Chapitre 2

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Assise sur une chaise, ses poignets et ses chevilles ligotées à celle-ci l'empêchait d'effectuer le moindre geste. En s'aventurant dans la ruelle, elle connaissait les risques auxquels elle s'exposait. Si cela avait été à refaire, elle aurait suivi la même manière de faire.

Depuis sa prison, elle ignorait depuis combien de temps, elle était restée enfermée. Aucune lumière ne traversait les épais cartons qui avaient été placés sur les vitres. Elle s'était également assoupie quelques instants s'abandonnant malgré elle à la fatigue, ce qui ne l'avait pas aidée à se situer dans le temps.

Personne n'était venu la voir, à croire que l'on souhaitait tester sa résistance. Malheureusement pour eux, Isabelle avait vécu bien pire, elle savait donc faire face à ce qui se présentait, y compris la mort, qui ne lui faisait plus peur après l'avoir tant de fois frôlée. Et bien que la faim commença à se faire sentir, elle ne pipa un mot, prenant sur elle. Il était hors de question qu'elle fléchisse.

Afin de s'occuper, elle se mit à détailler aussi discrètement que possible la petite pièce dans laquelle elle se trouvait. Mis à part sa chaise, aucun meuble n'était présent, le lieu quoique poussiéreux montrait que la pièce avait été rénovée, il a peu, en raison de l'odeur de peinture qui persistait dans l'air et des murs dont le coloris brun semblait récent. Un balai trainait dans un coin ainsi qu'une balayette et quelques morceaux de verre jonchaient le parquet lui aussi neuf laissant supposer une récente fureur. Isabelle leva ses yeux d'un brun presque noir vers le plafond et en examina chaque recoin. Au-dessus de la porte en bois, elle trouva ce qu'elle cherchait depuis à peine trois minutes. Minuscule, mais bien présente, la caméra englobait parfaitement toute la pièce, capturant les moindres détails.

Un rictus se dessina sur ses lèvres. Son instinct ne l'avait trompé, elle était bel et bien surveillée. Derrière l'objectif se trouvait une personne qui épiait ses moindres faits et gestes. Elle ferma les paupières et s'attela à gérer sa respiration. Elle inspira puis expira lentement. Au bout d'une demi-heure environ, la jeune femme contrôlait son corps parfaitement, jusqu'au moindre cil. Elle se mit donc au travail. Sa poitrine qui se soulevait normalement commençait à s'abaisser avant de se gonfler d'air de plus en plus doucement jusqu'à ne plus bouger. Ou du moins pas de manière perceptible.

Cet exercice n'était pas sans conséquences, Isabelle sentit ses oreilles bourdonner et ses battements de cœur s'amoindrirent en raison du manque d'air. Au moment où elle commençait à perdre espoir, la porte s'ouvrît violemment. Elle entendit vaguement des voix aboyer des ordres et des doigts glacés se poser contre son cou. La jeune femme sentit qu'on la déplaçait alors qu'elle reprenait d'elle-même ses esprits. On lui plaqua un objet sur le visage qui lui fit papillonner les paupières avant qu'elle ne replonge dans l'inconscient.

***

La tête lourde d'Isabelle se souleva difficilement de l'oreiller. Une migraine la saisie brutalement, lui arrachant une grimace de douleur. Sa main se leva d'elle-même en direction de sa tête, mais en fut empêchée par un tiraillement. Interloquée, elle retourna sa paume vers le bas et se livra dans une inspection minutieuse de la perfusion. Devait-elle la retirer ? Son autre main, elle, tout à fait libre, se leva, aussi lourde que du roc, vers la petite aiguille.

— Si j'étais vous, je ne ferais cela, l'avertit une voix grave la prenant par surprise.

La jeune femme, elle, pivota la tête vers l'entrée et découvrit sur le seuil de celle-ci un homme en costume d'une élégance étonnante. Il entra d'un pas assuré et s'assit sur une chaise qu'il avait rapproché en gardant sa posture droite. Ses cheveux d'un blond vénitien étaient tirés à quatre épingles, aucune mèche ne dépassait. Un maniaque du contrôle, en déduisit la jeune femme en remarquant les plis de son pantalon.

— Qui m'en empêcherait ? Vous peut-être ? répliqua-t-elle sans que néanmoins son ton perde ses nuances neutres.

Son visage, certes sans imperfections, n'exprimait aucune expression, mis à part un léger tressaillement au coin de ses sourcils qu'Isabelle parvint à saisir non sans mal. Le regard vide, il la dévisagea avant de répondre avec un sérieux presque inquiétant :

— Bien évidemment, évitez dans le futur d'appliquer des étiquettes sur les personnes sans les connaître. À moins que vous ne souhaitiez finir dix pieds sous terre.

Cachant sa stupéfaction derrière un masque d'impassibilité, Isabelle regarda de haut en bas cet individu qui avait débarqué de nulle part et qui se permettait de lui faire des remarques. Ce visage froid ne lui inspirait guère confiance, en tout cas, sa présence la mettait de plus en plus mal à l'aise. Afin d'essayer de faire abstraction de l'individu, la jeune femme laissa son regard dériver dans la pièce à la peinture d'une blancheur éclatante. Tentant d'ignorer l'homme, elle tritura ses doigts jusqu'à ne plus les sentir quand une main froide se posa sèchement dessus.

— Calmez-vous donc, je ne vous tuerai pas, du moins pas tout de suite, brisa-t-il le silence, sa voix grave et dénuée de compassion.

Isabelle leva ses yeux bruns vers son interlocuteur avec une expression qui aurait fait rire n'importe qui. Pourtant, il resta de marbre et continua de la dévisager sans ciller. Il retira sa main aussi rapidement qu'il l'avait placée pour la replacer sur ses cuisses que moulait son pantalon noir charbon.

— Vous vous croyez drôle peut-être ? argua Isabelle en évitant son regard perturbant.

Quand elle posait ses yeux lui, elle ne voyait qu'un homme dangereux, prêt à tout pour arriver à ses fins. Elle remarqua, en réprimant un sursaut de surprise mêlé à un soupçon de crainte, le revolver attaché à sa ceinture de cuir parsemée de quelques dorures.

— Je ne m'abaisserai jamais à laisser entendre certaines choses sans être sûr qu'il s'agisse d'une ouverture possible. De toute manière, je ne puis agir sans l'approbation de mon supérieur, argumenta-t-il en scrutant ses ongles manucurés avec détachement.

— Êtes-vous fou ?! On ne tue pas des personnes comme ça, juste parce qu'on les croise dans la rue ! contra la jeune femme avec énergie, mais en se déplaçant du mieux qu'elle le put afin de s'éloigner le plus possible.

Des yeux bleu-gris rencontrèrent les siens la faisant frissonner. Bien qu'impénétrables, ils luisaient d'une lueur particulière qui la fit douter. Était-il la personne qu'il prétendait être ?

— Dans une rue normale, non, mais dans celle qui appartient à la mafia, oui.

L'expression d'Isabelle perdit sa froideur et se décomposa devant ce regard déstabilisant. Un tremblement la prit avant qu'elle ne se ressaisisse. Après tout c'était ce qu'elle voulait, enfin tout de même pas se faire emprisonner, mais elle désirait bien avoir un contact avec la tête pensante de l'organisation.

— Très bien, dans ce cas-là, j'aimerais parler à votre supérieur, dit-elle, la voix tremblotante.

Un moment de silence plana dans la pièce après sa demande, comme si la totalité de la planète retenait son souffle. Puis un éclat de rire le perça. Pour la première fois depuis son arrivée, l'homme laissa transparaître un centième de ses émotions. Son rire glacial engloutit l'espace lui faisant froid dans le dos.

Un rire moqueur et forcé donnant l'envie à Isabelle de se lever et de lui mettre la correction de sa vie. Néanmoins, sachant qu'elle n'en sortirait sûrement pas vivante, la jeune femme renonça à contre cœur.

— Vous êtes tellement drôle mademoiselle, rit-il sans toutefois que son sourire n'atteigne ses yeux.

Il retrouva son sérieux instantanément, prouvant la fausseté de sa bonne humeur. Il n'était pas un de ces hommes qui plaisantaient de tout et de rien.

— Plus sérieusement, vous êtes entrée sur notre territoire et vous n'en ressortirez pas, du moins pas entière. Quant à parler au patron, vous pouvez toujours rêver. Il ne se déplacera jamais pour vous, une pauvre et insignifiante jeune femme, dit-il durement sans la quitter de ses yeux menaçants.

— Et bien pour ce coup, tu fais erreur, cher John, rétorqua une voix profonde depuis le pas de la porte.

Le dénommé John se retourna et pour une première fois une expression de surprise sincère se dessina sur son visage froid, manquant d'arracher un rire à la jeune femme, seulement l'expression sérieuse de l'inconnu l'en dissuada. D'une beauté presque surnaturelle, l'homme qui se proclamait chef de la mafia lui fit tourner la tête. Ses cheveux d'un châtain foncé coiffés soigneusement lui donnaient un air de mauvais garçon qui lui allait à merveille.

Semblant deviner ses pensées, il tourna la tête dans sa direction et un léger sourire, quasiment imperceptible, fleurit sur ses lèvres pulpeuses. Les yeux gris-vert possédant des pépites dorées se fichèrent dans ceux marrons-noirs de la jeune femme. Cette dernière se perdit dedans qui malgré leur couleur attirante laissait transparaître une froideur hors norme.

— Ainsi, c'est vous la femme qui avez transgressé les lois de mon territoire. Comme c'est intéressant..., dit-il d'un ton qu'il voulait chaleureux, mais sans en faire trop.

Il la dévisagea de la tête au pieds sans se cacher et un sifflement admirateur traversa ses lèvres, attirant l'attention des deux personnes présentes. Il croisa les bras contre son torse dont Isabelle apercevait les abdominaux bien dessinés. Il reprit la parole en s'adressant à son adhérent avec un sourire en coin :

— Tu n'as pas pris la plus moche dis donc. Petit coquin.

Son aisance disparue en moins de temps qu'il n'en faut et il se mit à balbutier, le teint pâle. Observant plus attentivement le mafieux, elle le devinait en train de se délecter de la situation. Un regard qu'il surprit et qu'il lui renvoya avec un soupçon de menace à peine cachée.

Un Soleil brisé Où les histoires vivent. Découvrez maintenant