18

139 15 8
                                    

[La bouche]

Déroutée par son insistance et troublée par son aplomb, je range soigneusement ma guitare dans son étui avant de la glisser sous le sommier. Elia, d'un air satisfait, s'installe au bord du lit, et là, son assurance semble s'évaporer. Ses doigts tremblent légèrement au moment où il les place sur le manche, sa main droite, qu'il ouvre et ferme à deux reprises, paraît moite, et son regard n'arrive pas jusqu'au mien. Puis, un sourire illumine son visage et les notes qu'il commence à jouer font palpiter mon cœur.

Je frissonne quand j'entends sa voix éraillée prononcer les paroles que je viens de chanter. Comme je l'imaginais, son timbre chaud s'adapte à merveille à cette mélodie. Je replie mes jambes contre ma poitrine, pour tenter de maîtriser mes émotions, sans parvenir à quitter ses yeux. Ne me laissant aucun répit, ni à mon esprit tourmenté ni à mon corps tendu, il enchaîne avec la chanson de tout à l'heure, Big Jet Plane. Aussitôt, je sais que je n'y résisterai pas.

Je suis déjà à genoux dans le lit, toute en émoi, alors qu'il n'a pas commencé à chanter, et quand il prononce la première phrase, je me place debout devant lui. Dès qu'il fredonne qu'il veut embrasser la fille, je résiste encore un peu, mais au moment où il raconte qu'elle le rend fou, j'attrape sa guitare pour la mettre de côté.

Elia se tait, il suspend ses gestes, et je l'enjambe.

Presque assise sur lui, j'appose mes paumes de part et d'autre de son visage, savourant la chaleur de sa peau et le contraste entre ses douces pommettes et sa mâchoire râpeuse. Je photographie chacun de ses traits, dressant une carte mentale de tous les recoins que j'aimerais goûter. Mes doigts jouent leur propre partition sur sa nuque et au cœur de ses mèches rebelles. Ils s'évadent pour tracer les pleins de sa bouche et le creux de sa fossette qu'il vient de me dévoiler. Je me plonge un instant dans ses iris, ses merveilleux yeux, de la couleur de l'ambre et aux reflets dorés.

Le souffle qui s'échappe d'entre ses lèvres attire mon attention plus au sud et précise mes désirs. J'aime le voir se les mordre d'envie quand j'humidifie les miennes du bout de la langue. Enfin, ses mains dénichent une place exquise sur la peau nue de mes hanches. Dérobées sous mon t-shirt, elles remontent en une caresse douce, mais appuyée, jusqu'à ma taille et s'arriment fermement sur mes côtes. À l'instant où ses pouces effleurent le dessous de mes seins, j'ignore qui de nous fait le grand saut, mais nos lèvres se rencontrent.

Peut-être avons-nous justement plongé ensemble ?

Notre baiser est tout sauf maîtrisé, il est absolument aléatoire et brouillon. Nos lèvres se cherchent comme si elles s'étaient manquées. Oui, on dirait qu'elles se connaissent déjà et que tout est évident. Elles s'effleurent aussi souvent qu'elles s'écrasent l'une contre l'autre. Elles s'ouvrent et se ferment, se collent, puis s'éloignent. Nos bouches se trouvent et nos souffles s'aspirent mutuellement. Elia étouffe mes gémissements ou peut-être que ce sont les siens qui résonnent contre moi. Nos langues se rencontrent également, elles se goûtent, se lèchent et se sucent. Tout n'est qu'envie et plaisir. Elles se chamaillent et se taquinent autant qu'elles se dévouent et se dévorent. Les dents maintenant. Il me mord les lèvres et j'adore ça. Ça me fait frémir et gémir, et lui ça le fait sourire. Sourire en s'embrassant ? C'est la première fois que ça m'arrive et je ne voudrais rien connaître d'autre.

Nous nous embrassons encore et davantage.

Nos corps figurent soudés l'un à l'autre, sans vraiment bouger. Je devine son érection contre mon pubis et bien que j'éprouve un besoin ardent de me frotter contre lui, je me retiens de resserrer les cuisses et d'abaisser mon bassin. J'ai bien plus envie de sentir sa langue et ses lèvres contre les miennes durant encore une éternité. Je ressens son cœur rebondir contre le mien et je crois que nous sommes au diapason. Lorsque mes mains libèrent sa nuque pour déraper sur son corps, les siennes remontent sur mon visage pour mieux m'embrasser.

June Wild, L'effet d'un caillouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant