Le blond atteignit enfin sa salle de bain, et ses mains s'accrochèrent au rebord froid du lavabo. Il leva un peu plus la tête et constata les dégâts de la veille dans le reflet du miroir.
Ses yeux étaient creusés de cernes, son teint blafard, contrastant avec le bout de son nez qui lui était rosé. Les mèches de ses cheveux étaient emmêlées, donnant l'impression qu'il avait mit les doigts dans une prise électrique. Il sentait que ses membres étaient engourdis, qu'ils étaient lourds, que ses muscles étaient courbaturés. Quant à son foie, il lui faisait vraiment mal, tellement qu'il s'était tenu le ventre pendant la nuit. Sa bouche pâteuse et les relents qu'il avait eu toute la nuit lui donnaient fortement envie de vomir.
Il n'y avait pas à dire, il faisait peine à voir.
Il attrapa sa brosse à dents, y étala du dentifrice, et commença à se brosser les dents en soufflant. Ses yeux se fermèrent un moment.
Il s'était maudit toute la nuit. Les douleurs, la tête qui tournait, et le peu de souvenirs qui lui restaient l'avaient convaincu qu'il ne toucherait plus jamais à une goutte d'alcool — phrase typique d'un lendemain de soirée.
Il en avait fait, des conneries ; des danses approximatives, une ou deux chutes qui avaient bien fait rire ses amis, quelques verres renversés, un roulage de pelle avec Guillaume au milieu de soirée, un mauvais jeu d'alcool organisé. Du classique Croce, rien de bien fou, à vrai dire.
Mais un moment passait en boucle dans sa tête.
Tout ce dont il se souvenait, c'est qu'il avait entendu, en fin de soirée, une musique douce sortir des grosses enceintes — placées dans le chapiteau pour la soirée. Il avait attrapé la main de Benjamin, l'avait emmené au milieu de la piste de danse, et il avait posé ses mains contre ses hanches. Le brun ne s'était pas débattu, au contraire, il avait crocheté ses bras autour de son cou en lui lançant un petit sourire presque timide.
Ils avaient dansé sans se quitter du regard, leur corps collés, en tournant légèrement au rythme de la musique. Pierre avait senti les doigts de Benjamin enrouler quelques unes de ses mèches autour de son doigt. Il en avait frissonné, son cœur avait battu la chamade, son ventre s'était retourné et il avait senti des picotements lui déchirer les entrailles.
Il se souvenait encore des joues rouges du brun, de ses yeux perçants qui, lui semblait-il, avaient une certaine lueur à ce moment-là. Peut-être était-ce dû à l'alcool, il n'en savait rien. Mais cette étincelle lui avait réchauffé le cœur et l'avait fait battre plus vite encore.
Il repensait à la façon dont il avait glissé sa main droite jusqu'à ses reins pour approcher encore plus son corps du sien, comme s'ils n'étaient pas assez proches. Une tension s'était immiscée entre eux, ils l'avaient bien sentie, et Pierre n'avait pu se retenir. Il avait collé le corps du petit au sien, tellement qu'il sentait tout son buste contre le sien.
Il ressassait la fin de leur danse, quand il n'avait pas voulu se séparer de Benjamin, quand le brun n'avait pas retiré ses bras de son cou, et qu'ils se regardaient encore les yeux dans les yeux.
Il revoyait Benjamin approcher sa tête de la sienne. Il se rappelait parfaitement qu'il avait fermé les yeux, et qu'il avait imité Benjamin. Que sa tête était allée vers celle du petit, qu'il avait pressé ses paupières, que le souffle chaud et alcoolisé de Benjamin avait caressé ses lèvres.
Il sentait encore ses lèvres envelopper la bouche du brun, l'embrasser tendrement et passionnément, comme si le monde autour n'existait plus, comme s'ils n'étaient pas au beau milieu du chapiteau entourés de leurs amis et collègues, comme s'il n'y avait plus qu'eux, les enceintes et les jeux de lumières.