Ils étaient désolés d'être ce qu'ils étaient. Ce qu'ils n'avaient jamais choisi d'être. De leur éducation, leurs opinions, leur mode de vie, leur langage, leurs fréquentations. Ils en avaient honte.
Ils avaient honte d'être du côté des gagnants, si chanceux, mais incapables de se défaire de cette maudite chance, d'être autre chose que cela. De leurs ancêtres supposés, aussi, des figures floues, évocations éthérées, bourreaux des temps anciens qu'ils imaginaient connaitre sans jamais les avoir rencontrés. Alors ils se pliaient. Ils admettaient tout ce qu'on leur reprochait. Ils n'avaient pas le courage, ni même l'envie, encore moins la force, de résister. Et chacun trainait une part de culpabilité derrière soi, y compris celles et ceux qui se disaient en paix, du bon côté, culpabilité tenace, bestiale, qui leur mordait la pensée, leur arrachait des souvenirs enfouis là.
J'ai parfois, moi aussi, refusé à mon chat de sortir, parce qu'il faisait trop froid, ou pas assez jour, ou parce que j'avais la flemme de lui ouvrir. Je me faisais mordre les mains. J'en riais de tout cœur.