« Avis à tous les passagers. En raison d'une panne, le train est malencontreusement à l'arrêt. Nous vous prions de bien vouloir nous excuser pour ce désagrément. »
Alix retira un de ses écouteurs et observa autour d'elle. Elle n'avait entendu que la moitié de l'information mais, très vite, elle comprit qu'un problème était survenu à l'extérieur. Les passagers avaient le nez collé contre les vitres, analysant les alentours. Un blizzard colossal s'était levé. On ne distinguait plus rien, tant le vent et la neige s'entremêlaient à une vitesse imprévisible.
Au Canada, il arrivait souvent que des blizzards se forment en hiver. Accompagnés de chute de températures, il fallait être vraiment courageux pour oser sortir de chez soi. Alix n'avait pas entendu parler d'une quelconque tempête en ce jour de réveillon de Noël. Les passagers se plaignirent rapidement, tous s'impatientaient. Cela était plutôt compréhensible : tout le monde avait envie d'arriver à bon port le plus vite possible pour pouvoir profiter de ce jour particulier en famille.
Cela faisait plusieurs années qu'Alix n'était pas rentrée chez elle. Depuis son émancipation, elle n'était plus retournée à Montréal. Elle vivait terrée dans son appartement, et écrivait tous les jours. Elle avait de grandes ambitions mais très peu d'opportunités s'offraient à elle. Alix voulait devenir écrivaine. Malheureusement, elle enchaînait les échecs depuis plusieurs années et ne cessait de toquer aux portes de maisons d'édition qui restaient fermées.
Plusieurs fois, sa mère la supplia de rentrer. Elle l'avait prévenue ; partir vivre seule à 20 ans dans une ville qu'elle ne connaissait pas, c'était de la folie. Elle n'avait que très peu d'économies et devait payer un loyer qui la dépouillait chaque mois. Le soir, durant quelques heures, Alix était serveuse dans un bar. Cela lui permettait de survivre.
Un contrôleur de tickets passa dans le wagon et une dame âgée l'apostropha.
- Monsieur, savez-vous quand nous repartirons ?
- Désolé, Madame, ce n'est pas encore prévu. Même si nous réparons la panne, la poudrerie affecte la visibilité et, pour la sécurité de tous, nous ne pouvons pas démarrer avant que cela ne se soit calmé.
La dame hocha la tête et le contrôleur reprit rapidement son chemin. Alix souffla et replaça dans son oreille l'écouteur qu'elle avait enlevé. Son ordinateur portable était dans sa valise, au-dessus de sa tête. Elle se leva et décida de prendre son plus fidèle ami à ses côtés. Un mouvement sur sa gauche attira son attention. Un homme était en train de farfouiller dans son sac-à-dos avant de le refermer prestement. Leurs regards se croisèrent un instant, puis Alix le reconnut.
Il s'agissait de Lio, son ex-compagnon. Il n'avait pas changé ; ses longs cheveux noir de jais et sa peau diaphane lui donnait ce côté mystérieux pour lequel Alix avait craqué la première fois. Lui revinrent alors en mémoire leur rencontre, leur histoire, leur amour. Leur séparation. La douleur. Alix reprit ses esprits et pivota simplement, se détachant de ce regard qu'elle avait tant aimé.
Elle s'assit, posa l'ordinateur sur ses genoux et resta inerte quelques secondes. Qu'est-ce que Lio faisait dans ce train ? Pourquoi fallait-il qu'elle le revoie ? Elle avait souhaité ne plus jamais recroiser sa route...
- Alix ?
Elle sursauta légèrement. Elle ferma les yeux si longtemps et si fort, en espérant que cela suffise à le faire disparaître. Pourtant, Lio était bien là, debout dans l'allée et lorgnant le siège vacant. Il semblait embarrassé, presque désolé d'apparaître auprès d'Alix. Il commença à triturer ses doigts, ne sachant pas quoi dire ou quoi faire. Alix ouvrit les yeux lentement, retira ses écouteurs et se retourna vers son ancien amant.
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Le souffle des mots
PoetryVous ouvrez un livre étrange et vous vous apercevez qu'il s'agit d'un recueil de poèmes et de nouvelles. Intrigué par le thème, curieux de connaître son contenu, vous entamez la lecture... Vous serez bercé et accompagné par des histoires courtes, de...