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[Un bleuet]

La chanson s'achève. Au lieu de saluer ceux qui font vivre cet aparté magique comme chaque semaine, j'abandonne ma guitare et je quitte la scène. J'entends Gaël faire coulisser le rideau dans mon dos. Je sais qu'il va prendre soin de ranger mes affaires. Sous les applaudissements, j'avance, aimantée par lui. C'est alors qu'il me sourit. Ce simple rayonnement chasse mes peurs et évince ma douleur. Sans saisir ce qu'il se passe, je suis happée par ses mains puissantes et me retrouve plaquée contre son corps. Je noue mes bras dans son dos, quand il enroule les siens autour de mon cou. Il me murmure des masses de paroles que je ne comprends pas, il me sert tellement fort contre son torse que je n'entends que les battements de son cœur. Je lui flanque un coup de coude pour qu'il tempère la pression, son buste recule, ses bras se tendent, toujours arrimés à moi. Une lueur espiègle anime ses yeux.

— Tu es venu m'assassiner ?

— Absolument, meurtre par suffocation, pour être précis, dit-il en riant avant de recommencer à me serrer contre lui.

Il me relâche, sans pour autant rompre le contact physique, et je le remercie du plus profond de moi, parce que j'en ai besoin.

— J'ai mille questions, Cooper, j'espère que ta jauge est pleine.

— Illimitée, pour toi, Nate.

Il m'embrasse sur la tempe, comme un bonjour, le sien.

— Tu es sublime, Jude Line Cooper.

Ses doigts frôlent mon dos, mais pas seulement, à son regard, je sais qu'il caresse mes tatouages.

— Et inspirée.

Son pouce effleure le contour de mon oreille, mais pas uniquement, ce sont mes nouveaux piercings qu'il salue.

— Nate, que fais-tu ici ?

— Je viens boire un verre avec toi.

Nate rapproche deux tabourets situés près du bar, il grimpe sur celui de gauche. Je le rejoins et je fais signe à Edgar.

— C'est lui ? me demande-t-il.

Je hoche la tête et il siffle aussitôt pour rameuter l'équipe. En quelques secondes, ils sont tous là. Edgar joue avec son décapsuleur, Lydia essuie ses mains, Nell croise les bras sur sa poitrine et Gaël me tend ma chemise.

— Nate, je te présente Ed, Lyd, Nell et Gaël.

— Putain de merde, lance Lydia en basculant le torchon sur son épaule.

— Ouais, consent Nell en le scrutant.

— Je pensais qu'elle t'aurait frappée, dit Gaël en parlant de Nell.

— Bienvenue au Lolela, annonce Edgar en posant deux chopes devant nous.

— Salut, répond Nate qui semble amusé. Et merci.

Nell s'approche alors de lui. Du haut de sa petite stature et de ses cinquante kilos, elle affiche l'air le plus menaçant au monde. Cette femme est incroyable, généreuse et badass. Elle assure nos arrières, dans tous les sens du terme.

— Ne déconne pas, je t'ai à l'œil !

En une seconde, ils se dispersent aussi vite qu'ils sont apparus. Nate trinque avec moi, et boit silencieusement, sans cesser de me contempler.

— Tu ne fais pas que jouer ici. Tu y travailles, affirme-t-il.

𝅘𝅥𝅮

Ses cheveux bruns ont poussé, c'est la deuxième fois qu'il passe la main à travers pour les dégager de son visage. Cela lui donne un côté encore plus sauvage. Ils sont souples, épais et légèrement ondulés, mais surtout, le dessous est rasé. Je me demande s'ils sont assez longs maintenant pour qu'il puisse les attacher en un petit chignon au milieu de son crâne. Ce qui serait sans doute tout autant sexy. Sa barbe brune et courte n'a en revanche pas changé. Mes yeux descendent sur sa gorge et j'aperçois des lignes d'encre dépasser de l'encolure de son t-shirt. Ses tatouages m'ont souvent intriguée, mais je me suis toujours interdit de le questionner, sentant que c'était trop intime. Maintenant, j'en suis certaine, ils doivent être aussi personnels pour lui que les miens le sont. Pour autant, je regrette de ne pas avoir pu élaborer une cartographie de son corps, de ne pas les connaître suffisamment pour savoir, non seulement quel est leur sens, mais en outre, s'il en a des nouveaux. Mon regard vagabonde sur ses avant-bras, j'aimerais qu'il ne porte pas cette surchemise qui m'empêche de détailler les motifs sombres qui ornent sa peau. Alors, je m'attarde sur ses mains.

June Wild, L'effet d'un caillouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant