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(Vincent)

J’ai moi aussi commencé à trépigner d’impatience. Le temps passait et ni Jérôme ni moi n’avions d'informations. Il n’était pas concevable que je me montre trop inquiet. L’homme de ma vie a une légère tendance à perdre le contrôle s’il se ronge les sangs. J’avais passé plus d'une heure à le chahuter gentiment à cause de son incapacité à attendre, je n’allais sûrement pas lui offrir l’occasion de me rendre la pareille si je lui dévoilais une quelconque angoisse !  Alors j’ai fait comme si j’abdiquais. 

— Viens, mon coeur. Il fait plutôt doux. Au lieu de tourner en rond, allons directement à l’appartement. Marcher un peu ne nous fera pas de mal, et ces deux sacripants nous raccompagneront pour nous avoir fait attendre !  

Le sourire de Jérôme indiquait qu'il était très loin d’être dupe mais je ne dis rien. Nous n’avions pas si souvent l’occasion de marcher tous les deux. Ou plutôt nous ne prenions pas souvent le temps de le faire. En début de semaine, j’avais engagé le sujet avec ma sœur. Quoi qu’elle ait comme projet, il lui faudrait apprendre à ne pas toujours s’ appuyer sur son grand frère. Pas que cela me déplaisait, j’appreciais travailler au gîte. Discuter, croiser des gens différents, bricoler de droite et de gauche avec Félix ne me dérange pas du tout. Mais ma priorité est Jérôme. Il nous arrive de ne pas nous voir pendant la journée et cela ne me convient plus. A part avec l’armée, je n’ai jamais beaucoup voyagé. Je sais que Jérôme aime cela et qu'il adorerait partir un peu. L’idée de lui tenir la main, de découvrir des lieux avec lui me tente bien. Déléguer un peu à d’autres la responsabilité du foyer est envisageable. Comme il me le fait régulièrement remarquer, l’argent récupéré de ses frères et sœurs n’a aucune utilité dans un coffre. 

Aucun véhicule auprès de l’appartement malgré les volets ouverts.

—Tu penses que Valéry a ouvert avant de partir ? demandé-je.

— Cela m’étonne un peu. Il m’en aurait parlé, je crois.

— Ou peut-être que nous l’avons fait avant de partir faire quelques courses, réplique une voix que je connais bien derrière nous.

— Je plaide coupable, tonton. Mon envie d'un café me rendait irritable. Le cumul de la route et le boulot abattu ces derniers jours…. bref.  L’idée de nous dégourdir les jambes et d'acheter le minimum vital....

—Tu as l’exemple type de l’ingratitude devant toi, mon coeur. Je trépigne depuis  une heure…

— Je dirais deux, précisé-je à la limite de l’éclat de rire.

— Cela a-t-il de l’importance ? Je ne le pense pas parce que visiblement ces deux- là comptaient boire tranquillement avant de daigner passer nous dire bonjour.

Son pied tapote le sol, simulant très mal  l’énervement. J’ai des difficultés à garder mon sérieux et lorsque j’entends le rire étouffé de Valéry, je perds tout contrôle.

— Bébé. Aucun des deux ne croit un seul instant que tu sois en colère. Va le prendre dans tes bras. Je me charge de la claque sur l’avant-bras. Nous aurons plein d’autres opportunités pour nous venger.

Oncle et neveu se retrouvent dans les bras l'un de l’autre comme s'ils ne s'étaient pas vu depuis une éternité. J’examine la réaction de Valéry. Celui-ci se penche vers moi et me glisse à l’oreille :

— J’ai intérêt à ne pas lui faire une saleté, hein ? 

—Je ne te le conseille pas, en effet. Après pour te rassurer, cela marche dans les deux sens. Vous vouliez encore profiter d’être que tous les deux ?

— Ce n’était pas vraiment calculé. Alex est encore plus addict au café que moi, il était indispensable d’en acheter. Traverser la place main dans la main avec son petit-ami est une expérience enrichissante.  

Ces quelques mots glissés là, à mon intention, me font fondre littéralement. J’ai tant espéré qu'il vive ce moment un jour. Ses yeux brillent autant que les miens. Nous avons l’air malin tous les quatre ! 

—Avant de vous inviter à entrer, il me faut l’autorisation du proprio, je n’ai pas encore signé de bail ! 

— Il t’autorise, dit Valéry en récupérant la taille d’Alex au passage. Par contre, vu que le nouveau locataire m’a prévenu au dernier moment, je ne suis en aucun cas responsable des toiles d’araignée.

—Puisque c’est toi qui en parle, intervient Jérôme, j'aimerai bien comprendre la raison de cette rapidité !

— C’est quand même un comble, s’ insurge Alex. Tu me reproches  constamment de ne pas venir et lorsque je me décide, tu n’es pas satisfait.

Jérôme, les mains sur les hanches, ne réagit pas. La complicité entre eux est si forte. Peut-être encore plus marquée que celle qui me lie à Valéry. 

—Mon client a adoré ma première proposition. Et ne t’avise pas de douter de mes propos, insiste-t-il. Il est réputé pour être plutôt pénible pour se décider. Valéry peut te le confirmer, j'étais très loin d’être certain de le convaincre. Mon visuel lui a tapé dans l’oeil. Débouchera-t-il sur quelque chose de concret, j’en doute. J’ai fait ce que je préfère dans ce travail, vendre du rêve. Et crois-moi, je l’ai bien vendu. Tu avoueras qu'il aurait été stupide de rester plus longtemps à Bordeaux. J’ai loué un petit utilitaire, mis dedans ce dont j’avais besoin et j’ai rejoint le point de rendez vous convenu avec Valéry .

— Il ne t’avait rien dit, non plus ? s’ informe mon mari auprès de Valéry. 

— Je crois qu'il était bien trop fier de me faire la surprise !

L’éclat de rire d’Alex en entendant sa réplique me plait bien. Je ne peux pas dire que j’ai douté. Il s’agit d’Alex qui a défendu bec et ongles son oncle depuis le début. Mais face à lui, se trouve Valéry. Quoi de plus normal de penser à ce qui se passerait si leur relation se passait mal .

Sortir de l'ombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant