Chapitre 2 - Echec et mat

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JUIN

En écoute : Imagine Dragons - Machine

Alvize

- Roméo, si tu jettes un petit pois de plus sur ta sœur, tu finis le repas dehors avec les chiens, admonesta gentiment Giovanni.

Hormis  l'attitude incorrigible de Roméo, aucune agression corporelle n'était à  déplorer. Une fois la surprise de l'annonce retombée, le dîner avait  été très occupé par les échanges d'opinions de toute la famille quant au  mariage de Giosuè et Sienna.

Chiara,  la petite sœur d'Alvize, très préoccupée par le fait que Sienna puisse  avoir une « face de troll » (selon son propre vocabulaire), avait passé  une demi-heure à chercher son profil sur Instagram avant de crier  victoire et de faire le tour de la table pour montrer à chaque membre de  la famille les photos d'une jeune femme blonde et souriante. Pas d'acné  purulent, pas de cicatrices sanglantes ni de pilosité maladive qui lui  aurait valu une place au cirque au XIXe siècle (oui, l'hypothèse avait  été sérieusement avancée une heure auparavant, lorsque Chiara déplorait encore que le profil de la jeune femme était impossible à trouver).

C'était  indéniablement Giosuè qui avait passé le plus de temps à regarder les  photos, et il avait semblé se détendre de plus en plus à mesure que  Chiara parcourait les publications de la jeune femme. Alvize, en  revanche, n'avait aucune envie de s'appesantir sur un visage dont il  déclara qu'il était « parfaitement banal » et avait écarté d'une main le  téléphone que sa sœur continuait à lui coller sous le nez. Personne  d'autre ne partageait vraiment l'avis d'Alvize et beaucoup furent  secrètement soulagés pour leur frère et cousin que son mariage arrangé  ne prenne pas un tour trop sordide. Ils ressembleraient à un couple  totalement normal, et les personnes qui n'étaient pas dans la confidence  seraient loin de se douter que chacun avait été sélectionné par les  membres plus âgés de sa famille mafieuse à des fins purement politiques  et relativement archaïques.

Chiara termina son tour de table par Alice.

- C'est marrant Al, en théorie elle est beaucoup plus ton genre que celui de Giosuè, déclara Alice d'un ton neutre, occupée à scroller sur le profil de Sienna.

Son frère lui lança un regard assassin.

- Le jour où tu me verras marier une française tire-moi une balle dans le crâne.

- Tu  ne crois pas que tu prends un peu trop à cœur sa nationalité ? Les  parents viennent de nous dire qu'ils avaient fait des recherches et que  les Florentin n'ont jamais fait affaire avec les Saint Roch, contra Narciso.

- Sauf  que les Saint Roch ont trahi la famille par deux fois, et par deux fois  ils avaient des alliés français dont on peine encore aujourd'hui à  connaître tous les noms.

Une colère sourde monta à nouveau en Alvize.

- C'est  dingue que je sois le seul vraiment choqué ! De toutes les familles que  vous auriez pu choisir, de toutes les nationalités que vous auriez pu  sélectionner, vous prenez la seule avec qui on a historiquement le pire -  mais vraiment - LE PIRE rapport de confiance ? 

Un silence tomba autour de la table. Une poignée de secondes s'écoulèrent avant que son oncle Amadeo ne prenne la parole.

- Et  bien nous voulions attendre d'être en comité restreint pour vous en  parler et ne pas embêter les plus jeunes avec ça. L'activité principale  des Florentin est le trafic d'armes.

Alvize laissa retomber bruyamment ses couverts.

- Je croyais que j'avais le feu vert pour me faire une place dans ce business ?

- C'est  toujours le cas. Tu pourrais voir avec Gustave, le père de Sienna, pour  établir un partenariat commercial et coproduire avec lui. En attendant,  on a un nouveau fournisseur d'armes assuré avec un prix d'ami pour la  famille.

- D'ailleurs Alvize, tu as déjà beaucoup de pain sur la planche avec la joaillerie, lui rappela sa mère. Peut-être que la production d'armes peut attendre. Si on grossit trop, trop vite, on risque de chuter à nouveau.

Son  cœur se serra en entendant la remarque de sa mère. Après tout ce qu'il  avait fait pour le réseau, est-ce qu'ils remettaient réellement en cause  ses compétences ? Depuis deux ans, il avait l'impression de faire du  sur-place, de rester sous la houlette de ses aînés sans pouvoir  pleinement mettre en œuvre ses idées.

Il  avait déjà consacré toute sa vie à la famille, renoncé à des études  supérieures pour venir en renfort à sa mère, et était le seul à voir été  formé aussi durement pendant quatre années aussi longues que pénibles.  Sa mère était une force de la nature, téméraire et autoritaire, et elle  avait commencé à le former, avec une poigne d'acier, dès ses quinze ans.  Il n'avait pas touché une arme avant un an d'entraînement, et par la  suite quand ses tirs étaient trop en dessous de son niveau habituel,  elle le laissait rentrer à pied pour qu'il « prenne conscience de l'importance d'apprécier les distances correctement ».  Il rentrait exténué chez lui après avoir marché une vingtaine de  kilomètres et était terrifié à l'idée de ne pas savoir répondre aux  prochaines exigences.

Alors,  quand il avait intégré le réseau à ses vingt ans, il s'était tué à la  tâche jour et nuit pour qu'on ne puisse rien lui reprocher. Aujourd'hui,  en son for intérieur, il avait le sentiment que l'erreur flagrante  qu'ils étaient tous en train de commettre finirait par lui retomber  dessus, d'une manière ou d'une autre. Parce que c'était toujours à lui  d'encaisser.

- En  parlant d'armes, un ami proche du gouvernement m'a annoncé aujourd'hui  qu'ils étaient sur le point de voter une augmentation de la taxe sur les  métaux, puisque la majeure partie est importée des États-Unis et que la crise là-bas fait flamber les prix, annonça Dario.

Une mauvaise nouvelle n'arrivait jamais seule.

- De combien ? s'enquit Alvize.

- Je n'ai aucune confirmation pour l'instant mais apparemment ce serait au moins 10%. 

Ils furent plusieurs à pousser des cris désapprobateurs.

- Ils veulent mettre le pays à feu et à sang ? Jamais le marché ne survivra à une telle augmentation, souffla Greta.

- J'ai aussi entendu dire que des mouvements de grève des métalliers et métallurgistes se préparaient, poursuivit Dario. En  attendant, il ne fait clairement pas bon fabriquer des armes en  Piémont. Je ne vois même pas quelle marge on pourrait dégager si les  matériaux deviennent si chers.

Alvize  blêmit. Si l'annonce s'avérait juste, il n'avait pour l'instant pas les  moyens de supporter une telle hausse des coûts. Il n'avait pas de  trésorerie bien rodée puisqu'il créait l'activité en partant de rien. Au  contraire, il lui faudrait investir beaucoup d'argent pour pouvoir  lancer la production, et son budget venait d'exploser devant ses yeux à  l'annonce des 10% d'inflation. C'était, tout simplement, le pire moment  pour essayer de démarrer une affaire de production d'armes.

Ils se regardèrent tous avec un air entendu : ils allaient effectivement avoir besoin des Florentin.

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Hello :)

J'espère  que vous avez apprécié ce deuxième chapitre ! Malheureusement pour  Alvize, son été qui s'annonçait bien commence à être sérieusement gâché  par les différentes annonces. Une frustration qu'il reportera sur Sienna  le jour de leur rencontre ? Mystère... c'est pour bientôt !

Prenez soin de vous.

R/R.

L'Empire d'Erèbe [mafia romance 2023]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant