37. L'écriture

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Bonjour, sois le bienvenu.

Assieds-toi, je n'attendais que toi.

Détends-toi, je sais que tu n'as pas l'habitude. Tu te demandes sûrement de quoi nous allons parler aujourd'hui. C'est drôle, je me le demande aussi.

Je ne sais jamais dans quoi je m'embarque lorsque je commence à écrire. Quel sujet vais-je traiter ? Est-ce qu'il est assez inspirant ? Me plaira-t-il vraiment ? Peut-être devrais-je tout effacer et recommencer, encore et encore...

C'est lorsque j'écris que je me sens capable de tout. Je peux devenir n'importe qui, je peux vivre à n'importe quelle époque. Je peux revêtir le masque d'un être abominable ou, au contraire, devenir le plus altruiste des humains. L'écriture est pour moi une thérapie, une sorte de recommencement infini.

Tiens, aujourd'hui, par exemple ; j'étais assise, devant la fenêtre, et je me suis égarée dans mes pensées en contemplant le poirier du jardin. Sous la pluie, droit comme un soldat, il attendait sûrement qu'on vienne cueillir ses fruits. J'ai pensé : "Et si j'écrivais quelque chose sur cet arbre ?" Je me suis donc levée, j'ai pris un papier, un crayon et les mots ont suivi...

En réveillant mes branches et feuillages ce matin,
J'aperçus, au loin, ce qui me semblait être un humain,
Perdu dans ses songes, le regard très concentré,
Je le vis me dévisager, d'un air presque étonné.

Je me demandai : à quoi pense-t-il si fort et si longtemps ?
Sont-ce mes poires mûres qui lui causent du tourment ?
Sont-ce mes feuilles verdâtres qui lui gâchent son plaisir ?
Mais déjà, je l'aperçus s'agiter, se lever, prêt à partir.

Il disparut, revint vite, les commissures des lèvres relevées,
Commença à gribouiller, à me regarder, à remplir un papier,
Invente-t-il quelque chose sur mes fruits ou sur moi ?
Pense-t-il que je vale la peine d'être le héros, pour une fois ?

Il sembla satisfait de ce qu'il imaginait, il cessa d'écrire,
Ses yeux me fixèrent, je le vis même me sourire,
J'agitai alors mes branches, comme pour le saluer,
Une poire juteuse tomba et roula jusqu'à mes pieds.

Peut-être que celle-ci lui plaira, quand il viendra la ramasser,
Ce sera mon présent pour le remercier de m'avoir regardé,
De m'avoir permis de vivre un instant dans un écrit,
Que cet humain prit la peine d'imaginer, un jour de pluie.

C'est en écrivant ce poème que je me suis rappelée que je pouvais être, dans mes textes, bien plus qu'un être humain. Décidément, l'écriture me permet réellement d'être quelqu'un ou quelque chose à l'infini.

Sur ce, je vous laisse et vous dis à bientôt. La pluie ne tombe plus, à présent. Il est peut-être temps pour moi d'aller ramasser quelques poires.

Le souffle des motsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant