Chapitre 33-2

42 7 8
                                    

Salle médicale, 20 heures,

Shootée par les médocs, le bras en écharpe pour soulager l'articulation remise en place, Magda somnole sur un petit nuage, ce qui explique pourquoi elle sourit à Liam, assis dans un fauteuil près du lit médical.

— Alors, vos recherches ça avance, coasse-t-elle.

— Arrête ça, Magda, grogne-t-il, l'air morose.

— Toi, arrête ça, soupire-t-elle. On en a parlé, Liam, tu ne peux plus rien faire pour moi, alors pense à toi !

— C'est pas notre deal, souffle-t-il, inquiet avant de se frotter le visage des mains pour tenter de rassembler ses idées.

— J'veux pas que t'aies ma mort sur la conscience, avoue-t-elle.

— Magda...

— Beth m'a proposé de prendre un cocktail de médocs et j'ai accepté, le coupe-t-elle.

— J'abandonne pas, alors toi non plus ! clame-t-il.

— Liam, s'inquiète-t-elle. J'te demande d'arrêter, d'accord. T'as fait c'que t'as pu, alors maintenant, concentre-toi sur la malédiction.

Court silence.

— Si tu l'fais pas pour moi, alors fais-le pour Shioban, la malédiction la touchera elle aussi, insiste-t-elle.

Court silence.

— Liam, aucune personne sensée ne souhaiterait rencontrer la Mort avant son heure, alors l'invoquer pour lui poser des questions, ça frôle la folie, sourit-elle.

Liam la dévisage et lui sourit. Il se lève pour l'embrasser sur le front et sort de la chambre.

Au bunker, box de stockage dans le grand garage, dimanche 30 avril, 15 heures,

Quand l'équipe de Beth a nettoyé le box de John et le sien, ils ont tout entreposé là. Magda ouvre l'album photos qu'elle vient de trouver, et rencontre pour la première fois Colleen, la femme de John. Au fil des pages, elle suit le cours de leur vie : jeune et splendide sur chaque cliché, le visage de Colleen rayonne d'amour pour John, tout aussi jeune et amoureux. S'ensuit leur mariage, puis une boucle de cheveux, fins et blonds, ceux de leur bébé, Magdalena, est collée au-dessus d'une photo en noir et blanc : celle d'un pied du nourrisson appuyé contre la main, large et forte, de John.

Magda poursuit ce voyage dans la vie de John à travers ses photos de famille...

— Ah, t'es là, se réjouit Shioban en franchissant le seuil.

— Un problème ? s'inquiète Magda, le visage encore bien marqué par les coups et l'épaule douloureuse.

— Non, je voulais simplement savoir comment tu vas, explique Shioban en s'approchant pour voir ce qu'elle fait.

— Je profite de ma journée de repos pour trier les affaires de John, répond-elle à côté, car elle a le sentiment d'être une intruse dans la vie privée de son « père ». Quand ils ont embarqué nos affaires, entre les artefacts, les grimoires, ses armes et ses livres de recherches, j'ai trouvé ça...

Shioban s'attarde sur le cliché où John et sa fille de cinq ans, en combinaison de ski et le visage rougi par le froid, posent fièrement leur bonhomme de neige entre eux : sa bouche est marquée par des cailloux, son nez est une carotte proéminente, il a deux petites pierres pour les yeux, et il est vêtu de l'écharpe et du bonnet de John, le tout est agrémenté de deux bras faits de branches fines et courtes.

— C'est Magdalena, sa fille ! explique-t-elle en caressant l'image du doigt. J'ai jamais vu John aussi heureux que sur ces photos, avoue-t-elle en tournant la page pour regarder d'autres clichés.

— Je l'ai toujours cru aveuglément, soupire-t-elle. Quand il me disait que je n'avais aucun souvenir de ma mère, parce que j'étais traumatisée de l'avoir vue mourir, tuée par ce Spectre. Tout comme quand il disait qu'on avait dû déménager si souvent qu'il avait perdu tous nos albums.

Ne sachant pas quoi dire, Shioban garde le silence.

— La seule photo que j'ai de nous deux est accrochée dans sa cabane de chasse, explique Magda. J'me souviens de cette journée comme si c'était hier, sourit-elle. John m'a aidé à pêcher cette énorme carpe, pour marquer le coup, il nous a fait poser devant le minuteur de l'objectif, j'étais tellement contente qu'il soit fier de moi, avoue-t-elle en caressant le visage de John où il enlace sa femme et sa fille pour immortaliser leur pique-nique durant une belle journée d'été.

— Je suis certaine qu'il t'a aimée comme sa propre fille, déclare Shioban en lui posant une main sur l'épaule, peinée pour elle.

Quand une goutte s'écrase sur le papier glacé, Magda réalise qu'elle pleure :

— Je ne sais pas quoi faire de ses affaires personnelles, avoue-t-elle en larmes. Quand je ne serai plus là, y'aura plus personne pour se souvenir de lui...

Shioban tente d'étouffer son sanglot mais elle n'y arrive pas, alors elle fond en larmes autant que Magda.

— Désolée ! se met à rire Magda.

Au bunker, samedi 6 mai, 16 h 16,

Vêtue d'un jogging et d'un t-shirt, Magda, plus ou moins rétablie, cavale sur le tapis de course depuis près d'une demi-heure, sous le regard observateur de Paul Smith et d'Emma Smith, l'assistante de Beth et jeune neurologue qui est là pour l'implantation prochaine d'une puce dans son cerveau.

Liam entre d'un pas décidé, sans pour autant perturber les deux collègues qui suivent les constantes de leur cobaye sur leurs écrans.

— J'ai besoin d'un coup d'main, Magda ! déclare-t-il alors qu'elle garde son rythme infernal.

— C'est pas l'moment, clame Paul qui fait un geste de la main pour le congédier.

— Judith a rejoint Simon sur une affaire, insiste Liam.

Magda saute pour placer les pieds de chaque côté du tapis et arrêter sa course. Elle retire le tuyau qu'elle a dans la bouche qui sert à étudier son souffle sous l'effort.

— Sur quoi ils sont ? demande-t-elle essoufflée.

— Peut-être un revenant, suppose-t-il.

— Zack et Elliot ? s'inquiète-t-elle.

— Simon leur a faussé compagnie pour se lancer sur cette affaire, et Judith a planté Lorie pour se la jouer perso sur ce cas, affirme-t-il.

— J'y vais !

Nao - T2 Aube Céleste 🔞 (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant