June Wild, L'effet d'un caillou

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[Plan A, B et C]

Le brouhaha ambiant s'éteint à la seconde où l'éclairage se modifie. Un néon enflamme alors les mots « on air » et les trois frangins, les Trees Alone monte sur scène sous les applaudissements. Colin et Elia m'ont affirmé qu'ils avaient rameuté toute leur promo. Je remarque aussi la chevelure rousse de leur colocataire. Seule avec ma bière, je prends suffisamment de recul pour les observer jouer.

Ils figurent vraiment talentueux et complémentaires. Colin s'avère être le chanteur principal et le bassiste du groupe. Il apparaît séducteur et extravagant. Nate, le batteur, mais aussi la seconde voix, se révèle à la fois puissant et rapide dans son jeu. Il parvient à allier beaucoup de nuances et de finesses. Elia, en plus de sa merveilleuse Epiphone, porte un harmonica autour du cou. J'adore son timbre éraillé quand il fredonne le soir dans sa chambre, mais sur scène, il se fait rare. Cet homme que j'aime embrasser manie la guitare avec un style mêlant sensualité, classe et énergie.

Les trois sont d'une complicité fascinante et exaltante. Ils interprètent essentiellement des reprises rock aux accents parfois blues ou folk. Ils ont aussi chanté deux compositions qui m'ont beaucoup plu.

C'est la première fois que j'assiste à un concert, même amateur, où je connais les musiciens. À l'exception de ma grand-mère. C'est vraiment excitant. Colin m'envoie des baisers insolents, ce qui déclenche des cris dans le bar. Nate me lance à l'occasion des regards indescriptibles dont il a le secret. Elia me donne souvent l'impression qu'il joue pour moi seule, tellement ses yeux trouvent les miens à la seconde où il le décide.

Ça fait trente minutes que le concert a débuté, quand pour la première fois de la soirée, Elia s'avance au-devant de la scène et gratte quelques notes en solo. Ses frangins se mêlent à la mélodie et Shake Me Down – le morceau de Broken Witt Rebels que je préfère et celui que nous avons écoutée ensemble dans cette salle obscure – prend vie. Sa voix grave et éraillée s'élève seule et dès qu'il chante les mots qu'il a prononcés à mon oreille lorsque nous étions dans cette fosse, je frissonne de partout. Je danse avec encore plus d'ardeur. Ce n'est qu'à la fin de la chanson, qui se termine sur un rythme de folie, que je prends conscience des femmes qui se prélassent juste devant eux. Devant lui.

— West, dis-je alors qu'il vient pour me donner une bière, à quel point ça craint, si je monte sur scène pour l'embrasser ?

— Quinze sur dix sur l'échelle des groupies, vingt-quatre sur cinq sur celle de la jalousie.

— Je t'emmerde !

— À la folie !

Il me pointe du doigt avant de pointer Elia en faisant des allers-retours entre nous d'un air idiot. Mon guitariste me lance un sourire proche du rire et sa fossette, qui m'est pourtant destinée, enflamme une nouvelle fois les pseudos-fans devant moi. Finalement, Colin reprend la main, nous offrant un show digne de lui.

𝅘𝅥𝅮

Quand ils terminent leur concert, un bloc que je n'avais pas encore remarqué, posé sur un ampli, s'allume. Les mots « applause » rayonnent, nous invitant à les acclamer, tandis que le reste des lumières s'éteint. À la seconde où les musiciens descendent de scène, ils sont accaparés dans tous les sens. Je me souviens qu'Elia m'avait prévenue, qu'il n'aurait pas beaucoup de temps à m'accorder. Il me lance un regard désolé, coincé dans une discussion avec Colin et trois autres personnes. Je n'ai pas envie de les interrompre, au contraire, je l'aurai pour moi toute la nuit.

Accoudée au bar, une fine équipe se faufile dans la salle pour s'installer près de moi. Lorsque Céline commence à parler, je peux entendre aisément ses propos et il m'apparaît évident qu'ils me sont destinés.