La première chose que constata Leïmy fut que l'odeur de renfermé était étouffante et la poussière lui piqua immédiatement les narines.
Elle repoussa quelques mèches de cheveux en pensant qu'elle aurait mieux fait de les attacher. Elle sortit le briquet de sa poche et alluma l'une des chandelles préparées par Rilin puis elle fouilla dans le sac à la recherche d'un bandage qu'elle utilisa pour nouer ses cheveux en queue de cheval haute.
Elle examina son environnement. Il s'agissait d'un simple couloir en pierres taillées où la poussière s'amassait en un véritable tapis et où les toiles d'araignées formaient des rideaux. Étrange corridor d'un palais hanté par une magie incontrôlable.
Leïmy tenta de distinguer ce qui l'attendait plus loin mais elle ne voyait pas à plus de trois mètres devant elle.
La jeune fille poussa un soupir en pensant que Rilin aurait mieux fait de lui confectionner une potion pour voir dans l'obscurité. Cette remarque lui fit se souvenir du philtre. Elle s'en empara, fit sauter le bouchon de cire et porta le goulot à ses lèvres. Le liquide coula dans sa gorge sans aucune difficulté. La préparation n'avait pas que l'apparence de la boue mais aussi le goût, en plus amer. Elle laissa tomber le flacon qui se brisa sur le sol de pierre. La mercenaire ne sentit aucune différence en elle mais elle faisait confiance à Rilin et à sa magie.
Maintenant qu'elle était prête, elle se mit en marche. Ses pas ne résonnèrent pas contre les parois, étouffés par l'épaisse couche de poussière.
L'entrée disparut dans son dos, l'enfonçant dans sa solitude. Pour l'instant, tout se déroulait tranquillement, pas une trace de créatures sanguinaires ou de pièges mortels créés par magie. Peut-être que la magie s'était estompée avec le temps à moins que les Aranniens n'aient exagéré sur les dangers de ces souterrains.
Leïmy verrait bien mais elle n'allait pas se relâcher car tout se passait bien depuis quelques minutes. Elle progressait, la main gauche posée sur le pommeau d'une de ses dagues et la droite serrée autour d'un couteau de lancé.
Soudainement, elle s'immobilisa, les muscles tendus et tous les sens en éveil. Elle avait perçu un son suspect. Un genre de plainte qui était montée des profondeurs du souterrain mais Leïmy n'était pas tout à fait certaine d'avoir entendu ce bruit. Il était possible que ce ne soit qu'un produit de son imagination oppressée par le silence assourdissant régnant ici.
Elle attendit encore un peu pour voir si la plainte s'élevait de nouveau mais comme il en n'en fut rien, elle en conclut qu'elle avait rêvé et reprit sa marche.
Les problèmes commencèrent à se poser lorsqu'elle arriva face à un embranchement.
Elle s'arrêta et étudia les deux voies mais, à part la direction rien ne les différenciait, pas même la quantité de poussière. Refusant d'y passer des heures, elle choisit au hasard le chemin de droite. Avant de s'y engager totalement, elle grava une croix dans la pierre à l'aide d'une de ses lames au cas où elle se perdrait.
À peine rengaina t-elle son arme qu'elle se traita d'idiote. Si elle s'égarait dans ces couloirs obscures, elle n'aurait qu'à remonter la piste que formaient ses empreintes dans la poussière. Elle avait eu un réflexe plus utile dans la forêt d'Yolle que dans les sous-sols d'Arancha. Au moins, elle serait certaine qu'elle était passée par là.
Sans attendre, elle continua de sa démarche silencieuse. Cette épreuve l'agaçait déjà. Avancer dans un environnement confiné, abîmé par le temps, obscure et désert, c'était rapidement lassant, surtout pour sa courte patience mais elle aurait mieux fait de profiter de ce calme car elle ne s'ennuierait guère plus longtemps.
Le cercle de lumière tracé par la flamme de sa chandelle éclaira des dessins sur le mur. Leïmy s'arrêta un instant pour les observer. La peinture était très écaillée et il en manquait des morceaux si bien qu'il était impossible d'identifier ce qu'elle avait un jour représenté tout comme la couleur qui était inidentifiable à cause de la poussière et de son âge.
Leïmy se redressa, quelque peu déçue. Elle espérait découvrir une carte du lieu mais, apparemment, elle devrait se contenter de son instinct.
Elle marcha encore une dizaine de minutes puis elle eut besoin de s'arrêter. Elle s'appuya contre la paroi de gauche, la main sur la poitrine et le souffle court. Elle prit un instant pour reprendre sa respiration, pensant que cet essoufflement n'était dû qu'au fait qu'elle se trouvait dans un lieu étroit alors qu'elle avait l'habitude du grand air et elle avait certainement démarré un peu trop rapidement.
Elle reprit sa progression mais elle fut forcée de stopper encore. La tête lui tournait et elle avait à nouveau la respiration laborieuse. Elle s'agrippa aux pierres de la paroi pour tenter de rester debout et elle continua à avancer.
Elle ne fit que quatre mètres et ses jambes cédèrent sous son poids. Leïmy s'étala dans la poussière. Elle se retourna sur le dos en haletant.
Elle manquait d'air. Ses poumons la brûlaient et réclamaient de l'oxygène. L'air avait peu à peu disparu mais comment était-ce possible ?
Le regard de Leïmy se posa sur la fresque tracée sur le mur et elle vit que sa couleur était bleu pâle. La couleur de la magie de l'eau et de l'air.
Elle tenta de ramper en s'aidant de ses pieds pour se soustraire aux pouvoirs meurtriers mais elle parvint davantage à ramasser de la poussière qu'à se déplacer. Sa poitrine se soulevait et s'abaissait à un rythme frénétique en une quête infructueuse d'oxygène.
Cela lui rappela le jour où le cristal de la magie qui était en train de la tuer avait cherché à la noyer dans l'océan. Si elle avait survécu, c'était uniquement grâce à ses pouvoirs qui s'étaient opposé.
Dans son esprit ralenti par le manque d'oxygénation, elle eut une idée. Réunissant ses dernières forces, elle invoqua sa magie qui, pour une fois, ne s'ingénia pas à lui échapper.
Ses iris grises devinrent dorées et une forte lumière irradia de son corps.
Elle inspira profondément, remplissant ses poumons avides.
La lueur reflua en même temps que sa magie. Leïmy resta allongée sur le dos, essoufflée et fatiguée par l'étouffement auquel elle avait failli succomber. Heureusement qu'elle ne sentait pas la douleur grâce au philtre de Rilin sinon, sa poitrine serait terriblement douloureuse.
Bon, elle avait survécu au premier des pièges, c'était un bon début.
Elle se releva, s'asseyant sur les genoux et tâtonna autour d'elle à la recherche de sa chandelle qui s'était éteinte en tombant avec elle. De la poussière se logea sous ses ongles. Ses doigts se refermèrent sur le petit cylindre de cire. Elle tâta les deux extrémités pour trouver la mèche. Celle-ci était encore chaude et elle laissa une petite brûlure sur la peau de Leïmy qui n'eut absolument pas mal. La potion de Rilin était incroyablement efficace.
Se promettant de remercier sincèrement le magicien, elle ralluma la chandelle et elle remarqua qu'une fissure dans les pierres de la paroi brisait les ligne de la fresque bleue. La mercenaire se sentit étrangement satisfaite de constater que sa magie était la plus puissante.
Elle n'y pouvait rien, elle aimait être la meilleure mais lorsqu'elle parviendrait à se débarrasser de ces encombrants pouvoirs, elle ne les regretterait pas. Pas du tout.
Se sentant à nouveau assurée sur ses jambes et en pleine possession de ses forces, Leïmy se releva.
Vengeresse, elle donna un coup de pied contre le mur, sachant parfaitement que ce coup ne provoquerait aucune douleur. Un morceau de peinture écaillée se détacha et chuta dans la poussière.
La jeune fille reprit sa progression. Elle se demanda si le passage de gauche était piégé ou non et si il l'était, était-ce avec la même magie ?
Elle n'avait aucun moyen de le savoir et n'allait certainement pas revenir sur ses pas pour vérifier. Pas question de perdre du temps aussi inutilement que stupidement. Elle préférerait conserver son énergie un maximum pour la suite de l'épreuve. Le premier piège qu'elle avait affronté avait été dur sans être totalement éprouvant et, même si ces embûches étaient involontaires et le résultat d'une erreur humaine, Leïmy se doutait que la difficulté à survivre irait croissant. Elle verrait si elle avait raison ou non.
Machinalement et sans y penser, elle glissa les doigts dans sa poche et prit la mèche de Negg. Un sourire moqueur étira ses lèvres alors qu'elle se faisait à elle-même la réflexion qu'emporter une mèche des cheveux de son bien-aimé était un comportement mièvre digne d'une adolescente candide dans un stupide roman à l'eau de rose pour personne ne réfléchissant pas beaucoup mais elle s'en moquait. Avoir des accès de romance ne la dérangeait nullement, tant que ça demeurait secret.
Un quart d'heure plus tard, elle arriva à un deuxième carrefour. Cette fois, elle avait trois chemins possibles.
Leïmy s'avança prudemment vers celui de gauche et se pencha pour tenter d'apercevoir une fresque défraichie pouvant lui indiquer un piège en tendant sa chandelle devant elle à bout de bras mais elle ne distingua rien de plus que les nombreuses toiles d'araignées. Elle observa les deux autres passages de la même façon mais sans toujours voir quelque chose lui indiquant la meilleure direction à suivre.
N'ayant pas envie d'hésiter comme à l'embranchement précédent, elle s'engagea sur la voie du milieu en espérant ne pas avoir à s'en mordre les doigts.
Tout en avançant, elle faisait distraitement tourner son anneau autour de son annulaire.
Avec attention, elle observait les murs à la recherche d'une trace de peinture lui permettant de déterminer quelle magie elle risquait d'avoir à combattre mais rien. Elle devait donc être prête à toutes éventualités en ignorant à quoi s'attendre.
Ses pas et surtout le couloir du souterrain, la conduisirent à une grande salle rectangulaire faisait une bonne douzaine de mètres de longueur. Elle était entièrement vide.
Leïmy resta à l'entrée et étudia les parois mais, encore une fois, elle ne décela pas la moindre peinture. Elle ignorait si c'était un bon ou un mauvais signe. En revanche, elle remarqua que les rainures entre les pierres formant les murs, le sol et le plafond étaient plus larges et plus profondes que dans le couloir.
Leïmy eut une moue peu convaincue. Cela sentait le traquenard mais elle n'allait pas faire demi-tour pour revenir à l'embranchement pour changer de direction. Premièrement car elle n'avait pas envie de perdre du temps comme cela et deuxièmement car elle doutait fortement qu'il n'y ait pas de danger par les autres chemins et troisièmement car il était hors de question qu'elle recule face aux risques. Ne manquerait plus que ça !
Prudente et prête à environ toutes les possibilités imaginables, elle posa le pied dans la salle. Elle s'immobilisa un instant mais rien ne se produisit alors elle ramena son autre jambe contre l'autre. Toujours rien mais la mercenaire savait très bien que le calme n'était pas synonyme de sécurité. Elle fit encore un pas puis un suivant, enjambant l'une des rainures.
Alors que ses pieds étaient chacun d'un côté, quelque chose surgit du maigre espace. Leïmy le vit heureusement à temps pour, d'un bond, placer l'ensemble de son corps sur la dalle avant. Elle se retourna pour voir un mur de fer au sommet affuté comme une lame s'enfoncer dans le plafond.
Leïmy écarquilla les yeux, ne le croyant qu'à moitié. C'était un piège terrible qu'elle contemplait. Quelques secondes de plus, des réflexes moins aiguisés, et elle aurait été coupée en deux.
La mercenaire marmonna :
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Chroniques d'une Mercenaire - Tome 5 : Divinité Temporelle [Terminé]
FantastikA Arancha, les pouvoirs de Leïmy lui confèrent un nouveau statu mais, surtout, de nouvelles responsabilités que la jeune fille ne souhaite pas prendre cependant, tout cela va devenir secondaire lorsque sa magie va l'envoyer une époque qui lui échapp...