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Le mardi, je me retrouve à côté de Minju en arts plastiques. En ce moment, nous travaillons sur des autoportraits. Nous observons notre reflet dans un miroir, puis nous le reproduisons sur une feuille.

Nos places nous ont été attribuées, je n'ai aucun moyen d'en changer. Alors je rassemble toute ma volonté et regarde droit devant moi, comme si Minju n'existait pas. Vers le milieu du cours, je suis en train de reproduire de mon mieux les reflets de la lumière sur mes cheveux quand Madame Jung vient observer mon travail.

Je m'interromps, le pinceau en l'air.

— Tu as déjà peint à l'acrylique, Wendy ?

— Non pourquoi ? Je m'y prends mal ?

— Au contraire ! s'exclame-t-elle me souriant. Ton portrait est très expressif, très fort, je suis..impressionnée. Le regard surtout, triste, vulnérable et perdu.

J'accuse le choc. Est-ce cela que les gens voient lorsqu'ils regardent mon tableau ? Mes failles sont-elles si évidentes ?

— Donc, tu n'as pas d'acrylique chez toi ?

— Non madame.

— Je t'en prêterai pour les vacances. Tu devrais continuer sur cette voie, Wendy. Pourquoi pas peindre ta famille ? Tu pourrais profiter de l'été pour réaliser une série de portraits et l'inclure ensuite dans ton projet en fin d'études.

Ma famille ? Et puis quoi encore.

— Je ne peux pas plutôt choisir un sujet moins..personnel ?

Madame Jung se met à rire.

— C'est souvent en fouillant dans son expérience personnelle, aussi pénible que ce soit, qu'on obtient les plus beaux résultats, tu sais ?

Je voudrais protester, mais aucun mot ne sort de ma bouche. Madame Jung passe à un autre élève. C'est la professeur que je préfère ici ! Elle est douce, gentille et encourageante.

Puisqu'elle veut que je m'inspire de mes proches, je vais le faire. Mais ça ne ressemblera pas aux portraits lisses qu'elle imagine sans doute. Dans le miroir, mon regard lance des éclairs. Tant mieux. Je me préfère comme ça.

Mais en me tournant vers mon tableau, je comprends soudainement de quoi elle parlait. Mes grands yeux noisettes semblent refléter toute la douleur du monde. J'ai l'impression de me retrouver nue en pleine rue.

— Qu'est-ce qui se passe Wendy ? me lance Minju d'une voix mielleuse. Les portraits de famille, ce n'est pas ton truc ? En même temps, ça ne m'étonne pas. La seule chose que tu aimes mettre en scène, c'est toi ! Et si possible dans une tenue provocante.

La colère monte en moi comme un raz-de-marée. D'un geste brusque, je renverse le pot destiné à rincer les pinceaux, éclaboussant mon tableau et Minju qui se lève d'un bond et se met à crier.

J'arrache la feuille détrempée de mon chevalet, comme pour la protéger du désastre alors qu'en réalité, mon intention est tout autre. Le temps que madame Jung se retourne, le portrait est déjà déchiré en deux.

— Minju ! Qu'est-ce que tu as fais ?

— Rien du tout ! C'était Wendy ! Elle a mis de l'eau partout et détruit son tableau. Elle est folle !

CoincidenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant