Ils s'épuisaient, pour oublier qui ils étaient, à prendre de grands airs grimaçants qui leur seyaient mal. Ils se battaient pour un monde plus juste, écorchaient leurs contradicteurs, les vidaient de leur sang. Ils étaient fiers de leurs valeurs, de leurs idées, de leurs combats. Tous croyaient à la justice, au progrès, mais ils n'étaient pas tous d'accord.
Ils évitaient, avec un soin maladif, de se regarder dans la glace. Le vide de leur existence, ils en avaient horreur, et dans l'espoir de se sauver, ils s'accrochaient à des mensonges qui, beaux et propres, meublaient leur vie. Ils éprouvaient du dégoût pour leur prochain, surtout. C'est l'amour qui faisait battre leur cœur, mais la haine les irriguait. Ils auraient voulu se croire capables des sentiments les plus nobles — la haine, tôt ou tard, prendra le dessus. Alors nous nous trouvons des excuses. L'autre est méchant, nous ne faisons que nous défendre. Nous agissons pour l'avenir, pour une cause juste. Notre existence n'est qu'un champ de bataille.