L'Empire d'Erèbe [mafia romance 2023]

Chapitre 44 - Intervalle

Août

En écoute : Bach – G Minor (arrangé par Luo Ni)

Alvize

Alvize observa les étoiles à travers la pergola. Il avait rejoint Dario sur le toit du manoir, pendant qu'Alice aidait Sienna à redevenir elle-même en se défaisant de tous ses artifices.

Alvize tendit son briquet à son frère, qui alluma sa cigarette.

- Maman a été difficile à convaincre ? demanda Dario en expirant de la fumée.

C'est Alvize qui s'était chargé de tenir Greta informée du plan.

- Pas vraiment. Je pensais qu'elle opposerait plus de résistance, mais elle vient de perdre son frère et Giovanni est l'ombre de lui-même en ce moment. Elle doit avoir aussi besoin de revanche.

Un silence passa.

- Je peux toujours pas ouvrir cette putain de conversation, avoua Dario.

Le cœur d'Alvize descendit dans sa poitrine. Il savait exactement de quoi parlait son frère. Dans le groupe whatsapp de la famille, le dernier message envoyé était celui de Giosué, et il indiquait simplement : « B », pour blessé. Son cousin avait suivi le protocole familial jusqu'au bout. Quand il pensait encore que ça comptait. Quand il pensait encore s'en sortir.

Personne, depuis, n'avait osé écrire un nouveau message. Ce qui était peut-être pire, car quiconque avait le malheur d'ouvrir la conversation tombait sur ce message, qui brûlerait d'horreur pour l'éternité.

A chaque fois qu'Alvize le voyait, l'insoutenable frivolité de leur existence, de toutes ces procédures, de l'absurdité de s'entretuer, le frappaient de plein fouet. Mais quelle était l'alternative ? Il était né D'Arborée. Il pouvait quitter sa famille, mais il ne serait jamais en sécurité pour autant. Même s'il changeait d'identité et s'enfuyait à l'autre bout du monde, quelqu'un pourrait le retrouver. Détruire tout ce qu'il avait construit.

C'était vrai à sa naissance, et c'était d'autant plus vrai maintenant qu'il avait intégré le réseau, maintenant qu'il avait rançonné et tué pour le réseau. Il y aurait toujours quelqu'un au monde ayant souffert de ses actions, quelqu'un qui pourrait un jour vouloir sa revanche. Il était damné, il le savait. Mais plus récemment, c'était cette même raison qui le poussait à vouloir s'affranchir des règles familiales. Si la seule vie qu'il pouvait avoir était une vie mafieuse, ne pouvait-il pas en profiter un peu plus ?

- Il faudra bien recommencer à utiliser la conversation, déclara Alvize. Ce serait pire d'en créer une nouvelle ou de supprimer son message.

Dario approuva dans un soupir.

- Quelqu'un a parlé à Sam ? s'enquit son frère.

Alvize haussa les épaules.

- Pour lui dire quoi ? Une partie de sa famille était au mariage de toute façon. Qu'est-ce qu'on pourrait ajouter qu'elle ne sache pas déjà ?

Un autre silence. Dario proposa une deuxième cigarette à Alvize qui la prit volontiers.

- J'ai entendu dire que tu avais emballé une rouquine à la soirée.

Alvize sentit les yeux de son frère scruter son profil. Il savait qu'il savait de qui il s'agissait.

- C'était pour le show. J'avais besoin de me débarrasser d'une meuf collante et Sienna s'échappait des griffes de Dontelle.

Pas tout à fait vrai, mais pas tout à fait faux non plus. Les meilleurs mensonges sont ceux qui contiennent des demi-vérités. Une des premières leçons qu'il avait apprises.