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(Jérôme)

J’essaye de rester calme mais cela ne fait pas partie de ma personnalité. Deux grands bras m’enlacent et je me retrouve collé contre un torse musclé. Aucune raison de paniquer, je connais très bien son propriétaire.

— Je vais finir par t’attacher à une chaise. Ils ont presque deux heures de route. Faire les cents pas devant la fenêtre ne les fera pas arriver plus vite. 

— J’suis pénible, tu le sais bien. Pourquoi ce subit revirement ?

—Tu râlais parce qu’ Alex ne se décidait pas et quand c’est trop rapide, cela t’angoisse. Ton neveu a dû proposer un projet si top que son client n’a pas pu résister. Il a beaucoup de talent. 

— Si Valéry nous avait laissé les clefs, nous aurions pu passer un léger coup de balai.

— Je le bénis de ne pas l’avoir fait. Ils sont tous les deux adultes et gèrent appartements et boulots de front. Si par hasard, ils ont besoin d'un peu d’aide, ils seront capables de demander. Si tu t’incrustes chez lui, Alex va te fuir. 

— Tu me surveilleras. Ces deux jeunes hommes comptent tant pour nous deux. Il n’est pas question que mon côté mère poule puisse mettre leur couple en péril ! 

— Compte sur moi. Sais- tu si Valéry en a parlé avec Francesca ? 

— Aucune idée. Ta soeur est parfois si secrète. Valéry est très proche d’elle, la seule femme en qui il a entièrement confiance. 

—Tu connais une autre femme dans notre entourage, toi ? 

(Valery ) 

Un petit coup d’oeil dans le rétroviseur me permet de voir si Alex suit. Son utilitaire est certes plus moderne que ma vieille camionnette mais, contrairement à lui, je connais très bien les environs. Mon intention est de prendre dès que possible un petit raccourci. Sa posture figée montre à quel point il est fatigué. Je le soupçonne d’avoir très peu dormi cette semaine afin de boucler son projet. Il serait hypocrite de ma part de le lui reprocher. Savoir que dès ce soir, il sera dans le village, dans mon appartement, me rend si heureux. J’ai entendu le hurlement de joie de Jérôme quand il lui a annoncé notre arrivée. Le détail a de l’importance, il a bien précisé, nous arrivons d'ici deux heures. Son oncle a commencé à poser une multitude de questions mais Vincent y a mis fin en nous souhaitant bonne route. Merci Vincent. Après les aveux d’Alex concernant sa mère, celui-ci est resté lové contre moi. Même s'il a rompu définitivement avec elle, il me semble évident qu'il n'aura aucune difficulté pour se créer une famille ici. Vincent sous des airs brusques est une véritable guimauve. Francesca et son franc- parler qui va droit au but lui montrera une facette féminine qu'il n’a sûrement pas dû croiser souvent. Le savoir si près de moi sera difficile mais il n’est pas question que je le brusque. 

—Tu peux te stationner ici. Ce sera plus rapide pour vider, lui dis-je après avoir baissé ma vitre. Je me gare et je te rejoins.

Je le trouve appuyé à l’utilitaire lorsque je reviens. Je déverrouille la porte et le laisse entrer. 

— Cela n’a pas dû beaucoup changer. Jérôme y est très peu resté et je ne l’ai pas loué après.

— C’est ici que je lui ai dit ce que j’avais découvert. Pas forcément le plus chouette des souvenirs. 

— Nous allons faire en sorte d’en créer de beaux ! Voilà ce que je te propose, on vide ta voiture dans un premier temps...

— Et dans un deuxième temps, on passe à l’épicerie. Si je ne veux pas voir débouler Jérôme avec des tonnes de victuailles, j’ai intérêt à lui montrer que j’ai de quoi manger.

— C’était mon deuxième temps aussi. J’ai une petite remarque à faire. Ne t’avise pas de leur acheter des légumes. Cela m’obligerait à sévir.

— Ce n’est pas mon intention. Je connais un petit producteur de fruits et légumes. Très sympa et plutôt beau gosse, en plus.

La suite de ses mots finit en éclats de rire puisque je le pousse sur le canapé pour le chatouiller. J’ai découvert ce petit point faible et je ne rate pas une occasion de l’utiliser. Les chatouilles évoluent assez vite en caresses et bises enflammées.

— J’aimerais que notre  première fois ici ne soit pas perturbée par l’arrivée de Jérôme, dis-je en le serrant contre moi.

— Je le connais, j’ai donc légèrement menti sur notre heure d’arrivée, dit-il en se levant du canapé. Afin d' éviter de faire une gaffe, si quelqu'un du bourg me pose des questions, je dis quoi pour expliquer ma présence dans ton appartement.

— Certains doivent te connaître comme étant le neveu de Jérôme. Mais, si tu es d’accord, j’aimerais bien te présenter en tant que petit ami. 

Le fait qu'il me saute dans les bras en me couvrant de bises, les yeux humides de larmes semblent être de bon augure. 

— Il est temps de sortir de l’ombre. Ceux qui ne seront pas satisfaits, tant pis.

—Je pouvais attendre un peu mais cela m’aurait été difficile. Comme tu as pu le remarquer, je suis assez démonstratif ! 

Il ne faut guère plus d'une demi-heure pour vider l’utilitaire. La nuit précédente a été courte, nous avons l’un comme l’autre une envie d'un café. Il est urgent de faire quelques emplettes indispensables. Sans être au centre du village, l’appartement est très proche de l’épicerie et du café. Lorsque nous passons la porte, impossible de ne pas ressentir la nette curiosité d'Anne. Nous la saluons et Alex commence à remplir son panier.

— Prends juste l’indispensable, je trouverai bien un instant pour t’accompagner en ville, chuchoté-je. 

— Sais-tu que c’est la toute première fois que je fais les courses avec un petit ami ? En fait, c’est une première intégrale, je n’ai jamais fait les courses avec qui que ce soit.

 

Sortir de l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant