pepper !
- Pepper ? Même pas remarqué ! Je suis reparti très vite.
- Pourquoi ?
- Ouvre le second cahier, tu sauras.
Je m'attendais à un cahier rempli d'études de motifs de tatouage, je fus estomaqué de découvrir simplement des dessins d'art. Il était plus que doué. Le style était classique, mais à la fois doux et fin. Il avait opté pour la sanguine pour quelques croquis, parfois le fusain et même quelques essais à l'aquarelle. Il s'agissait toujours d'un personnage masculin en tout cas. Je ricanais pour moi.
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Pour vivre
Fiksi UmumC'est lorsque tout va mal que le choix se présente violemment à soi. Choisir une mort de l'âme qui envahit déjà tout ou bien choisir la vie et ses explosions chaotiques. C'est le choix de Sam. Partir. Tout quitter pour recommencer. Pour apprendre à...