Chapitre 6

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Negg termina rapidement son petit déjeuner, n'appréciant pas ce luxe avec lequel il se sentait en décalage et également car il ne se sentait pas loin de briser son assiette sur le crâne de Sire Délèk et il n'était pas sûr que ce soit très bien vu.
Le rouquin se leva, salua les autres d'un bref et sec hochement de tête puis il quitta la salle à manger.
Negg soupira. Il se sentait mal, non pas à cause de sa nuit blanche ou de ce qu'il avait mangé, ce n'était pas un mal physique mais intérieur. Il était rongé par une inquiétude sourde qu'il ne parvenait pas à combattre ou à chasser malgré ses efforts.
Il craignait de perdre Leïmy ou qu'elle se perde elle-même dans cette histoire. Que ferait-il si elle partait et qu'elle acceptait de remplacer le dieu manquant ? Et si elle changeait à cause de cette situation ?
Certes, elle avait évolué depuis leurs retrouvailles qui dataient d'un an mais ça avait été en mieux or, Negg doutait qu'il se produise la même chose aujourd'hui. D'ailleurs, il avait déjà l'impression que Leïmy était plus distante et lointaine, comme si ils ne partageaient plus le même univers. Cette sensation angoissante était-elle le prémisse de ce qui allait se produire ?
Negg était hanté par cette idée mais peut-être que cette crainte était égoïste. Si il s'inquiétait, c'était principalement car il avait peur de devoir laisser Leïmy partir. Il ne se demandait pas ce qu'elle désirait. Et si devenir une déesse lui permettait de dompter son immense puissance et de mettre ainsi un terme aux crises de convulsions ainsi qu'au risque qui planait sur sa vie ? Après cette réflexion, il semblait évident que le mieux pour Leïmy était qu'elle accepte cette tâche.
Negg esquissa un sourire amer teinté de tristesse. Si il existait, le destin avait un sens de l'humour cruel. Lui avait abandonné Leïmy par choix et elle, elle serait forcée de le faire pour sa survie. Quelle ironie !
Negg se passa une main dans les cheveux en poussant un soupir douloureux. Maintenant qu'il avait réfléchi à la situation actuelle, il lui semblait impossible que Leïmy refuse et ne passe pas les épreuves prévues. La décision de la jeune fille était certainement déjà prise. Cela valait-il donc la peine de se battre ?
Un nouveau sourire malheureux étira les lèvres du rouquin. Voilà qu'il commençait à penser comme Leïmy. Non, il ne combattrait pas le choix de Leïmy ni il ne tenterait de la persuader d'en changer. Il accepterait, la tête basse, cachant sa détresse et il dirait adieu à son amante.
Ce fut donc déjà résigné et prêt à s'accommoder du départ de Leïmy qu'il poussa la porte des appartements de la jeune fille.
La pièce était vide. Le vent entrant par la fenêtre agitait les rideaux telles des vagues. Negg alla vérifier dans le cabinet de toilette même si il ne s'attendait pas y trouver Leïmy.
Où la jeune fille était-elle passée ? Il pouvait déjà exclure la possibilité que la jeune fille ait rejoint les dieux. Elle ne l'aurait jamais fait sans lui dire au revoir en l'embrassant une dernière fois. Il ne croyait pas non plus qu'elle ait à nouveau essayé de s'enfuir. Premièrement car elle ne pouvait plus s'éloigner de la cité et deuxièmement car elle l'aurait averti ici aussi alors où se trouvait-elle ?
Negg réfléchit un instant. Personne ne connaissait Leïmy aussi bien que lui et il savait que, avec la tempête de sentiments qu'elle abritait, elle devait avoir un besoin d'isolement pour réfléchir et prendre une décision. Ils auraient été à Welkonn, elle se serait réfugié dans la forêt d'Yolle. L'étrange regard de Negg se posa sur les plantes du jardin.
Sans plus attendre ou s'interroger, il quitta la chambre. Grâce à son excellente mémoire visuelle, il retrouva le chemin du hall sans trop de difficulté. Au centre, trônaient les statues des neuf dieux qui semblaient le narguer. Negg leur adressa un regard haineux avant de sortir. Il descendit les marches de marbre blanc menant à la haute porte en bois massif puis s'enfonça dans les jardins.
Ceux-ci étaient bien loin d'être aussi sauvages que la forêt welkonnienne. Au contraire, ils étaient soigneusement entretenus. Certains arbres étaient taillés, des sculptures ou des fontaines se profilaient entre deux buissons fleuris, des sentiers serpentaient entre la végétation et toutes les branches et feuilles mortes avaient été ramassées. On était bien, bien loin des racines se chevauchant et des troncs d'arbres se décomposant parmi les épines de pins mais c'était actuellement ce qui s'en rapprochait le plus dans les parages donc, Leïmy devait y être.
Negg chercha durant une bonne heure, examinant plutôt les hauteurs que les bancs vernis placés ça et là, puis il repéra une tache de nuit perchée dans un arbre dont il ignorait l'espèce.
Il saisit la branche la plus basse et se hissa jusqu'à Leïmy qui garda le regard dans le vague ou peut-être dans ses réflexions.
Elle demanda :

Chroniques d'une Mercenaire - Tome 5 : Divinité Temporelle [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant