L'Empire d'Erèbe [mafia romance 2023]

Chapitre 26 - Anesthésie

JUILLET – Dimanche – Jour du mariage

En écoute : Cody Chestnut - Love Is More Than A Wedding Day

Alvize (dimanche matin)

Alvize ouvrit les yeux et les referma aussitôt. La lumière qui passait à travers les volets de la chambre d'amis du manoir (il refusait toujours de l'appeler sa chambre) lui donnait mal au crâne.

Il était rentré à cinq heures du matin après avoir fait deux heures de route, et comme il n'arrivait pas à s'endormir, il avait descendu une grande partie de la bouteille de vodka qu'il avait trouvée dans la cuisine. Il posa un oreiller sur sa tête pour se cacher du soleil et grogna.

La veille, Nico, un de ses hommes de main, l'avait appelé en urgence parce qu'un de leurs indics revenait avec des nouvelles pour le moins ... perturbantes. Jésus Bordella était apparemment en train de leur faire faux-bond et Alvize allait devoir s'asseoir sur son contrat à plusieurs millions. Comme leur indic refusait de parler par téléphone et voulait s'entretenir directement avec Alvize, il avait dû tout lâcher pour se farcir deux heures de trajet vers la banlieue de Cavour. Il ne pouvait pas lui en vouloir : il était méfiant, mais il était aussi infiltré dans un des marchés les plus dangereux, et après des années de bons et loyaux services, Alvize lui devait bien ça.

Non, il ne lui en voulait pas. Par contre, il avait très envie de rouler sur ce putain de Jésus Bordella puis reculer pour s'assurer que le job était bien fait. Jésus, qui s'était effectivement rétracté trois heures plus tard. Le laps de temps avait permis à Alvize de prévenir ses autres partenaires pour qu'ils ne le lâchent pas, de gérer les dommages collatéraux avant que le retrait de Jésus Bordella n'arrive à leurs oreilles et ne les fasse paniquer. Il avait donc été utile d'être informé en avance.

Mais il avait quand même l'impression d'avoir perdu son temps. Et quand il repensait à la soirée alternative qu'il aurait pu passer, au creux du corps de Sienna, son visage perdu dans ses cheveux sentant la vanille, il avait envie d'assassiner le petit Jésus. Mais il s'était retenu. Parce qu'il n'était plus censé être comme ça, désormais.

Et pourtant, ses envies de meurtres n'avaient pas été aussi vives depuis deux ans. Il avait réussi à agir de manière robotique ces dernières années et éviter les émotions extrêmes, qu'il gérait mal, mais depuis quelques temps tout foutait le camp. Son contrôle s'épuisait et sa retenue ne tenait qu'à un fil, en particulier en présence d'une certaine française.

Une française qui par ailleurs avait qualifié la possibilité de coucher avec lui comme une « erreur débile ».

Alvize se passa les mains sur le visage.

Il voulait ne pas la vouloir, ne pas penser à elle aussi souvent, mais il trouvait de moins en moins d'excuses pour justifier de garder ses distances. Samedi, Alice lui avait fait part des résultats de ses recherches (sur un ton parfaitement excédé car elle avait déjà fait ce travail une fois et rien trouvé) : rien ne liait les Florentin aux français qui avaient revendu leur alcool à l'Antidote. Rien ne liait les Di Sardi aux Florentin. Alvize savait que quelque chose clochait, mais il commençait à comprendre que plus il se focalisait sur les Florentin, moins il était objectif, et plus il risquait de rater le vrai coupable. Car, à part leur historique désastreux avec les français en général, il n'y avait pas de raison rationnelle de suspecter les Florentin plus qu'une autre famille.

Il avait laissé son désir pour Sienna affaiblir son jugement. S'il ne s'en était pas autant voulu de se sentir comme un gosse de seize ans dès qu'elle était à proximité, il aurait peut-être passé moins de temps à vouloir accuser les Florentin et plus de temps à essayer de comprendre ce qui se tramait derrière leur dos et qui était impliqué. Son esprit était embrouillé parce qu'il était hanté par les courbures de la jeune femme, la façon dont ses iris s'animaient quand ils plongeaient dans les siens, la douceur de ses cheveux qui caressaient sa peau, la dentelle qu'il voulait arracher... Bref. Il s'était piégé lui-même. Et il risquait de ne pas savoir qui démasquer s'il n'avait pas les idées claires.