Une main, un cœur

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Le brun fixait le grand écran de ses yeux émerveillés, admirant les beaux plans de ce film qu'il avait tant attendu. Les scènes, les personnages, l'histoire, les chansons, les prestations, tout était parfait. L'acting des deux actrices principales l'impressionnait, les musiques le faisaient rêver, l'histoire le chamboulait. Et même s'il connaissait tout par coeur, il appréciait grandement cette nouvelle version de West Side Story. Il faut dire qu'il l'avait attendue cette comédie musicale, et que pour rien au monde il n'aurait raté cette avant première. Et encore moins sans Pierre.

À sa droite, le blond bougeait la tête au son de la musique et riait sur la performance plutôt cocasse de Gee, Officer Krupke. Il ne remarqua pas les yeux de son brun sur lui, ne vit pas son beau sourire s'agrandir au fur et à mesure de la chanson. Et dans un sens, c'était tant mieux pour Benjamin.

Il adorait le regarder, l'admirer. Pierre était beau, et il ne lui disait que trop peu selon lui — même si ses compliments avaient décuplé après deux années de vie commune. Mais ces petits moments pendant lesquels il pouvait dévorer des yeux son amoureux sans qu'il ne le sache se faisaient rare.

Ses yeux passèrent en revue son visage ; ses jolies mèches qui s'étalaient négligemment sur son crâne, ses yeux d'un bleu océan qui lui faisaient tant d'effet, entourés de petites rides qui soulignaient sa quarantaine s'approchant petit à petit, son beau nez en trompette, sa barbe dans laquelle il adorait glisser ses doigts quand il l'embrassait, ses lèvres pulpeuses qu'il aimait plus que tout. Son coeur s'emballa encore quand il repensa à la première fois qu'elles avaient touché les siennes.

C'était un soir d'été, le soleil de Biarritz avait tapé toute la journée, teintant leur peau d'un joli bronzage. Ils y étaient pour passer quelques jours chez Guillaume avec Frédéric, entre potes. Benjamin avait été surpris de voir Pierre débarquer dans sa chambre et le plaquer contre la porte. Ils s'étaient cherchés tout le séjour, plus qu'à l'accoutumé, et Pierre ne pouvait plus résister. Leurs lèvres s'étaient accrochées comme si elles n'attendaient que ça depuis des années — et c'était le cas. Il sentait encore ses mains caresser ses hanches, ses vêtements glisser le long de son corps, ses lèvres l'embrasser un peu partout.

Ils avaient eu du mal à expliquer le pourquoi du comment Pierre n'avait pas dormi dans le lit attitré par son ami. Et Guillaume et Frédéric avaient bien rigolé en comprenant ce qu'ils cachaient si mal.

Tout s'était très vite enchaîné par la suite ; leur studio en commun, l'appartement qu'ils partageaient, leur petit chat roux Pito qu'ils aimaient de tout leur cœur. Pourquoi attendre encore alors qu'ils se tournaient autour depuis plus de sept années, alors qu'ils se connaissaient par cœur, alors qu'ils avaient envie plus que tout d'enfin sauter le pas.

Ils avaient suivi leur instinct qui leur disait de ne plus attendre. Et deux ans après, ils ne regrettaient rien.

Il avait eu deux places pour cette avant-première, et même s'il savait que Pierre n'était pas très cinéma, il voulait vraiment lui montrer ce chef d'œuvre. Et il sourit en voyant Pierre rire à la fin de la performance. Il rit lui aussi, sachant très bien comment celle-ci se terminait.

Le son de son rire emplissait son cœur d'amour, c'était son son préféré. Son thorax se réchauffa et il sentit une boule dans sa gorge se former. Ça lui semblait fou qu'après toutes ces années, il avait encore ce crush d'adolescent. Un rien lui faisait ressentir de tels émotions quand il s'agissait de Pierre, et il s'étonnait quelques fois encore quand il paniquait et bégayait devant son blond qu'il trouvait un peu trop intimidant.

Il souriait de toutes ses dents, amoureux. Parfois, il se détestait d'être aussi niais, mais il ne pouvait vraiment pas s'en empêcher.

Après un dernier regard tendre sur Pierre, Benjamin re-tourna la tête et se re-concentra sur le film, et même s'il adorait cette comédie musicale, il préférait admirer Pierre. Il était niais, il le savait, mais il s'en fichait.

Recueil OS VerrecroceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant