Chapitre 14

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Les représentants ne tuent pas les Sorcières. Tant qu'il y aura une Sorcière pour se ranger aux côtés des Célestes et défendre l'équilibre, celle-ci tuera les siennes en son nom et tuera les Célestes qui oseront transgresser la règles.

Le ciel pâlissait encore à l'horizon lorsque Kendricks posa un pied dans la rue ce Septime matin. Il bougonnait. Il était bien trop tôt pour se lever mais quitte à aller dans le repère des Célestes, Kendricks préférait faire cela en début de journée plutôt que d'attendre la nuit. Même les prédateurs n'étaient pas toujours des lèves-tôt. Il remontait rapidement la rue et, plutôt que de choisir d'emprunter le gigantesque métro sous-marin qui parcourait les dessous de la ville, il se décida à parcourir le chemin en direction des ascenseurs menant au Rocher à pied.

Il fallait dire que l'inspecteur Kendricks avait une bonne raison de se lever aussi tôt : il n'avait tout simplement pas dormi de la nuit. Il avait ruminé la soirée d'hier encore et encore, plus secoué qu'il ne voulait l'admettre. Il se sentit las en regardant le ciel et observa un moment les étranges reflets du Ciel. La voûte céleste sembla encore plus transparente que d'habitude.

Au moment de quitter son bureau hier soir, un de ses inspecteurs avait déboulé en panique. Dans un des quartiers pavillonnaires de la ville d'ordinaire très tranquilles avait eu lieu un grave incident. Un départ de feu avait dégénéré et une maison avait brûlé. Apparemment il n'y avait pas eu de victimes mais une femme avait été emmenée à l'hôpital en catastrophe pour accouche. Une femme qui était accompagnée d'une certaine fonctionnaire, présente au moment du drame. À ce moment du récit, Kendricks avait relevé la tête de ses affaires et s'était senti quelque peu nauséeux. Il se pouvait qu'il ait demandé précipitamment où était le lieu de l'accident et le nom de l'hôpital. Peut-être même était-ce avec effroi. En y repensant, il ronchonna de plus belle. Son collègue s'était alors tourné vers la porte pour y trouver une grande silhouette dans l'embrasure. Kendricks avait frissonné en reconnaissant un plumage familier. Il s'agissait d'Antoine, un ange très haut placé et un des favoris de Gabriel. Et accessoirement l'homme qui lui avait demandé de surveiller sa partenaire. Il survolait régulièrement la ville et si les habitants étaient accoutumés à le voir au milieu des nuages, l'avoir en face de soi, les pieds sur terre était une autre histoire. Il avait dégluti bruyamment. Antoine lui avait tendu en papier plié en deux et avait tourné les talons sans un mot. Les gens s'écartaient sur son passage, certains hésitant presque à faire la révérence.

Le bout de papier avait été brûlant, se souvint Kendricks avec acuité. Il l'avait déplié frénétiquement et s'était rué au garage pour prendre sa voiture, non sans claquer des doigts devant la tête médusée de son collègue, qui ne parvenait visiblement pas à digérer la céleste apparition. L'autre avait regardé partir son chef sans un mot. Les maisons et immeubles de la ville avaient défilé à toute vitesse. Intérieurement alors qu'il savait qu'il n'avait pas le droit de faire cela. Les policiers, pompiers et autres professions d'urgence et d'intérêt général avaient le droit à une voiture uniquement dans le cadre de leurs fonctions. Chaque manquement était sévèrement réprimé. Sans doute en souvenir des difficiles négociations avec les Célestes qu'il avait fallu pour obtenir ce droit. Mais finalement, la seule chose qui l'emporta, ce fut la vague de soulagement à la vue d'une silhouette rouge et noire au manteau long qui était figée sur le trottoir, non loin de l'hôpital. Elle se retourna lentement au moment même au Kendricks freina et ... leurs yeux se croisèrent. Kendricks referma la bouche qu'il avait ouvert. Il ne savait pas pourquoi. La personne qui le regardait n'était pas Yuzu Schwartzen. Ce sentiment était une certitude dans le ventre de Kendricks. Il arrêta la voiture et ouvrit la porte pour descendre sur le trottoir. Il aurait dû fuir. Mais il vint à la place se tenir à quelques pas de Yuzu et l'examina, nerveux. Elle semblait aller bien. Mais ce n'était toujours pas elle. Il s'éclaircit la gorge.

Le Rouge de la MortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant