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(Vincent)

— Ne fais pas cette grimace, ils n'ont quasiment pas été seuls. Que Valéry le dépose à la gare me semblait logique. Tu as bien compris tout comme moi qu’Alex va revenir. Et pas que pour un week-end. Valéry s’ en veut de ne pas avoir résisté plus. L’envie de me parler de ses ressentis amoureux, une première pour lui, devenait ingérable.  

— Alex ne semble pas lui en tenir rigueur. Savais-tu qu'ils s’étaient vus ? 

— Bien sûr que non. Sans qu'il ne le précise vraiment, j’avais deviné que Valéry avait rencontré quelqu'un ou cherchait à le faire. Mais associer l’image de ton neveu dans cette équation ne m’est jamais venu à l’esprit. Tu savais qu'il était bi ? 

— Non. Je ne sais même pas si c’est le cas. Il est très discret concernant ses relations. En fait, je ne sais même pas s'il a réellement déjà fréquenté quelqu'un avant Valéry. Tu as des explications concernant le fait que ces deux idiots nous aient caché qu'ils étaient ensemble ? Alex m’a semblé tout faire pour changer de sujet.

— Cela ne va pas te plaire. Si je t'en parle, je pose une condition. Es-tu prêt à l’accepter ?  

— Quoi ? Qui exige quoi que ce soit ? 

— Moi. Seulement moi, parce que nous devrons en discuter à quatre et que le téléphone n’est pas du tout l’outil adapté pour cela. 

Si j’avais eu mon smartphone sur moi, j’aurais voulu garder pour l’éternité la moue boudeuse de mon mari. 

— J’accepte mais...

— Aucun mais, mon coeur. Tu peux tout aussi bien, si tu le veux, attendre que ton neveu t’en parle. Interdiction formelle d’intimider Valéry pour obtenir gain de cause. Cela impliquerait immédiatement un refus de câlins pour une durée indéterminée !!! 

(Valéry )

Le repas n’a pas été très bruyant. Malgré les mots rassurants de Vincent, je n’arrivais pas à décrypter ce que pensait Alex. L’heure du départ arrivait et lorsque j’ai signalé que j'accompagnais Alex à la gare,  personne ne s'y est opposé. 

Dix minutes que nous roulons, pas un mot n’a été prononcé et je bous d’impatience. 

— Prends le premier chemin et arrête la voiture, ordonne Alex. 

Aucune colère dans la voix. Plutôt une sorte d'impatience qu'il n'arrive plus à maîtriser. A peine suis-je stationné que ses lèvres se collent aux miennes dans un baiser… possessif.

— Pardonne-moi mais je n’ai pas osé le faire tout à l’heure. Ton silence m’angoissait.

— Je n’ai rien à pardonner. Je redoutais que toi, tu m’en veuilles ! Je n’ai même pas eu le courage de te l’annoncer avant. 

—J’aurais sûrement, tel que je me connais, trouver une bonne raison pour repousser ces aveux. Tu as eu raison. Aucun des deux ne semblait méchamment fâché. Je n’ai pas offert l’opportunité à Jérôme d’aller plus loin dans ses questionnements. Je m’attends à une sévère remontrance quand il connaîtra ma raison principale de lui cacher notre relation.

— Ce sera peut-être plus rapide que tu ne le crois. Vincent ne m’a pas laissé de répit. Il connaît la raison et ne m’a pas semblé choqué. Le connaissant, il n’est pas certain qu'il le dise à Jérôme pour t’offrir l’opportunité de le faire en face à face.  

— S’il désire en parler au téléphone, je refuserai. As-tu changé d’avis aussi pour le week-end ?

— Nan. J’ai besoin de passer du temps avec toi puisque je suppose qu'il va te falloir  encore pas mal de jours avant de venir t’installer au village.

— Je ne sais pas du tout quand ça sera possible, c’est vrai. Parfois le client est enthousiaste dès la première proposition. Parfois c’est très long. Quoiqu'il en soit, je vais, dès notre prochaine visioconférence, mentionner un délai. Ainsi, il va,  je pense, être un peu moins pénible. Je suis tout aussi pressé que toi de venir m'installer ici. 

Quelques jours plus tard, en route vers l’appart-hôtel, je suis impatient de le retrouver. Nous avons très peu discuté au téléphone depuis le week-end dernier. Même si c’est difficile, la priorité est qu’Alex se libère de ce projet. Je ne sais pas dans quel état de fatigue je vais le trouver. Lorsqu'il m’a précisé qu'il venait d’arriver, je prenais seulement le départ. Vincent a tenu promesse, et sa présence m’a permis de boucler mes commandes. 

En arrivant enfin sur le parking, je ne trouve aucune trace de sa voiture. Est- il parti faire quelques courses en attendant mon arrivée ? Je sors mon portable pour lui mettre un message lorsque quelqu'un frappe à la vitre.

— Coucou toi. 

— J’allais t’ envoyer un message, je n’ai pas vu ta voiture, dis-je en balayant du regard le parking. 

— Elle y est pourtant, précise-t-il tout sourire en m’aidant à sortir.  J’ai opté pour une location cette fois-ci. 

— Oh zut ! Pourquoi ne m’as-tu rien dit ? Je pouvais prendre le train et te rejoindre à Bordeaux.

Son sourire ne s’ éteint pas. Son bras m’entoure la taille, et il dirige mon corps vers le bon angle sans me lâcher.

— Tu vois ce petit utilitaire, là ? chuchote -t-il. Ma voiture était bien trop petite…

— Trop petite ? 

— Je vais devoir être plus explicite apparemment, s'amuse t-il. Ma première proposition a provoqué  un énorme coup de cœur. Emballer ce qui me sera nécessaire ne m’a pas pris longtemps. Mais mon coffre et la banquette ne suffisaient pas.

— Attends, attends. Je comprends bien, tu reviens avec moi ?

— Si tu n’as pas changé d’avis, c’est exactement ce qui va se passer, conclut-il en me posant un petit bisou sur le nez. Il me sera sûrement nécessaire de monter pour une journée pour des ajustements mais ce n’est même pas certain. 

—Tu te rappelles que  mon appartement est meublé ? 

—Oui. Je ne me serais pas permis de changer les meubles sans t'en parler au préalable. Il s'agit de mes outils de travail, et de mes affaires personnelles. Le seul meuble est ma table de dessin. J'ai testé la tablette graphique sans succès. Elle me sert uniquement en déplacement. 

—Tu veux bien me rendre un service ? 

—Bien entendu. Dis-moi. 

—Pince-moi !

—Je ne suis pas trop adepte des sévices au sein du couple. Mais si c'est uniquement pour t' assurer que c'est la réalité, j'ai d'autres idées ! 







Sortir de l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant