- Allez, fin de livoooos ! Lança Pierre.
- Pluie d'amour et de bisous ! S'exclama la belle blonde.
Pierre coupa le live, fit la manipulation pour le rediffuser directement et se déconnecta de Twitch, silencieusement. Les deux plus jeunes quittèrent vite la pièce après avoir éteint et posé leur micro. Leur nourriture était arrivée et en tant que grands enfants, ils ne pouvaient plus attendre.
Benjamin, comme à son habitude, se leva et attrapa la caméra à côté de lui. Pierre et lui étaient habitués à se retrouver tous les deux après les lives jeu de société du mercredi, ils aimaient discuter de choses et d'autres pendant qu'ils rangeaient les caméras et trépieds. Il arrêta l'enregistrement de l'appareil dans sa main, l'éteignit et fit de même avec la caméra centrale, celle qui filmait les 4 vidéastes en même temps.
Pierre, de son côté, avait déjà éteint la troisième et dernière caméra, et rangeait tous les câbles qui étaient branchés à l'ordinateur. Malgré le live joyeux et convivial qu'ils venaient de faire, une tristesse profonde le rongeait. Il adorait les lives, même si parfois ils n'avaient aucun sens. Il adorait faire le con avec Ben, s'amuser avec ses amis, jouer à des jeux peu célèbres et les faire découvrir. Et il adorait aussi avoir cette proximité avec ses abonnés, pouvoir leur répondre de vive voix directement, discuter et rire avec eux.
Mais ce soir là, il avait trop zieuté le chat, beaucoup trop. Les gens étaient bienveillants, ça oui, mais pas tous. Il avait eu le malheur de lire une critique sur son physique — supprimée trop tard par un modérateur, et puis une autre, et encore une autre ... et finalement, il se rendit compte qu'il y en avait un torrent. Réellement, il n'y en avait pas tant que cela, mais il les avait toutes lues, et il avait l'impression de n'avoir lu que ça. Les commentaires gentils et bienveillants qui l'avaient fait sourire étaient complètement oubliés, il ne pensait plus qu'à ces messages qui lui disaient qu'il était trop gros, moche, que sa coupe de cheveux ne lui allait pas, qu'il s'habillait mal, qu'il était trop cerné ... et s'il n'y avait que ça ...
Il était tellement absorbé par ces messages qu'il en avait perdu le fil de la partie qu'il menait depuis un moment. Et même s'il avait perdu, il n'avait même pas contesté, n'avait même pas cherché d'excuses bidons sur le pourquoi avait-il perdu. Habituellement, il le faisait, de grande mauvaise foi qu'il était, mais il n'en avait même pas le coeur. Ces remarques plus que déplacées fusaient dans sa tête, et il se blâmait d'être, apparement, si laid et dégoûtant à regarder.
Il rangea furieusement les câbles qu'il tenait en mains, tandis que Benjamin, lui, repliait le dernier trépied qui restait. Le brun n'était pas dupe. Très observateur et soucieux, il avait remarqué l'insistance avec laquelle Pierre avait lu le chat. Pierre aimait discuter en rangeant le matériel, et là, il le trouvait bien silencieux. Alors il lança une demi vanne pour prendre la température.
- C'est parce que t'as perdu que t'es si silencieux ?
Et le blond ne rétorqua pas. Il esquissa un simple sourire, qui n'était clairement pas sincère.
Il finit par poser la grosse boîte, dans laquelle se trouvait les câbles, sur les casiers, il savait que PA les rangerait le lendemain matin à la première heure, encore une vieille habitude. En la posant, ses mains s'accrochèrent à la surface froide en métal, il baissa la tête et ferma les yeux, la gorge nouée.
Le brun le regardait fixement, sentant bien le mal-être de son ami. Pierre était un homme fort, avec un caractère plus que facile à vivre, mais il avait une grande sensibilité et était très souvent touché par ce que les gens pouvaient dire à son propos. Il était toujours flatté quand il recevait de jolis compliments, et l'un n'allant pas sans l'autre, il était toujours triste quand il voyait de tels paroles à son égard. Et Ben le savait.