Chapitre 20

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Leïmy eut l'impression de chuter en avant alors que tout ses organes restaient en arrière. Elle avait l'impression que ses membres se distendaient, que ses os se tordaient, se brisaient avant de se remettre en place avec une indescriptible souffrance et toujours cette sensation de chute qui commençait à lui donner la nausée mais, si elle tombait, pourquoi ne terminait-elle pas par percuter quelque chose comme le lit ou Negg qui aurait dû la rattraper ? Que se passait-il ?
Ne voyant rien, elle ne pouvait deviner ou comprendre ce qu'il lui arrivait. Elle n'était pas plongée dans l'obscurité mais dans une intense lumière dorée qui l'empêchait de distinguer ne serait-ce que les formes environnantes car elle devait forcément être entourée de choses.
Soudainement, elle s'aperçut que le temps paraissait suspendu. Elle pouvait donc se trouver dans cet état depuis des heures au bien des secondes, impossible de savoir.
Elle tenta de bouger mais la douleur l'en empêcha.
Si elle ne pouvait pas se mouver, pas voir, pas parler, pas évaluer le temps, allait-elle rester éternellement coincée dans cet espace ? Ou bien était-elle morte mais comment ?
Elle se trouvait dans l'infirmerie du palais d'Arancha en train de mener une discutions animée avec Sire Délèk aux côtés de Dévlin et Negg. Qu'est-ce qui avait bien pu la tuer si soudainement ? Ce n'était pas logique.
Ses doutes prirent fin lorsqu'elle finit effectivement par tomber. Elle chuta durement sur quelque chose de rigide mais l'impact fut amorti par quelque chose de plus mou. Un quelque chose de plus mou qui poussa un cri de douleur et de surprise mêlées.
Leïmy eut besoin de quelques secondes pour retrouver ses esprits ainsi que ses sens.
La nuit était tombée et elle se trouvait dans une rue encadrée de hauts bâtiments formant comme des blocs percés de fenêtres. La rue n'était pas pavées mais recouverte par une étrange roche noire qui semblait ne pas avoir de fin.
Elle se tenait sur un espace surélevé également recouvert de cette matière sombre. L'endroit était éclairé par de hautes lampes placées les unes des autres à intervalles réguliers et qui paraissaient émettre de la lumière sans chandelle ou combustion d'huile.
Un grognement ramena l'attention de la jeune fille sur sa position. Elle était allongée de tout son long sur une personne. Elle avait donc bien chuté sur quelqu'un.
La personne l'écarta et se releva en grommelant à l'encontre de Leïmy d'une voix claire et masculine :

« C'est pas vrai ! Tu pourrais quand même regarder où tu mets les pieds ! T'es saoul ou quoi ? Si tu es trop bourrée pour marcher, appelle un taxi, merde !

Le jeune homme épousseta son pantalon en toile bleue très épaisse et il vérifia que ses lunettes à monture noire ne s'étaient pas cassées en tombant puis il releva le regard vers celle qui l'avait confondu avec un confortable matelas.
Là, il marqua un temps d'arrêt, fortement surpris par la jeune fille lui faisant face. Elle ne ressemblait absolument pas à une buveuse tardive comme il l'avait d'abord cru. Elle portait un pantalon en véritable cuir dont il manquait un morceaux et qui était tâché de ce qui semblait être du sang séché. Ses bottes paraissaient elles aussi être de fabrication médiévale. Pour le reste, sa poitrine n'était couverte que par un bandage grossier qui se prolongeait sur son bras droit, le dissimulant, tout comme le gauche camouflé sous une longue mitaine de cuir mais le plus inquiétant était bien l'épaisse ceinture garnie de fourreaux dont certains étaient vides.
Le jeune homme n'eut pas le temps de formuler ses interrogations, que ce soit dans son esprit ou à voix haute. Un symbole se traça rapidement, traits après traits, à l'endroit exacte où avait atterri Leïmy.
Cette dernière fronça les sourcils, ne reconnaissant pas la magie. De son côté, le jeune homme recula d'un pas et sa plaqua une main sur la bouche, effrayé.
Les yeux écarquillés fixés sur Leïmy, il balbutia :

- Tu...tu as fait de...de la magie.

Leïmy arqua un sourcil. En effet, la magie était certainement l'explication à cet étrange baignade dans la lueur dorée mais pourquoi cela suscitait-il une telle réaction de peur chez son interlocuteur ?
La jeune fille haussa les épaules. Après tout, si cet idiot s'évanouissait de terreur dès qu'il croisait un magicien, ce n'était pas son problème à elle.
Il y eut soudainement un bruit strident insupportable. Le jeune homme jura. Sans réfléchir, il saisit le poignet de Leïmy et il s'élança, la tirant à sa suite. Leïmy ne protesta pas, devant bien avouer ignorer totalement ce qu'il se passait dans cet endroit.
Elle se laissa donc entraîner sans rien dire. Elle accéléra même la cadence et constata, surprise, que son compagnon de fuite ne peina pas à calquer son rythme sur le sien, ne se laissant pas distancer. Il tourna dans une ruelle contre le mur de laquelle les deux fuyards se collèrent.
Ils entendirent les bruits que Leïmy ne sut identifier.
Le jeune homme soupira de soulagement en se pliant en deux pour prendre appui sur ses genoux, le souffle court.
Leïmy dégaina une dague en plaquant violemment le jeune homme contre les briques, faisant revenir la crainte dans ses yeux. La mercenaire apposa sa lame aiguisée contre sa jugulaire et elle siffla :

Chroniques d'une Mercenaire - Tome 5 : Divinité Temporelle [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant