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(Alex )

Jérôme et Vincent viennent de partir.Valéry qui s'était posé sur le petit divan, a sombré. Ma décision plus que rapide ne nous a pas laissé le temps de discuter organisation. Pas question que mon arrivée ici mette son affaire en péril. Si le matin, il livre ses différents clients, cela implique que les après-midi seront consacrées au ramassage et aux travaux dans les champs. Mon installation ici ne me prendra pas beaucoup de temps. Demain, je verrai avec Jérôme ou Vincent si l’un des deux peut me suivre au dépositaire rent-a-car dont j’ai l’adresse. S’ils sont trop occupés, j’appellerai un taxi. Dans la semaine, je remonterai sur Bordeaux en train et je reviendrai avec ma voiture. Là-bas, je l’utilisais rarement. Ici, ce sera une nécessité.
Valéry bouge, ouvre les yeux. Quelques secondes de battement où il est un peu désorienté puis il m’aperçoit et un grand sourire éclaire son visage.

— J’ai dormi longtemps ? demande-t-il en passant en position assise.

— À peine une petite heure. Jérôme et Vincent en ont profité pour s’éclipser.

— Tu aurais dû me réveiller.

—Je l’aurais fait si cela avait duré trop longtemps. Je suppose que tu as du boulot sur l’exploitation…

Il regarde sa montre et pousse un soupir.

—Viens t’asseoir à côté de moi, s'il te plait. J’ai besoin de vérifier si je ne rêve pas.

Je ne me fais pas prier, et m'approche du canapé. Il m’attrape la main et me tire vers lui. En l’espace d'un instant, je me retrouve à califourchon sur ses cuisses. Son sourire ne me laisse aucun doute, le geste est volontaire. Ses deux bras encerclent mes hanches. Instinctivement, mes mains viennent se poser sur ses joues. Un seul mouvement et ses lèvres happent les miennes. Je ne me lasse pas de ces instants où il me cajole ainsi.

— Ça y est ? Tu es rassuré ? blagué-je lorsqu'il arrête.

— Oui. J’en avais très envie... Je vais devoir rentrer sur l’exploitation, il faut que je prépare mes commandes pour demain.

—Je me doute. Demain je vais demander à Vincent s'il peut m’accompagner pour rendre l’utilitaire. Après,  je rentrerai  sur Bordeaux en train et redescendrai avec ma voiture. Je veux être libre de mes mouvements.

—J’aime pas l'idée que tu fasses la route tout seul.

—Tu es adorable. Même si je conduis peu, j’en suis capable, tu sais.

—Je n’en doute pas. Et si nous montions en train tous les deux ? Je ne suis  jamais allé à Bordeaux. Nous serions deux chauffeurs pour rentrer.

—N’y aurait-il pas une légère pointe de curiosité ?

— J’avoue que découvrir le lieu où tu vis me plairait bien. Si je mets les bouchées doubles, il sera peut-être possible de partir vendredi en fin de journée.

— L’idée me plait bien. Je t’offre ma paire de bras pour mettre toutes les chances de notre côté.  A part ranger les légumes dans  les cageots, tu te doutes que je n’ai pas d’expérience. Mais si tu me montres, j’apprends vite.

— J’accepte la proposition avec plaisir. Je te tiens au courant dans la journée pour confirmer un possible départ vendredi.

(Vincent )

— Ne fait pas cette tête, mon coeur ! Ils reviennent dans deux jours. Je crois que Valéry n’avait pas pris le train depuis un très très long moment. Alex va le faire bouger un peu.

— C’est déjà le cas. Figure- toi que c’est Valéry qui a proposé cette option ! J’y serai bien allé moi aussi. Je ne suis jamais allé chez lui depuis qu'il est parti de chez sa mère, grommelle-t-il.

— Quel curieux, tu fais ! Tu en auras l’occasion plus tard. Vu comment ces deux- là se couvent du regard, je doute que l’arrangement “chacun dans son appartement” fasse long feu.

— Nous avons beaucoup parlé ces quelques jours, Alex et moi. . En plus de mon ancien appartement qui lui appartient maintenant, il a aussi acheté celui où il vit.

— Et bien, il doit faire du bon boulot pour gagner autant.

— C’est vrai. Il a plutôt hérité de mon côté que de celui de sa mère et mes frères. Il n’a pas de goûts de luxe. Investir dans un appartement est plutôt une bonne idée. Il le mettra en location en attendant. Il a coupé définitivement les ponts avec ma sœur.

— Ce n’était pas déjà le cas ?

— Il avait clairement dit qu'il lui faudrait un peu de temps mais que cela lui serait compliqué de cesser de la voir.

— Comment avais-tu réagi à cette info ? Ta sœur est aussi coupable que tes frères. Elle est même pour moi plus malsaine vu les relations que vous aviez !

—Tu crois qu'il m'était facile de l’exprimer à Alexandre. Je voulais qu'il en prenne conscience lui-même.

—Je suppose donc que son regard envers elle a évolué.

— Elle pousse toujours à sa façon le bouchon un peu plus loin. Je ne pense pas qu’elle ait encore réalisé que son fils n’est pas un idiot.

— Lui as-tu dit qu’elle te devait encore plus de la moitié des sommes usurpées ?

—Non. Je ne voulais pas qu'il se confronte encore à elle. Bertrand se chargera d’obtenir le paiement. Ma soeur a largement de quoi payer. Elle a eu ma lettre lui spécifiant que comme pour Firmin et Étienne, seul mon avocat gérait la situation. Elle a essayé de mettre son fils en porte à faux. Je ne peux pas lui pardonner cela, elle l’aurait dépouillé de la même manière. Sans aucun scrupules.

—Je crois que c’est cela qui l’a fait réagir. Tu es sa seule famille, mon coeur.

L’espace d'un instant, j’ai ressenti  l’envie de lui expliquer à quel point cette notion de famille était importante pour son neveu. Je renonçais, c’ était à Alex de lui dire quand il s’ en sentirait prêt. 

Sortir de l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant