Chapitre 2

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Quitter le palais d'Arancha ne fut pas difficile, surtout pour deux mercenaires qui avaient été entraînés et qui n'avaient rien perdu de leurs capacités. Sans compter que la surveillance n'était pas élevée. Ils ne croisèrent aucun garde et le portail donnant sur la place rectangulaire où trônait la bâtisse royale n'était même pas fermé.
Se souvenant sans peine du trajet qu'ils avaient fait plus tôt dans la journée, ils s'orientèrent dans la gigantesque cité. Ils n'empruntèrent que de larges avenues, comme à l'allée. Ils avaient l'étrange impression qu'il était impossible d'atteindre le palais par de petites rues ou venelles, comme si aucun secteurs de la ville n'était connecté.
Ils ne s'interrogèrent guère sur l'organisation d'Arancha. Premièrement car ils s'en moquaient, surtout Leïmy. À quoi cela servait-il d'étudier la construction d'une cité dont on était justement en train de s'enfuir ? Deuxièmement car ils arrivèrent face au mur d'enceinte et surtout de la porte.
Il ne s'agissait en réalité que d'une percée dans la muraille s'ouvrant au milieu de volutes peintes en doré.
Leïmy et Negg stoppèrent.
Sur les remparts, plusieurs silhouettes évoluaient. Première preuve de surveillance qu'ils rencontraient, tout comme la première fois.
Les deux mercenaires restèrent immobiles. Ils ignoraient comment réagiraient les gardes en voyant des personnes tenter de sortir de la protection d'Arancha. Les habitants étaient-ils seulement autorisés à le faire ? Peut-être que ceux formant le groupe des Itinérants avaient dû escalader la muraille ou mettre au point d'audacieuses stratégies pour s'échapper mais après tout, personne ne les avait empêchés de pénétrer dans la ville. Il était possible que les gardes ne soient pas chargés de surveiller les allers et venus des habitants de la cité ou, du moins, pas de les intercepter. Sûrement n'observaient-ils que l'horizon pour prévenir les tempêtes de sables.
Arrivant à cette conclusion, les deux mercenaires se remirent en marche. De toute manière, ils ne pouvaient qu'avancer sans se cacher puisqu'il n'y avait aucun éléments pour se dissimuler que ce soit sur l'avenue ou dans le désert mais il y avait toujours l'obscurité pour les rendre invisibles et, au cas où, ils couraient vite.
Ils passèrent la porte sans encombre et les pavés cédèrent la place au sable où leurs semelles s'enfoncèrent de quelques centimètres.
Si la nuit n'avait pas été sombre, les deux mercenaires auraient échangé un regard satisfait. Ils réajustèrent leur sac de provisions sur leurs épaules puis entrelacèrent leurs doigts et gravirent une dune, laissant Arancha dans leurs dos.
Au sommet, ils stoppèrent et levèrent leur visage vers le ciel étoilé. Ils n'en avaient jamais vu d'aussi magnifique, même depuis le toit du repaire de la guilde des mercenaires dans les ruines d'Elkbo. Le ciel avait une teinte bien plus obscure qu'à Welkonn et légèrement bleutée et les étoiles y brillaient avec une force incroyable. Ils en découvrirent quelques unes qu'ils ne connaissaient pas et dont ils ignoraient l'existence avant ce soir.
Ils restèrent figés en une posture identique, subjugués par la beauté de ce firmament puissamment illuminé. La voute étoilée se reflétait dans leurs pupilles. Devant cette immensité brillante, Leïmy se sentit redevenir une jeune adolescente encore un peu rêveuse.
Negg serra ses doigts avec un peu plus de force. Il se pencha vers son oreille en déposant un baiser dans son cou et il lui murmura :

« Ça valait le coup de faire tout ce chemin pour voir ça. »

Leïmy haussa les épaules. Elle ignorait si le décès de la presque totalité de l'équipage qui les avait conduits ici, les coups de soleil et les tortures causées par la faim et la soif méritaient cette seule vision du ciel mais il était vrai qu'il était sublime.
Ils s'arrachèrent à regret à leur contemplation mais pas avant de l'avoir gravée dans leurs deux mémoires.
Ils descendirent la dune et marchèrent quelques mètres avant de s'engager sur une deuxième.
Le vent avait effacé les traces qu'avaient laissées les Itinérants en les accompagnant mais ils étaient certains de la direction qu'ils prenaient, encore plus efficaces que des boussoles. Merci à la formation d'Orzan. Impossible qu'ils se trompent.
Le problème de s'égarer ne les inquiétait donc absolument pas. Celui les tracassant, en revanche, concernait la traversée de la Mer Désertique. Ils n'avaient pas de navire et ils n'était pas question qu'ils construisent un radeaux avec les débris du Welkonn jonchant la plage. L'océan était bien trop grand et peuplé de trop de créatures qui les prendraient pour repas. Ils avaient décidé qu'ils aviseraient une fois sur place. Le temps d'atteindre la mer leur donnerait le temps de réfléchir et de trouver un moyen.
Les deux mercenaires progressèrent durant une heure et demie. Ils n'avaient pas dormi depuis la veille mais, grâce à leur entrainement, ils ne sentaient pas la fatigue et continuaient à mettre un pied devant l'autre.
Le vent qui soufflait sans interruption en soulevant la chevelure de Leïmy et agitait les boucles de Negg gommait les empreintes qu'ils laissaient derrière eux comme une piste à remonter.
Leïmy gardait la tête baissée pour éviter de recevoir du sable dans les yeux mais elle fut obligée de la relever pour écarter quelques mèches de son visage. Ce mouvement lui fit remarquer quelque chose qui lui fit froncer les sourcils.
Elle tira sur la manche de Negg pour attirer son attention et le faire stopper. Le rouquin se tourna vers elle, un air interrogateur sur ses traits.

Chroniques d'une Mercenaire - Tome 5 : Divinité Temporelle [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant