Chapitre 6 - Leëla

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Je fais comme si tout allait bien alors que des milliers de questions tournent dans ma tête

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Je fais comme si tout allait bien alors que des milliers de questions tournent dans ma tête. Pour me rendre un peu utile, alors que tout le monde semble sur les nerfs, je décide d'aller chercher le courrier. Je me couvre la tête de ma capuche alors que du vent souffle mes cheveux en arrière, et attrape les quelques enveloppes qui attendaient là. En rentrant dans le vestibule de la maison, je passe rapidement en revue les destinataires. Mes parents, mes parents, toute la famille... Et moi. Avec uniquement écrit mon prénom dessus, sans aucune autre information, ni même un timbre.

Intriguée, je dépose le reste des enveloppes sur le petit meuble comme à l'habitude, et emporte ma lettre dans ma chambre. En la retournant, à peine assise sur mon lit et ma curiosité au maximum, je remarque l'absence d'adresse retour. La personne qui l'a déposé a dû venir elle-même, s'arrêter ici et la mettre sans passer par la poste. Je ne reconnais pas l'écriture, mais une odeur faible et non identifiable vient emplir mes narines.

Je finis par en déchirer le dessus pour l'ouvrir, et trouver une feuille blanche tapée à l'ordinateur, étrange pour une correspondance personnelle. Mais ni une ni deux, je commence ma lecture, remarquant rapidement l'absence de date et de nom de destinateur en haut.

« Leëla,

Tu vas peut-être trouver cette lettre bizarre, mais j'avais besoin de pouvoir te parler, ou du moins t'écrire, seul à seule. Je voudrais que tu puisses comprendre mes motivations, les raisons qui me poussent à vouloir te retrouver, toi ma fille, après tant d'années.

Je sais que je ne me suis pas comporté comme il le fallait, que ça a beaucoup impacté ta vie et j'en suis désolé. J'étais jeune, immature, mais ce n'est pas une excuse. Depuis des années, je travaille à m'offrir une vie stable et avec assez de revenus pour t'accueillir à nouveau dans mon foyer, qui va bientôt devenir le tien. Aujourd'hui, ma vie l'est assez aux yeux de la justice pour que je puisse à nouveau être considéré comme ton seul et unique papa. C'est un soulagement pour moi de savoir que je pourrais réparer mes erreurs du passé.

Autant que je te le dise tout de suite pour que tu ne sois pas surprise, je me suis remarié, et j'ai de beaux enfants qui ont hâte de faire ta connaissance et de te voir habiter ici avec eux ! Tu es déjà si grande, tu pourras leur apprendre tellement de choses en tant que grande sœur !

C'est peut-être beaucoup te demander si vite, mais j'aimerais que tu puisses déjà nous rencontrer, pour t'habituer plus vite à ta vraie vie dans ta vraie famille. Si tu le souhaites, tu peux venir sonner au 43, rue du 11 novembre. Je vis dans la ville même où tu étudies, alors tu ne perdras pas tes repères si tu veux rester dans ton lycée actuel, ça doit te rassurer !

Je t'attends avec impatience, ma petite fille. J'espère que tu me combleras de bonheur en venant me rendre visite avant ton véritable emménagement.

A très vite, Papa. »

Papa ? D'abord, il n'était pas mon père. Mon père est celui qui m'a élevé, et qui m'a donné des connaissances. Lui, à part la vie, il n'a franchement pas fait grand-chose et je ne l'appellerai pas « papa » avant qu'il ait fait ses preuves ou une connerie du genre.

Perdue, un peu en colère contre cette lettre qui vient chambouler encore plus mes émotions, je la jette par terre, avant de la virer sous le lit en entendant Mina arriver.

Elle dépose une pile de linge sur mon bureau pour que je puisse le ranger, et vois mon trouble. Plutôt que de parler, elle vient m'enlacer pour me réconforter, et je me blottis contre elle comme quand j'étais petite pour me sentir entourée. Je ne suis que peu démonstrative avec eux, mais ils ont été ma famille pendant toutes ces années et je les considérerai comme tels toute ma vie. Je ne veux pas m'en aller...

Alors quand elle me laisse tranquille et repart, je ne peux que culpabiliser, d'avoir envie d'en savoir un peu plus. Car la lettre m'a interpellée. Et que je ne veux pas non plus passer à côté de mes origines, de ma famille, de mes sœurs dont je n'ai que des souvenirs flous. Alors même si c'est un fou et que je ne veux pas quitter ma vie actuelle, je ne peux m'empêcher de me demander si elle serait mieux là-bas, entourée par ceux qui sont vraiment de mon sang.

***

Je passe la journée sur mes devoirs pour ne pas trop penser à autre chose. Mais entre deux cahiers, je ne peux m'empêcher de lancer les réseaux sociaux pour trouver une trace de mes sœurs, en tapant leur nom dans la barre de recherche.

Je ne l'ai jamais fait jusque là parce que j'avais peur de ce que j'aurais pu trouver, mais aujourd'hui, la tentation est trop forte. D'ailleurs, si j'arrive à trouver une Florida, je pourrais peut-être avoir un aperçu de sa nouvelle vie, comme elle a suivi mon père. Enfin, James. Mon père biologique, c'est tout !

Le lendemain, Mina et Clément souhaitent aller rendre visite à de la famille éloignée, que je ne connais pas vraiment. Pas emballée à la perspective d'aller là-bas, je décide de rester à la maison. Ils ne sont pas vraiment rassurés et voudraient passer du temps avec moi, surtout après cette nouvelle, mais j'ai besoin de faire le point avec moi-même et d'être un peu seule pour réfléchir et profiter de la journée sans trop me prendre la tête. Mon dimanche guindé chez un oncle inconnu se transforme alors en journée télé avec bonbons et pizza à proximité quand ils acceptent, et c'est en pyjama que je m'installe devant l'écran du salon, prête à mettre mon cerveau sur « off ».

Je m'enfile une saison complète d'une nouvelle série que j'apprécie avant de décider de commander à manger et me faire livrer, mon ventre grognant sans discontinuer depuis tout le temps du dernier épisode.

Vingt minutes plus tard, le livreur sonne à ma porte, et je m'y dirige avec un billet dans la main pour le payer. Mais le livreur, venu à moto, n'avait pas enlevé son casque et ne voulait pas passer près des parterres de fleurs pour le la donner par la fenêtre. Il insiste pour que je lui ouvre la porte, arguant que c'est la facilité et que je suis un bébé de me méfier ainsi alors que c'est moi-même qui commande. Pas rassurée par ces derniers jours, je refuse, et claque le battant pour le refermer, alors que je sens la chair de poule couvrir mes bras.

— Mais quelle mouche te pique ? Je veux juste te donner ta pizza ! S'énerve-t-il, en levant haut les bras à travers la fenêtre, et parlant suffisamment fort pour que je comprenne tout.

La colère montant, je finis par paniquer, complètement, et je monte au premier étage pour m'éloigner de lui. De ma fenêtre donnant sur la rue, je lui ordonne de poser la pizza devant la porte et de reculer, alors même que je lance mes billets vers lui pour qu'il ait son argent et se décide à partir. Au bout de ce qui me semble de longues minutes mais qui au fond devait être bien plus courtes, il finit par s'en aller.

A moitié tremblante, je récupère ma pizza tiédie, et après avoir vérifié le verrou trois fois, finis par la manger dans le salon devant la série, pour me calmer.

Je réagis vraiment pour rien. J'avais fait n'importe quoi, normal que le livreur s'énerve sur moi et mes lubies. En attendant, j'avais vraiment eu peur.

A présent enroulée dans le plaid, je ne bouge plus, comme pétrifiée. Je ne veux plus bouger, alors je reste là sans rien faire d'autre jusqu'à ce que mes parents reviennent, le soir arrivé. Là seulement, alors que je retrouve l'ambiance familiale dont j'ai l'habitude qui remplit la maisonnée et me permet de me sentir en sécurité, je peux enfin commencer mes devoirs du week-end, malgré tout perturbée par ce qu'il s'est passé.

ADN [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant