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(Alex)

La réservation est faite. Hier nous sommes restés au téléphone presque trois heures. Valéry avait du mal à contenir ses bâillements. Je réalise le boulot qu’il doit assumer afin de  pouvoir s’ octroyer ce week-end. Il est évident que renouveler cette expérience ne sera pas facile. Et voilà que je commence à vouloir aller plus vite que le tambour. Mon énergie a besoin d’être canalisée, il ne s’ agit pas d'un boulot à rendre.

Je ne suis plus l’ado qui débarquait chez Jérôme plein de questions qui me semblaient impossible à poser à ma mère. Ressentir de telles émotions dès que je suis avec Valéry ne me dérange pas parce que celui-ci est un homme. Enfin je ne le crois pas.

Mais que fait-il ?

D’après mes calculs, il aurait dû arriver il y a presque une demi- heure. Mon portable n’indique aucun message. Calme-toi, Alex. Au même instant, je repère sa camionnette qui entre sur le parking et je me dirige vers lui.

— Désolé pour le retard.  Félix est venu me rendre visite et évidemment cela m'était compliqué de le virer comme un malpropre.

— Valéry, ce n’est pas grave. Tu n'avais pas encore fait connaissance avec ma facette anxieuse, c'est chose faite.

Son visage est fatigué mais souriant.

—J’ai récupéré le pass en arrivant, ajouté-je. Je me suis dit…

—Tu avais peur que l’on nous catalogue d’entrée de jeu, se marre-t-il.

— J’ai légèrement bafouillé comme un idiot. Mais puisque tu es si malin, tu t’en chargeras la prochaine fois, répliqué-je en lui tapant sur l’épaule. Je ne me suis jamais retrouvé à réserver des chambres d’hôtel. 

— Délicate façon de ne pas poser la question. Il m’est arrivé d’aller à l’hôtel mais jamais de réserver. Et il est fort à parier que j’aurais fait  exactement la même gaffe. J’ai une question qui prouve ma méconnaissance de ce genre de lieu. Faut-il traverser un hall ou un truc du genre ?

— Non. Avec le pass, on accède directement aux appartements. Pourquoi ?

— Parce qu'histoire de compléter la parfaite image du campagnard, j'ai apporté de quoi manger. Ne te marre pas, dit-il en fronçant les sourcils. Je ne fais pas que cultiver et ramasser les légumes. Je sais aussi les cuisiner et d'après ce qu'en dit Francesca, je me débrouille plutôt bien.

En conclusion, tel un gamin insolent, il me tire la langue et récupère une sorte de glacière à l'arrière de sa camionnette. J'avais peur d'être grotesque avec mon panier rempli de différentes petites choses à grignoter, le fait qu'il ait eu la même réaction me semble être de bon augure .

Valéry a posé ses affaires au milieu de la pièce et fait tranquillement le tour des lieux.

— Il t'arrive souvent de t' installer dans ce genre d’endroit, me demande-t-il ?

— Souvent, non. Mais je préfère nettement cela qu'une chambre d'hôtel. Pas d'obligation de descendre manger à des heures conventionnelles, l’espace plus grand et relativement plus calme. Je ne balade pas mon garde- manger mais je fais des courses sur place. Je ne me sens pas trop à l’aise dans les restaurants d’hôtels.

— Et tu y es seul ?

— Mes déplacements sont, en grande majorité, professionnels. J'y rencontre mes clients ou des futurs clients. Ils n’ont pas leur place dans mon espace privé.

— Veux-tu me faire croire qu’il ne t’est jamais arrivé de ... joindre l’utile à l’agréable ?

— Tu te souviens de notre discussion sur le travail. Plus rien ne compte en dehors de lui, etc. C’est une des facettes excessives. Tu vas finir par me trouver très chiant.

—Bien au contraire. Je trouve cela très rassurant de ne pas avoir à s’ inquiéter, à pouvoir faire confiance. Et lorsque tu n’es pas en mode boulot ?

— Ce sont des périodes rares que j'occupe en vadrouillant dans des boîtes ou les parkings à la recherche  d’une éventuelle proie.

Son éclat de rire me plait. Il vide sa glacière consciencieusement.

—As-tu prévu de rester une semaine, me moqué-je en voyant défiler les articles ?

— Je n’ai aucune idée sur ce que mangent les psychopathes dans ton genre ! Alors j’ai opté pour des possibilités diverses.  

—Je vois ça. J’ai réalisé tout à l’heure à quel point venir ici doit perturber ton organisation.

En l’espace de quelques secondes, il s’est redressé et se retrouve tout contre moi.

— Alex. Si cela me dérangeait, je te l’aurais signalé. Même si j'apprécie chaque soir de  discuter de tout et de rien, rire et refaire le monde au téléphone, être là est largement plus chouette.

Sa bouche est très proche de moi, et son souffle me chatouille la joue.

— Si tu savais comme j’ai envie de poser mes lèvres juste à cet endroit, chuchote-t-il. Là où ta veine bat si fort. Seul toi peut décider, Alex.

Comment résister et surtout pour quelle raison  ? Ici, personne ne peut nous surprendre. Je plonge mon regard dans ses yeux, et fais en sorte de lui faciliter l’accès. Ses lèvres se posent délicatement dans mon cou et le parsème de bises d'une extrême légèreté. Son bras entoure ma taille et me rapproche de lui.

— Pas question que tu prennes la poudre d’escampette. Je n’avais rien prémédité, je te promets, rajoute-t-il.

—Ne mens pas. Je pense que pour l’un comme pour l’autre, cela semblait inévitable.

—Je ne mens pas pour autant. Ma décision était de laisser les événements décider  pour nous. Que ce soit si rapide prouve que nous sommes prêts.

Je reste silencieux mais afin de lui prouver à quel point je suis d’accord, à mon tour,  je dépose par petites touches de légers baisers sur son visage. Ses gémissements semblent montrer qu'il apprécie mon initiative.

Sortir de l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant