Chapitre XXXV

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Chapitre XXXV


Charlie était assise sur la même chaise dans la salle d'attente, mais cette fois-ci, ses mains cachaient son visage. Quand je m'approchai et posai ma main sur son épaule, elle me repoussa brutalement en se levant.


Charlie (criant) : Lâche-moi Harry ! Tu vois pas que tout ça est de ma faute, de NOTRE faute ! Il est mort, il voyait qu'il me perdait et il est mort ! Harry, je ne peux pas aller bien et imaginer de sourire un jour après ça. Même s'il n'était pas le mari exemplaire dont toutes les femmes rêvent, il m'aimait et je l'ai fait énormément souffrir ces dernières semaines beaucoup plus qu'il ne la fait avec moi ces dernières années ! Laisse-moi Harry.


Tout le monde nous regardait et je n'aimais pas me donner en spectacle comme ça. Je lui pris le bras, et sans vraiment lui laisser le choix, je l'entraînai dans les toilettes des femmes. Avec de la chance, elles étaient vides et je refermai la porte à clé.


Harry : Écoute Charlie, Dylan était malade. Il t'aimait sûrement, mais il était malade. Il est tout à fait normal que tu t'en veuilles, même à moi, mais ne crois pas une seconde que c'est la vérité. Tu n'y es absolument pour rien.

Charlie : Si, je suis coupable. Il s'est laissé mourir sur la route par ma faute ...

Harry : Il était ivre, Charlie. Il était ivre ...

Charlie : Quoi ?

Harry : Tu as bien entendu. Il était complètement bourré et il n'a pas su contrôler son véhicule ... Tu n'y es pour rien, crois-moi.


Je m'approchai d'elle doucement et la serrai dans mes bras quand je compris qu'elle s'était calmée. Elle sanglota contre mon épaule pendant quelques minutes, puis finalement elle partit devant les miroirs. Elle se passa de l'eau sur le visage avant de me dire qu'il fallait qu'elle parle à Rose.

Nous retournâmes dans la salle d'attente, et tout le monde leva plus ou moins discrètement leur regard vers nous. J'avais juste envie de leur crier de s'occuper de leurs affaires, mais je ne voulais pas faire un scandale.

On rejoignis Rose dans la salle de jeux et Charlie lui demanda de venir avec elle dehors. Je me mis volontairement à l'écart pour lui laisser parler avec sa fille, mais elle insista pour que je reste. Elle installa la fillette sur le banc et elle s'accroupit devant elle.


Charlie : Ma chérie, il faut que je te parle. C'est papa ... Il ...

Elle ne put achever sa phrase qu'elle fondait déjà en larmes. Elle se retira à quelques mètres.

Remarquant l'incompréhension et l'inquiétude de Rose, je décidai de prendre le relais.


Harry : Rose, ce que ta maman veut te dire est assez compliqué. Tu ne reverras plus ton papa, il est monté au ciel avec les anges, ma puce.

Rose : Mais je veux voir mon papa, moi ...

Harry : Tu le reverras un jour, je te promets. Dans très longtemps, j'espère, mais en attendant il te regardera d'en haut et il te surveillera. Même s'il ne sera plus jamais à tes côtés, il sera là, dans ton cœur. Et ton papa, il t'aimait très fort. C'est sûr qu'il aurait aimé rester pour toujours avec toi.

Rose : Maman, elle est triste ?

Harry : Oui, elle l'est. Et si toi aussi tu l'es, c'est normal, d'accord ? Mais ça ira mieux avec le temps.


Elle hocha la tête. Elle ne semblait pas vraiment réaliser, ce qui est normal à son âge.


Les quelques jours qui suivirent furent les plus longs. Charlie essayait de rester forte devant sa fille, mais je voyais qu'elle était anéantie. Les cinq premiers jours qui ont suivis l'accident, elle n'a fait que pleurer et elle rejetait la faute sur elle-même. Tout ça a continué jusqu'à l'enterrement. C'était sûrement pour elle le jour le plus difficile. Alors qu'elle était assise au premier rang à l'église avec sa fille et sa mère qu'elle n'avait pas vue depuis des années, elle m'avait supplié de venir à côté d'elle. Elle disait qu'elle avait besoin de moi, mais je ne pouvais pas accepter sachant que la famille de Dylan serait sur les bancs à côté. J'étais donc resté au fond de l'église pendant la messe et j'avais gardé mes distances tout le long, malgré mon envie d'aller la consoler.

Après cette rude étape, elle avait commencé à être en colère après son époux. Elle lui en voulait de l'avoir abandonnée elle, mais surtout d'avoir laissé Rose sans papa. C'est donc là qu'elle a décidé de mettre dans des cartons toutes les affaires de Dylan, parce que ça l'énervait de voir toutes ses affaires dans leur appartement. D'ailleurs, depuis l'accident elle refuse de rester dormir chez elle. Elle ne se sent pas bien là-bas et elle dit ressentir la présence de Dylan, ce qui doit être pesant. Alors, elle reste à mon appartement avec Rose où elles dorment dans mon lit et moi dans le grand canapé.

Puis, après cette courte période, elle s'est soudainement refermée sur elle-même. Jusqu'à aujourd'hui, elle passe la majorité de son temps seule, soit chez elle à regarder des photos, trier, ranger, etc ... soit au parc, à lire des romans. Elle a pris un congé car elle ne se sentait pas encore capable de retourner travailler. Elle ne me parle plus ou presque et elle coupe court toute conversation avec Rose. Je sais aussi qu'elle ne dort pas beaucoup parce que je l'entends pleurer jusqu'à très tard dans la nuit. Je m'inquiète vraiment pour elle. Ça fait déjà trois semaines que Dylan est décédé et j'ai l'impression que son état psychologique s'empire. J'essaie de rester calme parce que lui crier dessus pour qu'elle se bouge ne servirait à rien, sauf à aggraver son cas. Elle a aussi perdu beaucoup de poids étant donné qu'elle n'avale presque jamais rien.


Il n'était que six heures, mais ce maudit canapé n'était pas des plus confortables. Je me retournai pour la centième fois dans l'autre sens et ne trouvant pas une position convenable, je me levai et enfilai un jogging et des chaussures avant de sortir prendre l'air. Je montai l'escalier de l'hôtel et je ne croisai personne de si bonne heure. Arrivée sur le toit, je m'installai au sol et je m'allongeai afin de regarder le ciel et le soleil se lever. L'air était frais mais agréable. Je ne sais pas pourquoi je n'y avais pas pensé plus tôt, à monter ici où je suis loin de tout.

Les premiers rayons de soleil montraient le bout de leur nez et le ciel se colorait d'une teinte rosée. C'était vraiment magnifique. Les quelques nuages présents prenaient aussi cette teinte. J'étais tellement absorbée par ce paysage que je sursautai quand je sentis quelqu'un se coucher près de moi. Je tournai la tête pour découvrir Charlie. Elle s'allongea près de moi et elle glissa sa main dans la mienne, sans dire un mot. Ce geste me fit sourire. Ça pouvait sembler sans importance mais ces dernières semaines, elle ne m'avait même pas effleuré une seule fois. C'est à peine si elle m'avait regardé.


Charlie (brisant le silence) : Je vais envoyé Rose chez ma mère pendant quelques jours.

Harry : Ah oui ?

Charlie : C'est mieux pour elle, qu'elle prenne l'air ... Et puis, nous aussi. On n'aura plus à se cacher et puis ...

Harry : Oui ?

Charlie : J'ai tellement envie de passer du temps avec toi.

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