Un jour, espérait-il, on le remettra sur pied.
Il flottait, en morceaux, dans le Nil de ses noires pensées, marécageuses et embourbées, cadavre déchiré, éparpillé, à l'agonie, viande sans volonté, épave à la dérive, les songes pleins de crocodiles, silencieux comme un rivage déserté, et il savait, lui à qui on avait arraché la langue pour avoir dit des gros mots, lui qu'on avait découpé pour s'être opposé à leurs futiles rêves, qu'il était inutile de se débattre, de résister : tout, maintenant, lui semblait incertain, sans fond.
Il rêvait, parfois, de celui qui, dans une hypothétique réalité, le recoudra.
Puis la colère reprenait le dessus. La peur. Les regrets, surtout. Il aurait voulu tant de choses. Il s'était rêvé roi du monde. Se résigner ? Leur arracher les tripes, plutôt. Leur fendre le foutu cœur. Leur crever les yeux. Dieu des morts, il les jugerait, avant de les dévorer tous crus.
Dans l'attente de sa venue, il espérait.