Chapitre 9

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Les noms sont très importants pour les Sorcières, qu'ils s'agissent de leurs prénoms, qu'elles changent au fil des siècles, du nom de leur clan - souvent à rallonge puisqu'ils désignent les multiples étapes de la vie d'une Sorcières, ou des sobriquets que leurs contemporaines leur donnent, visant à mettre à garde sur leur pouvoir ou les actes qu'elles ont commis. Pour toutes ces raisons, l'utilisation d'un nom pour une Sorcière n'est jamais anodine : leur nom de clan est raccourci pour le reste du monde. Les sobriquets sont minutieusement utilisés. Et leurs prénoms cachent des vérités bien enfouies.

Le téléphone vibrait de manière insistante depuis quelques minutes maintenant. Yuzu apprécia l'air frais sur son visage tandis qu'elle sortait de l'institut. Elle avait remis à Kendricks la liste des objets et grimoires que Matelson avait demandés à son trafiquant préféré. C'était le meilleur moyen d'aiguiller l'inspecteur. Mais dans le même temps, et ce depuis que le téléphone sonnait, Yuzu sentait se préciser le sentiment détestable que quelque chose allait définitivement de travers aujourd'hui. Des picotements nerveux remontaient tout le long de son bras, signal invisible mais évident que cet appel ne serait pas anodin. Et l'homme à l'autre bout du fil semblait terriblement nerveux quand elle décrocha enfin.

- Madame, la salua-t-il à voix basse.

- Que se passe-t-il ? répliqua -t-elle sèchement.

Elle commença à s'éloigner de Kendricks, se méfiant de ce qu'il pourrait saisir de cette conversation.

- Jessica Miller n'est plus dans la maison, Madame.

Yuzu inspira profondément.

- Depuis quand les Inquisiteurs ne sont-ils plus en mesure de garder une jeune parrii de 26 ans entre quatre murs ?

- Les Inquisiteurs ne sont pas des nourrices, persifla l'autre, sur la défensive.

- Non mais ils ne sont pas non plus censés être incompétents, répondit Yuzu d'une voix glaciale. Elle est enceinte, dépouillée de tout pouvoir et avec la discrétion d'un éléphant. La loyauté d'un Inquisiteur ne va-t-elle pas d'abord à son unité et au Magisterium plutôt qu'à un clan ? Ou est-ce que vous allez prétendre que l'un de vos hommes ne l'a délibérément pas laissé s'échapper parce que son clan d'origine lui a demandé ?

L'homme ne répondit rien à cette insinuation, laissant le silence s'étirer indéfiniment. Yuzu ferma les yeux et reprit d'une voix plus calme :

- Je m'occupe de la ramener.

- Je vous laisse faire alors.

- Une dernière chose. Les manœuvres politiciennes et autres ingérences peuvent coûter plus cher qu'elles ne rapportent lorsqu'elles sont aussi grossières. Vous avez permis à votre homme de laisser Jessica s'échapper mais vous n'avez pas pour autant réussi à la transformer en appât crédible. La seule chose que cela apporte, ce sont des ennuis. La dignité d'un Inquisiteur bien formé lui commanderait de faire cela plus correctement, s'agaça Yuzu.

- Vous me surprenez répondit l'homme. Êtes-vous réellement en train de râler parce que non seulement, nous avons contrarié vos plans et nous vous avons désobéi, mais qu'en plus nous l'avons fait comme des amateurs ? Vous râlez sur un travail qui, bien fait, vous aurait coûté beaucoup plus. Le clan d'Aheela ne vous l'aurait pas pardonné. Si je peux me permettre un commentaire sur cette situation Madame, vous vous êtes plus employée à faire peur qu'à être aimable depuis votre arrivée au Magisterium, une cible de choix donc.

Yuzu pinça les lèvres, contrariée.

- Sans doute. Mais je sais me montrer accommodante et d'une longue mémoire lorsqu'on l'est envers moi. Si je vous ramène Jessica Miller, devrai-je ressortir la chercher demain ?

Le Rouge de la MortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant