On peut pas

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Le brun, perché sur la rambarde de la terrasse, prenait l'air, les yeux fermés. Les mains jointes, les coudes appuyés sur le garde-corps, il essayait de reprendre un tant soit peu ses esprits. Les bouffées de chaleur qu'il ressentait lui faisaient pratiquement perdre la tête.

Son corps devenu vaseux et tanguant, il se sentait quasiment partir, il avait l'impression qu'il allait tomber, que ses membres allaient céder. Ses joues lui brûlaient tant il avait chaud, et il eut un énième tournis. Il rit nerveusement en repensant aux shots que Guillaume avait proposés une petite heure auparavant. Une belle connerie.

Il inspira profondément. L'air frais qui lui gonfla les poumons lui fit un bien fou, il se sentit pratiquement revivre. Quand il expira, il rouvrit les yeux, observant de ses grandes prunelles marrons le paysage obscur du Pays-Basque qu'il aimait tant. Un sourire étira ses lèvres, le regard totalement vitreux. Il adorait cette région, elle était peut-être celle qu'il préférait, et il était vraiment heureux de pouvoir y venir aussi souvent pour travailler.

Le boum boum de la musique caressait ses oreilles, camouflé par les murs épais et la baie vitrée au double vitrage. Il était de coutume qu'une soirée s'organise pendant chaque séjour, et bien qu'il avait réussi à être sage jusque-là, ce soir, il n'avait pas compté ses verres. Il ne se rappelait même plus par quel alcool il avait commencé, quel verre il avait au début de soirée, quelle boisson l'avait fait tourner. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il était bien alcoolisé, et qu'il se sentait étonnement bien. Il n'avait pas l'habitude de se mettre une telle murge, il en avait presque oublié les effets. Mais il devait bien avoué que ça lui faisait du bien de ne plus sentir son corps, d'avoir l'impression d'être dans un état de plénitude, d'être aussi joyeux.

Son corps, devenu fatigué par l'alcool, lui fit sentir la fatigue. Il ouvrit la bouche et se mit à bailler fortement, et oubliant sa bonne éducation, il émit un grave râlement quand il expira. Il se frotta le coin des yeux, eux aussi fatigués. Il souffla lourdement, tentant de rassembler toutes ses forces pour marcher jusque sa chambre et se pieuter.

Les poumons emplis d'air frais, il fit doucement volte-face en se tenant à la rambarde. Son faible équilibre le fit pratiquement tomber, et il força sur les muscles de ses bras pour se retenir. Un rire amusé sortit de sa bouche.

- Merde.

Sa tête bascula vers l'arrière, et il ferma une nouvelle fois les yeux, espérant se remettre les idées au clair.

Il se trouvait ridicule, là, sur la terrasse, adossé lourdement au garde-corps. Son être abruti par l'alcool tanguait fortement, lui donnant l'impression qu'il volait pratiquement. Il sentait presque des ailes lui pousser dans le dos, battant l'air, le sol n'existant quasiment plus dans son esprit. Peut-être était-il un papillon, ou un oiseau, ou peut-être même un ange. Un ange totalement ravagé par la liqueur.

Trouvant la scène et ses pensées absolument ridicules, il lâcha un nouveau rire.

Les yeux fermés, il essaya de se concentrer sur la dernière conscience qui lui restait. Celle qui l'avait toujours empêché de faire des bêtises, celle qu'il gardait même dans ses états les plus ivres, celle qui l'avait sauvé maintes et maintes fois de situations plus rocambolesques les unes que les autres.

Une nouvelle fois, il inspira et expira profondément plusieurs fois, sentant de nouveau l'air remplir ses poumons, lui donnant une nouvelle vie, une nouvelle jeunesse à chaque respiration. Chaque bouffée d'oxygène qu'il se prenait était une véritable victoire, une victoire qui l'approchait un peu plus vers un état de bien être à la fois absolu et abstrait.

Il allait bien, parfaitement bien, se sentait divinement serein, en total harmonie avec ses pensées, avec son corps, avec l'air frais qui lui frappait le corps depuis une bonne dizaine de minutes. Pourtant, il avait chaud de ses danses, et il avait chaud aussi à cause de l'alcool. Mais il gardait sa chemise rose, ouverte sur son t-shirt gris foncé, sachant pertinemment que s'il la faisait tomber, il allait probablement tomber malade en ce soir de janvier.

Recueil OS VerrecroceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant