Chapitre 22

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Après des jours de voyage à un rythme effréné, Leïje était enfin en vue du mont Kieff. Brume avait été très utile pour gagner du temps. La petite jument était très brave. Même si Leïje l'avait encore oubliée, elle s'était mise en route sans rechigner. Leïje avait ainsi réduit le temps de voyage de moitié.
Il tira sur la bride de Brume, la faisant ralentir avant d'entrer dans le petit bourg au pied du mont. Les sabots de la jument claquèrent sur les pavés usé du village.
Leïje rabattit la capuche de son manteau sur son visage. Il souhaitait qu'on ne puisse pas l'identifier. Arick était originaire de cet endroit et il y avait encore des contacts. Il y avait donc des personnes susceptibles de l'informer de son passage, ce qui briserait immédiatement sa couverture.
Peut-être que pour plus de discrétion il aurait dû délaisser son manteau mais il n'avait pu s'y résoudre. Sans ce manteau, il se sentait vulnérable et exposé. Bien sûr, il ne protégeait pas son propriétaire des lames mais des regards d'autrui puis, à la longue, c'était un peu devenu comme un morceau de son identité. C'était comme ça : on ne voyait jamais Leïje sans son manteau.
Le voleur fit stopper Brume qui décida donc de s'attaquer aux fleurs d'une jardinière pour s'occuper mais Leïje l'en empêcha en tirant à nouveau sur les rênes. Il examina les différentes rues et passages s'ouvrant à lui pour tenter d'identifier le trajet qui le mènerait au mont Kieff. Ne pouvant le deviner, il dut se résoudre à demander son chemin. Il fit un peu plus tomber sa capuche pour dissimuler davantage ses traits puis il se dirigea vers une personne au hasard et qui s'avéra être une jeune fille de quatorze ans.
D'abord surprise de voir un étranger, qui en plus cachait son visage, l'adolescente lui montra ensuite une venelle très ombragée d'un signe de la main. Leïje la remercia d'un hochement de tête, préférant faire entendre sa voix le moins possible.
Il éperonna Brume qui se mit en marche, abandonnant à regret les petits jardinets qu'elle couvait d'un regard gourmand. En lui flattant l'encolure, Leïje lui promit de lui donner une grosse poignée d'avoines dès la prochaine halte. Il ignora si la jument avait comprit ses paroles mais elle sembla continuer avec plus d'entrain.
L'homme et l'animal s'engouffrèrent dans la ruelle qui se révéla être plus large que ce qu'elle laissait croire de l'extérieur et les flancs de Brume ne frottèrent pas contre les murs.
L'ombre projetée par les toits rafraichit Leïje qui poussa un soupir de soulagement. C'était qu'il suait à grosses gouttes avec son manteau. Le désavantage de s'attacher de la sorte à un tel vêtement.
Les bâtiment s'espacèrent peu à peu, laissant à nouveau des taches de lumière pénétrer dans la venelle, puis les pavés cédèrent la place à un simple sentier de poussière et Leïje sortit du village. Il s'engagea sur une pente douce, pour le moment mais qui devenait un peu plus raide à chaque mètre.
La chaleur passait à travers les feuilles des quelques arbres qui parsemaient le chemin et Leïje étouffait sous sa capuche. Il la gardait pour éviter que les rayons impitoyables du milieu de journée ne lui frappent trop durement le crâne. Déjà qu'il lui arrivait assez souvent d'être idiot si en plus le soleil lui grillait la cervelle, ce serait la fin.
Tout en se moquant intérieurement de lui-même, il comptait soigneusement les kilomètres pour pouvoir situer la caverne.
Au bout de cinq, il décida de faire une pause pour que Brume se repose et également pour soulager ses muscles rendus douloureux par la chevauché. Il s'arrêta sous un bosquet de frênes. Il sauta à terre et attacha Brume à l'un des arbres.
Comme promis, il piocha une large poignée dans le sac d'avoine qu'il avait emporté et la donna à la jument qui dévora les flocons avec ravissement. Lorsqu'elle eut terminé, elle donna de petits coups de museau contre sa main pour en réclamer encore.
Leïje lui donna quelques caresse en refusant :

« Non, non, ça suffit. Tu en as eu assez, ma belle. C'est fou. Les femmes en veulent toujours plus de ma part. »

Leïje ne s'amusa pas de sa plaisanterie bien longtemps puisqu'il était seul et que c'était nettement moins distrayant de se vanter sans public pour réagir. Leïmy l'aurait certainement frappé pour une remarque aussi lourde, Negg aurait levé les yeux au ciel avec un sourire désolé.
Leïje soupira. Ses amis lui manquaient. Il se sentait vraiment très seul soudainement. C'était tristement ironique. Lui qui ne comptait plus ses conquêtes, avait souvent une cape de solitude sur ses épaules.
Chassant ces pensées, il entreprit de brosser les poiles de Brume pour en retirer toute la poussière accumulée durant la mâtinée puis il cura ses sabots et vérifia que les fers étaient encore bien fixés, ce qui était le cas.
Ayant terminé de s'occuper de la jument, il s'assit au pied d'un frêne et apaisa sa gorge sèche de plusieurs gorgées d'eau. Il s'essuya la bouche de sa manche.
Il se reposa encore quelques minutes puis il détacha Brume et se remit en selle. Le chemin se fit encore plus pentu. La poussière séchée par la forte chaleur volait autour de la jument faisant tousser Leïje et lui piquant les yeux. Ce nuage obstruait également son champ de vision. Le reste du chemin n'allait pas être si évident.
L'après-midi passa enveloppée par la poussière et la chaleur.
Profitant de la baisse de température, il progressa une partie de la nuit mais il préféra stopper lorsqu'il manqua de tomber au sol après s'être à moitié endormi en selle.
Comme plus tôt dans la journée, il nettoya puis nourrit Brume après l'avoir attaché. Il fit un petit feu de camp qui prit très rapidement. Le bois très sec avait des avantages.
Le voleur s'installa en face. Il grignota quelques biscuits et but beaucoup. Ne trouvant aucun intérêt à veiller, il s'allongea et ferma les yeux.
Il s'endormit sans tarder, contrairement à Brume qui releva la tête en sentant une présence. La jument voulut hennir pour avertir son maître provisoire mais une main apaisante se posa sur son flanc et elle se calma. Elle baissa à nouveau le museau et souffla par les naseaux.
L'intruse contourna le feu, le bas de sa robe légère ramassant la poussière et les quelques cendres qui s'étaient envolé, puis s'agenouilla à côté de Leïje qui dormait déjà profondément. Elle l'observa un instant, la tête penchée sur le côté, surprise de l'air enfantin que lui conférait le sommeil mais, en sachant ce qu'elle connaissait sur lui, elle ne resta pas étonnée longtemps.
Elle changea de position, remontant les genoux contre sa poitrine et les entoura de ses bras puis elle se prépara à attendre que Leïje se réveille. Elle savait que ça ne tarderait pas. Le cheval avait sentit sa présence et le voleur en ferait de même.
En effet, Leïje commença à bouger et ses paupières se crispèrent. Il se retourna, remua les jambes puis se frotta l'œil gauche en baillant, encore une fois comme un enfant. Il se redressa en étirant ses épaules vers l'arrière puis il ouvrit enfin les yeux.
Il eut un vif mouvement de recul, fort surpris de découvrir une jeune femme penchée sur lui. Il devait bien avouer que ce n'était pas la première fois qu'il se réveillait sans reconnaître le visage de la conquête avec qui il avait passé la nuit mais, là, il se trouvait sur une pente du mont Kieff et il était certain qu'il était le seul être humain à des kilomètres à la ronde lorsqu'il s'était endormi alors que faisait cette femme ici ?
Leïje prit le temps de la détailler avant de se laisser submerger par ses interrogations. Elle ne semblait pas avoir plus de vingt ans. Sa peau était claire mais pas autant que celle de Leïmy. Elle avait un très beau visage aux traits fins et harmonieux : un petit nez rond, des pommettes bien dessinées, de jolies lèvres pleines, un menton légèrement arrondi et les joues rosées. Ses grands yeux étaient d'un incroyable violet. Ses cheveux cascadant jusqu'à sa taille avaient le même éclat que le feu de camp. Quelques mèches tombaient sur son visage. Son corps svelte était habillé d'une robe pourpre légère aux voiles vaporeux.
Son étonnement passé, Leïje lui demanda :

Chroniques d'une Mercenaire - Tome 5 : Divinité Temporelle [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant