Chapitre 21 - Épilogue

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Matelson était probablement mort. Du moins c'était ce que Kendricks lui souhaitait. Il avait enquêté un peu sur Jessica Miller après avoir découvert qu'elle était sa cible. Et les faits sur la famille Miller étaient intéressants. Alors il avait continué à fouiner en espérant trouver quelque chose sur Yuzu. Mais il ne s'était visiblement pas montré assez discret puisqu'Antoine était revenu le voir. Il n'avait fait aucune allusion à sa mission d'espionnage mais en revanche, lui avait très poliment demandé d'arrêter de fouiner. Le Rocher lui était reconnaissant de ses services mais en conséquence ne voudrait pas qu'il se coince le doigt dans l'engrenage. L'inspecteur avait trouvé la formule fort jolie et particulièrement bien compris le message. Raison pour laquelle il avait pris deux semaines de congés et s'acharnait désormais sur son jardin, ayant décidé que le repassage était une cause perdue et surtout que si brûler ses chemises serait toléré, une trace sur les chemisiers de sa femme beaucoup moins. À se demander pourquoi les femmes réclament à corps et cris l'égalité, ronchonna t-il intérieurement.

- Peut-être simplement que vous ne vous donnez pas les moyens de réussir ?

Il fit un bond de deux mètres en arrière en brandissant son râteau en guise de défense. Yuzu lui souriait, assise sur la terrasse, une tasse de thé à la main. Il soupira.

- C'est une propriété privée. Enfin je suppose que vous avez probablement un passe-droit grâce à vos relations toutes puissantes ? Peut-être même que le terrain vous appartient en fin de compte... Vous êtes un genre de Céleste caché !

Elle haussa les sourcils.

- Capitaine, je sais beaucoup de choses mais n'exagérons rien. Quel âge me donnez-vous donc ?

- Pourquoi est-ce que vous ne me le dites pas ?

- Si vous y tenez. J'ai presque 25 ans. Ou du moins je les aurai dans quelques semaines.

La réponse franche le surprit. 25 ans... 25 ans !

- C'est tout ?

Il tombait des nues. C'en était même presque décevant. Elle eut un sourire amusé. Ce sourire amusé. Encore un peu et il devrait reconnaître qu'il lui avait manqué.

- Il existe des gens doués. dit-elle d'un air blasé.

Il l'observa attentivement.

- Vous n'êtes pas douée pas vrai ? Vous avez un truc. Un truc... de génie.

Elle le gratifia d'un nouveau sourire. Il se sentit alors libre de poursuivre.

- Ne croyez pas que je n'ai pas remarqué. Je sais comment vous êtes, affirma t-il. Vous évitez les foules comme la peste. Vous faites comme si vous étiez froide et indifférente mais vous êtes plus curieuse que moi ! Toujours à observer et à noter. À faire des traits d'humour ironiques aussi tiens. Et vous êtes autoritaire nom de nom ! Vous le cachez bien mais c'est là, ne le niez pas avec moi. Vous cachez des choses plus grosses que vous. Ou plutôt vous les protégez.

Elle le regarda fixement. Il se demanda s' il n'avait pas commis une erreur. Il ne savait pas s'il l'appréciait ou pas. Il la respectait, c'était sûr. Mais être ami avec cette femme pouvait amener à des choses qu'il ne voulait pas.

- Parce que dans le fond, je reste aussi la pluie qui érode le rocher et le conduit à se fissurer et finalement s'effondrer, chuchota-t-elle doucement, un peu de regret - il n'en était pas sûr - dans les yeux.

Elle détourna la tête. Il reprit son jardinage. Ils restèrent là un moment, elle à savourer son thé, lui à ratisser la terre dans le jardin bercé par les rayons du soleil. Elle soupira.

- Vous ne voulez pas savoir ? demanda t-elle

Il se releva lentement et épousseta son pantalon avant de la regarder droit dans les yeux à travers les verres transparents de ses lunettes.

- J'ai décidé que si un jour j'ai besoin de vous, je vous ferai confiance pour revenir. J'ai décidé que cette partie de vous que j'ai vu l'autre soir... Vous ne vous préoccupez pas uniquement de votre propre survie, Yuzu. En fait, vous vous préoccupez de tout sauf de la vôtre. Et des choses inintéressantes ce qui je vous le concède, concerne un paquet de trucs. Mais pour une raison étrange, je pense que cette part primitive de vous a décidé que je valais quelque chose. Quoi, je ne sais pas. Mais suffisamment pour que vous reveniez boire un thé dans mon jardin pour me demander de vive voix de confirmer mon choix alors que vous le connaissiez déjà. Je crois que je commence d'ailleurs à comprendre à quel point tout savoir peut être ennuyeux.

Le sourire se fit plus doux. Compréhensif et attendri. C'était la première fois. Il se sentit heureux. Lui aussi avait une réponse.

- Votre réputation vous précède à nouveau, inspecteur.

C'était une réponse malicieuse et calme à la fois. Elle se leva et s'étira.

- Je dois rentrer maintenant. Certaines choses m'attendent. Sachez que votre terrain ne m'a jamais appartenu. Le jardin n'est vraiment pas mon genre, se moqua-t-elle.

Elle descendit de la terrasse et lui tendit la main. Il la prit et la lui serra.

- Ça a été un plaisir de travailler avec vous, Inspecteur James Kendricks. Je serai ravie de vous aider à nouveau.

- Merci. Je suis heureux de vous avoir rencontré. Et je suis définitivement heureux de ne pas vous avoir au quotidien, Fraulein Yuzu Li D.D. Schwartzen.

Elle rit. Puis lui adressa un petit signe de la tête avant tranquillement se diriger vers le portillon et de disparaître. Kendricks cligna des yeux. Et entendit le reste d'un rire fantomatique à son oreille, comme un écho de malice à la chevelure écarlate.

Ne restait qu'un magnifique poirier en fleurs dans un pot sur un coin de la terrasse ainsi qu'une pile de vêtements proprement repassés et pliés, accompagnés d'une carte enluminée :

Yuzu Li D.D. Schwartzen

135 NoWhere Street

Sorreitheia.

Le Rouge de la MortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant