June Wild, L'effet d'un caillou

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[Juste pour nous]

Les lumières changent et nous plongent dans une ambiance feutrée et intime. J'attrape ma guitare, pour ajuster la sangle sur mon épaule. Avec grâce, Elia reproduit les mêmes gestes avec sa Fender. Nous nous contemplons quelques secondes, prenant le temps de ressentir le frisson de la scène et l'intensité de l'instant. Je lui souris.

C'est le moment idéal.

Je cueille l'un des deux colliers avant de lui glisser autour du cou. Surpris, ses paupières bafouillent. Sans un mot, je pose ma main à plat sur le médiator doré que je plaque contre son cœur. Ce collier a fait sa première scène avec lui. Je n'ai pas reporté ce bijou depuis mon départ à Berlin et je ne le porterai plus, car il lui appartient. Il m'a rendu ma guitare, ma passion et une partie de mes rêves. Je lui redonne une part de lui. Je crois qu'il le comprend, car il me sourit et embrasse ma paume. En un regard, nous savons que nous sommes prêts.

Nous prenons place l'un et l'autre devant notre micro et nous entamons notre première chanson. Celle qui marque le début de notre histoire, celle qu'il a choisie pour inaugurer cette soirée, Big Jet Plane d'Angus and Julia Stone. Nous interprétons ce morceau qui parle d'amour avec beaucoup d'émotions, et même si les premières notes paraissent fragiles, nous prenons rapidement confiance. Notre complicité nous porte et nous anime.

Nous continuons avec mon premier choix, une mélodie qui m'a souvent accompagnée ces derniers temps, que m'apportait du réconfort après nos rencontres sur la place Sathonay. J'ai délaissé mon orchestre bancal et mon pack de bière pour jouer Too Late To Say Goodbye à la guitare. Je mène le rythme et la voix, tandis qu'Elia me suit à la basse. Quand les refrains se succèdent à la fin, nous prenons tellement plaisir à chanter en chœur que nous prolongeons la chanson.

Pour le troisième titre, Elia a souhaité interpréter Dig de Black Honey. D'une certaine façon, les paroles évoquent certains aspects de notre relation, mais surtout, la mélodie entêtante est agréable et amusante à jouer. J'ai décidé de ne chanter que les chœurs du refrain, mais j'ai surtout désiré m'éclater. Puisque ce morceau peut se jouer facilement avec une seule guitare, j'ai opté pour les claves, puis pour le cajón qui apporte le rythme lent et simple de la batterie. Contre toute attente, il change rapidement d'instrument, troquant l'acoustique pour l'électrique. Il me défie d'un air espiègle en maintenant la mélodie en suspens, étirant son solo avec malice. Je cède et je m'installe derrière la batterie.

En totale improvisation, juste avec le rythme que j'avais travaillé au cajón, je me lance. Elia poursuit la chanson qui redémarre avec énergie, mais surtout le soutien du public. Nos amis et les clients du Wall fredonnent avec nous le refrain, jusqu'à la fin. Elia me tend la main pour que je le rejoigne, il me la serre intensément avant de changer de guitare. Quand je récupère la mienne, les personnes dans le bar continuent d'applaudir. Mon regard accroche celui de Nate. Il embrasse ses deux doigts avant de les tendre vers moi. Ses yeux n'expriment rien d'autre qu'une bouleversante fierté.

Nous continuons avec Since I Told You It's Over de Stereophonics, qui évoque notre rupture. Ce titre est issu du même album que la chanson que nous avions jouée dans sa chambre. Elia adore cet artiste qui possède la même guitare que celle de Jacky Line. Lorsque je lui confie cette gratte si mythique pour lui, il l'accepte avec joie. Il s'installe sur le tabouret près du piano pour que nous puissions garder un contact visuel. Cette chanson m'émeut beaucoup. Elle parle d'une rupture amoureuse qui nous fait forcément écho. Elle est douloureuse, mais apaisante, comme si lui donner vie ensemble, avait un pouvoir magique de salut. Quelques briquets se sont allumés et je reconnais Colin, Eve, mais aussi Elsa et bien sûr Nate. À la fin, je me retiens de prendre Elia dans les bras. Au lieu de ça, je récupère ma guitare et lui la sienne.