Chapitre 33 - Réunions familiales

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JUILLET – Lundi - lendemain du mariage

En écoute : Maggie Rogers – Fallingwater

Sienna

Ses iris glissaient le long de la goutte de pluie battue par le vent, et Sienna l'envia d'être à l'extérieur de la voiture. Elle était bloquée depuis un bon quart d'heure à l'intérieur de l'habitacle avec pour seule compagnie un homme de glace qui s'exprimait exclusivement en onomatopées.

Elle se tourna pour observer une énième fois le profil d'Alvize, le regard obstinément planté sur la route devant lui, les deux mains sur le volant, et pas un seul battement de cil signifiant qu'il se souvenait qu'elle se trouvait à côté de lui.

Hier, dans ses vêtements à deux euros achetés sur le bord de la route, légèrement décoiffé, il avait eu l'air si accessible, si ... humain. Elle ne l'avait jamais vu en tenue décontractée avant, et elle avait pensé que c'était ce changement d'attirail qui lui avait fait découvrir une nouvelle facette de lui. Mais elle n'en était plus certaine.

Ce matin, dès leur réveil, il avait eu l'air distant et froid, comme le jour où elle l'avait rencontré. Et ça n'avait définitivement rien à voir avec son apparence, parce que son visage encore légèrement endormi, ses cheveux en bataille, et son boxer Calvin Klein pour seul vêtement (pitié faites que cette image ne soit pas gravée dans sa mémoire à jamais, elle ruinerait toute compétition pour un autre homme pendant un bon moment) étaient en pure contradiction avec l'énergie glaciale et calculatrice qu'il avait dégagée à peine levé. L'une invitait à aller se loger dans ses bras et se perdre dans son torse, parcourant du doigt ses tatouages ; l'autre à faire le signe de croix et invoquer la protection de celui des dieux qui prêtait l'oreille à ce moment-là.

Les yeux de Sienna se perdirent un instant sur la bouche du jeune homme. Il avait vraiment l'intention de faire comme si la nuit dernière n'avait pas existé ?

Certes, les gens regrettaient souvent ce qui se passait une fois la nuit tombée, Sienna la première, mais pas cette fois. Si c'était à refaire, elle le referait. Clairement pas lui.

Sienna souffla bruyamment. Alvize fronça les sourcils. Ah ! Un premier signe de vie depuis vingt minutes.

- On est bientôt arrivé, dit-il d'un ton dénué de la moindre émotion.

- Oh non, je voulais juste vérifier que ce n'était pas une statue du musée Grévin qui conduisait. Flemme de me planter dans un arbre après avoir failli mourir la veille.

Wow, ok. Peut-être un peu tôt pour faire des blagues aussi sinistres Sienna.

Mais pour combattre la boule qui grossissait dans son ventre et glaçait ses entrailles, c'était soit ça, soit pleurer. Et tout à coup, pleurer en la présence d'Alvize la gênait. L'homme qui avait essuyé ses larmes n'était pas celui qui conduisait la voiture. Celui-là lui lancerait certainement le fameux, indémodable, « Pleure, tu pisseras moins » sans quitter les yeux de la route.

Elle ne savait pas exactement ce qui avait changé au réveil. Peut-être qu'ils avaient atteint la date d'expiration du traitement de faveur que lui avait réservé Alvize quand elle était en état de choc. Peut-être qu'une nuit de repos lui avait fait reprendre ses esprits et qu'il avait réalisé qu'ils étaient redevenus des étrangers, membres de mafias concurrentes. Peut-être qu'elle lui en avait trop demandé cette nuit. Après tout, c'était elle qui avait fait le premier pas. C'était son idée. Et peut-être qu'à la lumière du jour, il regrettait d'avoir cédé aussi facilement.

Mais elle n'avait pas l'intention de revenir sur ses pas. S'il ne voulait pas en parler, ça lui allait aussi, parce qu'elle n'en avait pas vraiment envie non plus. Du moment qu'il n'oublie pas, c'est tout ce qui compte. Elles espérait vraiment qu'il n'oublierait pas.

L'Empire d'Erèbe [mafia romance 2023]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant