Chapitre 1

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Émilie – Austin, Texas - De nos jours


Les années filent, mais elles n'effacent jamais vraiment les cicatrices laissées par le passé. Ces blessures qui fissurent nos âmes et nous remplissent d'un vide froid et abyssal. Neuf ans. Neuf années que je vivote à la force de mes bras. Pour lui. Pour vivre ce qu'il aurait dû pouvoir vivre. Avec l'aide de mes parents et des siens. Qui sont un peu devenu les miens. Une grande famille unie dans un deuil qui nous colle à la peau. Car, ici, dans ce bar que j'ai fabriquée de ma seule volonté, tout me le rappelle. Ce bar, c'était notre rêve. Un endroit faisant restaurant midi et soir et bar après vingt deux heures. Un endroit où on y mange bien et où on peut décompresser de sa journée, de sa semaine. Fêter ses joies, pleurer ses douleurs. J'ai galéré. Je suis une personne handicapée, pour les banques, je ne suis pas solvable pour un prêt. J'ai dû trimer dans des boulots ingrats et sous-payés. Avec l'aide de ma famille, de deux potes merveilleux et de mes économies, j'ai montée mon projet. Je suis partie de rien. Un bâtiment en ruine que personne ne voulait. Mais j'ai réussie. Il est fini et opérationnel depuis trois ans. Les gens étaient septique face au concept, à moi aussi, mais avec les jumeaux, on leur a prouvé ce qu'on valait. Et ça marche ! L'endroit, La Toundra Russe, tourne comme une horloge suisse et ne désemplit jamais. Adrien et Aurélien, mes potes préférés et tarés de service, bossent ici comme barmans. Ils attirent la clientèle féminine comme personne. Josh et Leslie, un couple enjoué, travaillent en cuisine avec Marcus, un type doué avec le sucre. Jenna, Katy et Lili-ana font les services en salle. Cet endroit est devenu mon poumon. Une façon de me sentir en vie pendant quelques heures par jours.

Le reste du temps, quand je ne suis pas ici, je le passe dans l'appart que je partage avec les jumeaux. Un endroit adapté à mon handicap. J'ai appris à vivre avec, faute de choix. Je ne sortirais jamais de ce fauteuil alors je l'ai accepté. Lui et ses contraintes. Ça ma prit du temps. Beaucoup de rendez-vous inutile chez un psy. Il ne m'a pas vraiment aidé. Ils sont drôles eux, à nous dire qu'on est vivant et que ça pourrait être pire. Merci connard. Ses conseils stupides pour allez de l'avant m'ont surtout fait rire. Il ne se rend pas compte d'à quel point c'est dur. Douloureux. Comme le regard des autres est destructeur. La pitié et le dégoût sont les pires. À cause de ça, j'ai terminée le lycée par correspondance, incapable de réussir à supporter les moqueries, la tristesse et la fausse sympathie des gens. Et son absence. Elle a été la plus dure à encaisser. Les cauchemars m'ont rongées. Ils me rongent encore, mais moins souvent maintenant. Le Syndrome de Stress Post-Traumatique. SSPT. Quatre lettres. Un enfer. J'ai essayée plusieurs thérapies différentes sans succès. On m'a prescrit des médocs à ma sortie d'hôpital, un mois après mon réveil. Anxiolytiques, anti-dépresseurs, anti ce que vous voulez. J'en ai pris pendant trois jours. Je me suis sentie bien pire avec eux que sans eux. Alors j'ai tout balourdé à la poubelle. À quoi bon de toute façon. La première année a été difficile pour tout le monde. La deuxième, l'atmosphère lourde, poisseuse, qui régnait en maître chez moi m'a fait fuir.

J'ai été à l'université, en chambre spécialisée. La fac, elle, m'a aidée. J'y ai rencontrée les jumeaux. Deux bruns aux yeux verts saisissants, identique jusque dans leur manière de s'habiller et de bouger, qui ne m'ont jamais traitée comme une femme en fauteuil roulant. Juste comme la pote sympa à pousser dans les descentes. Ils m'ont sauvés. Ils m'ont montrée des choses incroyables,m'embarquant pendant les vacances pour voir du pays. On s'est forgé un lien puissant tous les trois. Alors, quand je leur ai racontée ma vie, ils m'ont soutenue et quand je leur ai parlée de mon projet,ils ont courus derrière moi. Ils m'ont poussée quand j'ai pensée baisser les bras, portée quand je n'en pouvais plus. Sans eux, j'ignore ce que je serais devenu. La seule chose qui n'a jamais guérit, qu'ils n'ont jamais comblés, c'est le trou béant creusé par sa disparition. Et ça personne n'a le pouvoir de le remblayer. Je vis avec, et je ne pense même pas vouloir qu'il s'évanouisse. J'ai trop peur de l'oublier. Même si je sais ne jamais en être capable. Alexeï était mon âme. Sans lui, rien n'est pareil.

Evil Eater - T1 - Alexeï - Quand l'amour vainc la mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant