Sortir de l'ombre

~40~Epilogue

( Alex ) 

Je finis d’apposer ma signature sur les différents papiers que me tend le notaire. Il ne me servait à rien de garder mon appartement à Bordeaux. Depuis presque deux ans que j'étais parti, nous avions dû y venir deux fois, Vincent et Jérôme à peu près autant. Avec l’aide d'une agence, je l’avais mis un temps en location puis pris la décision de le vendre. 

L’embauche de Joachim sur l’exploitation donne un peu plus de temps à Valéry. L’adaptation a été relativement rapide, le jeune homme est très volontaire, à l’écoute. Le problème du retard récurrent des deux premières semaines a été vite résolu. Joachim et son frère Matt, commis de cuisine au gîte de Francesca, venaient en vélo tous les matins. La distance n’était pas excessive mais les crevaisons, régulières, dérangeaient aussi bien sur l’exploitation qu’au gîte. Leur louer l’appartement de Valéry avait été une libération pour tout le monde.

Les deux frères, plus jeunes que nous, sont curieux de tout et bien entendu, très vite, ils n’hésitent pas à débarquer au foyer pour le plus grand plaisir de Jérôme. 

L’ambiance y est toujours chaleureuse. Tout naturellement, nos mains souvent nouées, les  expressions sur nos visages dévoilent la vérité. 

—Cela n’a pas l’air de gêner grand monde, me chuchote Valery en montrant nos doigts emmêlés.

— C’est exactement ce que je pensais. Le coming out n’a même pas été nécessaire. Des clients t’en ont parlé ?

— Pas un mot, mais certains n’ont sûrement pas l’information que tu vis à la maison ou ils s’en moquent. Les temps changent.

—Le lieu est plutôt gay-friendly, cela aide bien, précise Vincent assis en face. Sans vouloir faire mon rabat joie, restez malgré tout vigilant. 

Retrouver une clientèle en étant excentré de la ville m’a pris un peu plus de temps que je ne l’avais estimé. Valéry a découvert une facette de moi qu'il ne connaissait pas. Malgré certains coups de gueule non mérités, il ne m’a pas lâché. Me conseillant vers des démarches que je jugeais dévalorisantes. Vincent, fidèle à lui même, est intervenu me sommant à haute voix et les yeux noirs de colère de stopper mes conneries avant qu'il soit obligé de me mettre une fessée. Le regard de Jérôme ainsi que celui de Valéry m’ont convaincu que c’était tout sauf du bluff. 

Il y a quelques mois, j’ai clôturé ma première commande dans le local. Celui-ci est dorénavant comme l’exploitation à nos deux noms. Jérôme malgré ses gémissements n’a pas encore eu gain de cause. Nous ne sommes que pacsés mais je sens que Valéry est sur le point de flancher.

Petit à petit, ma clientèle grandit. Sans être la plus grosse de la région , l’exploitation nous permet de vivre de façon tout à fait correcte.