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[Plaisir partagé]

Quelques instants plus tard, nous sommes en train de faire la queue devant le Transbordeur. Je frissonne quand une brise un peu fraîche s'engouffre sous ma robe courte et vaporeuse. Elia s'avance derrière moi pour me couvrir du vent et je sens la chaleur de son corps rayonner sur mes jambes nues. Ce soir, j'ai dû troquer mes traditionnelles baskets de concert, encore mouillée, par des boots en cuir.

Elia n'est pas frileux. En plus de son jean clair, il ne revêt qu'un t-shirt gris foncé avec un motif sérigraphié en noir. De ce fait, le contraste est léger, l'impression discrète, ce qui rend le vêtement élégant. Surtout, cela m'encourage à laisser traîner mes yeux sur son torse. Un peu trop longuement, sans doute. Ses cheveux châtains sont toujours aussi mal coiffés et je sais maintenant que j'aime ça. Et puis, il porte mon foulard autour du cou. Un châle en coton tout simple, très souple et très doux. Une finesse liée à son usure, car je le mets chaque jour, même en plein été. Tout le temps, sauf aujourd'hui.

— Que vas-tu faire en attendant ? me souffle-t-il à l'oreille. On devrait peut-être échanger nos numéros, afin de se retrouver plus facilement.

— Je vais commencer par boire une bière. Je sais où te trouver, Elia.

— Moi aussi, du lundi au vendredi. Ton planning est aimanté sur la porte du réfrigérateur.

— Un vrai pervers, dis-je en me pivotant vers lui pour glisser sa place de concert dans la poche arrière de son jean.

— Dit-elle en me touchant les fesses.

Je m'apprête à répliquer, mais le groupe qui nous précède vient d'entrer.

— C'est à ton tour de passer à la fouille au corps.

— J'adorerais te fouiller.

— Il pense sûrement pareil, dis-je en lançant un clin d'œil au vigile derrière nous. Essaie de t'amuser.

— Je préférais que tu t'ennuies quand tu seras seule. À un tel point, que tu n'envisageras plus jamais de sortir sans moi.

— Je ne répondrai pas à ça.

Il m'embrasse sur la joue et se noie dans la foule.

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Le papier légèrement épais qui patine entre mes doigts lorsque le membre du staff scanne le talon va de pair avec l'excitation qui enfle dans mon ventre. Comment va-t-il le prendre ? Sera-t-il content comme je l'imagine ? Je repère vite la touffe brouillonne d'Elia près du bar. La foule s'amasse autour de lui. Tous désirent boire une mousse avant l'arrivée du groupe. Je me faufile sans faire d'esclandre, jusqu'à me trouver derrière lui. J'hésite entre l'interpeller, lui faire peur ou le bousculer, mais j'ignore pourquoi je préfère fondre ma main dans la sienne. D'un mouvement brusque, complètement stupéfait, il se retourne. Dès qu'il réalise que ce n'est que moi, il semble d'abord rassuré, puis la surprise éclaire ses traits et enfin une joie contagieuse émane de lui. Ses doigts se referment sur les miens et j'ai l'impression qu'il ne me lâchera jamais.

— Jude, lance-t-il à mon oreille après m'avoir attiré contre lui. As-tu braqué la place de quelqu'un ?

Je secoue la tête, mais il insiste.

— Je devais venir avec une amie, mais elle a dû annuler son week-end. Elle m'a demandé de vendre son billet devant la salle.

— Tu m'as fait marcher depuis hier soir ?

Sa voix qui se brise légèrement et son regard me font flancher. J'ai l'impression qu'il se sent trahi et je n'aime pas ça.

— Non, quand j'ai vu que tu étais déçu pour le concert qui était complet, j'ai voulu te faire une surprise.

June Wild, L'effet d'un caillouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant